jeudi 8 août 2019

la clinique de l'action


Robert Michit Aout 2019

En tant que thérapeute, consultant en entreprise, formateurs, éducateurs et accompagnant de couples et parents trois problématiques mettent en difficultés les pratiques d’aides

·       La première surgit lors de la rencontre d’enfants, d’adolescents et d’adultes qui sont pris dans une impossibilité de faire ce qu’ils savent devoir faire et ne le font pas[1] que ce soit pour leur bien-être (dormir, se nourrir, se détendre), pour réaliser une activité manuelle/technique[2] ou relationnelle[3].

o   Dans ces situations, les personnes développent un conflit intra psychique qui produit de la souffrance liée au sentiment de ne pas pouvoir se libérer de la force qui les empêche de réaliser leur volonté (c’est plus fort que moi). Toutefois, c’est dans ce conflit que réside la force et la dynamique du changement. L‘accompagnement pourra s’appuyer sur cette dynamique.

·       La seconde née lors de la rencontre de personnes qui ne se rendent pas compte que leurs actions sont inappropriées à la situation de vie. La problématique semble assez récente[4].

o   N’ayant pas la possibilité de se représenter actrices, elles sont continuellement en écart avec les attitudes attendues ; elles n’en souffrent pas. Par contre, elles font souffrir les autres et elles sont toujours étonnées de leurs réactions et évaluations. Elles ne peuvent pas s’engager dans un changement personnel car elles attribuent aux autres ou à l’environnement la responsabilité des écarts à l’attendu de leurs actions. Pour leur faire découvrir qu’elles sont actrices de leur action, il convient de faire décrire le déroulement précis des événements dans lesquels sont parti prenantes. Il faudra cependant parfois utiliser une schématisation très concrète du récit pour qu’elles puissent s’y voir en jeu. Si leur attitude ne s’est pas enkystée dans une réactivité paranoïaque, la pratique bien que laborieuse apporte rapidement des résultats quant à l’ajustement de leur quotidien.

·       La troisième surgit lors de rencontre avec des personnes qui décident et énoncent clairement vouloir rester liées à une pratique, un produit, une idéologie ou une personne[5] parce qu’elle procure des cadeaux, des récompenses virtuelles et une identité symbolique. Découvrir les logiques de dépendance comportementale propres aux renforcements positifs que la personne a utilisées pour assujettir ses adeptes ne permet pas de modifier les comportements de ces derniers. Dans les situations d’addiction aux jeux vidéo la problématique est particulièrement exemplaire et claire.

o   La force de ce lien d’assujettissement, réside dans le fait que le jeu a inversé la hiérarchie des perceptions : la richesse virtuelle est plus importante que la richesse concrète ; l’addicte sera prêt à acheter des richesses virtuelles[6] et à se ruiner et voler ses proches pour un gain de plaisir virtuel. La richesse symbolique (appartenance à un groupe) devient plus forte que la richesse réelle concrète, à partir du moment où une grande richesse réelle est potentiellement accessible. Percevoir qu’elle n’est atteignable que pour, au maximum, un deux cent millionième[7] de joueurs ne réduit pas sa force d’attraction qui réside dans le fait qu’elle est toujours imaginée possible pour soi.

o   Mettre en évidence - par le raisonnement et le système de valeurs - le fait que la pratique du jeu enrichit réellement le concepteur importe peu du moment qu’il enrichit de cadeaux virtuels la vie du joueur.

·       Les situations dans lesquelles le symbolique devient plus fort que le réel interrogent encore plus fortement la manière d’aider la sortie des pratiques d’addiction à un produit par lesquelles l’individu, n’arrive plus à avoir accès au réel et donc ne peut plus prendre de décisions ajustées aussi bien en ce qui concerne son bien être biologique et sa santé, que son activité professionnelle ou productive, que sa situation sociale ayant perdu les relations avec les autres proches et plus lointains.

Quelle que soit la typologie de la problématique, il existe une constante invariante pour les personnes : elles sont actrices de leurs comportements.

En conséquence, pour que l’accompagnant puisse entrer en relation d’aide auprès de ces personnes, il faut qu’il connaisse précisément quelle est structure de leurs actions.

Ainsi pour la clinique de l’action quatre étapes sont nécessaires : connaître la structure d’une action, comprendre le processus de sa création, évaluer sa pertinence au regard des éléments des situations et apporter des outils pour l’ajuster, le cas échéant.

Pour comprendre et pratiquer cette clinique, il est donc nécessaire d’approfondir deux questions suivantes :

Qu’est-ce qu’une action en situation d’actions ?

Que faut-il faire pour qu’une action soit ajustée à la situation sans que l’ajustement soit mesuré à l’aulne d’un système de valorisation ou de référence de l’évaluateur qu’il soit l’acteur lui-même ou l’observateur ?

Qu’est-ce qu’une action en situation d’actions ?




Premier constat : l’action est l’essence de la vie humaine.

Il n’existe aucune existence de vivant et a fortiori d’existence humaine sans action.

Les plantes sont sans cesse en action, elles se nourrissent et même dans le repos de l’hiver une activité minimale existe. Les animaux sont sans cesse en activité, pour se nourrir, se protéger et pour jouer pour les plus évolués.

Les humains réalisent les mêmes activités que les animaux, ils y rajoutent les activités de créativité et d’inventivité technique et sociale. L’humain est donc acteur de sa santé, de sa vie de production et de ses relations sociales mais aussi de tous ses mécanismes de défense (Freud A. 1949). Même quand nous disons ne rien faire, nous agissons. Dans le but de se reposer, on arrête de produire. Dans le but de ne pas envenimer une relation, ne rien faire c’est renoncer à agir. Et c’est ainsi pour toutes les situations où il est dit que rien n’est fait. C’est pourquoi il est facile de demander à celui qui dit : « je n’ai rien fait » ; « en ne faisant rien tu as fait quoi ? ». La surprise est totale mais l’effet de représentation est tout aussi étonnant : « j’ai fait tout ça… ! »

Ce constat est le fondement de la clinique de l’action. Il montre que toutes activités du quotidien, toutes les attitudes, celles qui mettent en place de mécanisme de défense, celles qui sont la conséquence d’altération psychique ou de maladie mentale, sont toutes et chacune le fruit d’une séquence de plusieurs actions réalisées concomitamment[8] dans l’immédiateté du temps.



Une séquence d’action est une suite de décisions-actions.

Nous rappelons qu’une séquence d’actions - quelle que soit la nature de son objectif  [9] - est constituée d’une suite logique de micros décisions-actions. Ces dernières sont des actions réalisées à la suite de la prise en compte d’un ensemble d’informations mises en lien avec un système de valorisation qui définit une hiérarchisation d’importants à respecter.

Exemple : lorsqu’une personne entend une critique de son attitude, immédiatement se produit, quelle que soit la personne, la même suite de décisions-actions : elle évoque des situations se rapportant à la critique, fait référence à un système de normes, construit une justification de son attitude et énonce ou retient sa réaction en fonction des enjeux de la situation. 

Ces micros actions surgissent dans un temps inférieur au centième de seconde. Elles sont soit des comportements réactifs, soit des actions précises sans conscience[10], soit des décisions clairement conscientes. Les émotions relèvent toutes d’un de ces types de décision-action. Leur spécificité relève du fait que le micro processus décisionnel qui est à leur origine présente une élaboration très primitive.

Dans une séance de délibération qui conduit à la prise de décision ou à une résolution à mettre en œuvre, l’ensemble des événements lors de cette séance fonctionne sur le même schéma, chaque acte est un ensemble de micros actes d’action ou de pensée structurés selon les mêmes micros processus décisionnels.



Toute décision-action procède d’un micro processus décisionnel

Dans un premier temps, du fait de son organisme sensoriel réalisant l’interface avec l’environnement, quel que soit l’individu et quelle que soit la situation, lorsqu’il agit une décision-action, juste avant de l’agir, il prend en compte des éléments de la situation.

Du fait de l’empan cognitif qui limite la quantité des informations à traiter autour de sept par la mémoire à court terme, il ne peut en prendre en compte que deux. Ces toutes premières perceptions sensorielles vont avoir une importance capitale dans la suite du déroulement du micro processus décisionnel. Ces perceptions explicitement prises en compte sont souvent dirigées par l’objectif que l’individu suit ou qui lui a été donné[11]. Dans le cas d’une surprise, c’est le type de surprise et l’expérience qui sélectionne les informations prises en compte. Ce tri des perceptions est en partie à l’origine des biais cognitifs et des écarts dans le résultat final apparent.

Dans un deuxième temps, et ce temps est crucial, grâce à l’expertise accumulée au cours des expériences précédentes, l’acteur a acquis des "structures d’invariants" propres à chaque ensemble de deux perceptions. Ces constantes propres à chaque type de situation, lui permettent d’inférer la loi/ou la structure de la situation qui se présente à lui, avec toutes ses propriétés. Plus l’expérience est grande plus la loi/structure de situation sera précise, juste et efficace.

Par exemple lorsque vous voyez un verre quel que soit l’angle de vue sous lequel, on vous le présente (angle de vue qui limite les éléments de perception), vous inférez immédiatement que c’est un verre avec ses propriétés de verre. Vous ne pouvez pas, cependant, connaître avec précision les motifs de décorations qui en ferait sa spécificité, mais ces motifs ne sont importants que dans la situation où l’objectif serait d’en connaître la teneur.

Un archéologue qui découvre un morceau de poterie sera plus capable d’en imaginer la forme d’origine et ses propriétés qu’un néophyte.

Un expert en jeu d’échec ou de go, peut à la vue des éléments perçus en déduire l’état de la partie. Qu’un élément insolite vienne s’inviter dans le jeu, il est alors totalement déstabilisé.

Un grand nombre des actions qui sont en écarts à l’attendu révèle un défaut dans la faculté de percevoir la loi de situation présente avec ses invariants, ses constantes universelles, sa structure et ses propriétés.

La force d’un expert ou d’une bonne décision n’est pas dans le grand nombre d’information pris en compte mais dans le peu d’informations structurantes.    



Dans un troisième temps, comme toute situation psychosociale est nécessairement prise entre plusieurs enjeux[12], l’acteur-décideur doit les discerner, afin d’en définir une hiérarchie particulière. Cette hiérarchie peut être déjà opérante lors de la saisie des deux premières perceptions, elle s’affine par la connaissance des moyens que l’acteur possède et maitrise pour atteindre l’objectif que cette hiérarchie aura défini.

Exemple dans les relations humaines de jeu ou de lutte, les moyens à disposition des protagonistes seront utilisés en fonction des perceptions de l’adversaire et modifieront la hiérarchie des enjeux passant de la volonté de dominer à celle de fuir selon les forces en présences et leur inégalité.

C’est seulement qu’ayant pris en compte ces 7 éléments (deux perceptions, la loi de situation, le moyen à mettre en œuvre et les trois enjeux) que l’acteur peut déclencher une micro décision-action efficace. S’il ne possède pas la capacité de prendre en compte ces 7 informations, la décision-action ne sera pas ajustée.

Ce traitement des informations est opéré dans un temps inférieur au centième de seconde. Chacune de ces décisions-actions sont cause de la réussite ou l’écart d’une action. Autrement dit une de ces micro décision-actions en écart à la logique de l’action met en échec le résultat de l’action désirée ou décidée dans le temps de la délibération (ou mise en acte dans le temps de la surprise).

Cette structure des actions en séquence de décisions-actions, elles-mêmes fruit des micros processus décisionnels permet d’énoncer qu’il est alors possible de renforcer ou de développer les capacités d’actions en travaillant au niveau des micros processus décisionnels.



Quelles que soient les situations, chez un individu, toute décision-action qu’il agit, relève de la même puissance de son micro processus décisionnel.

Les études montrent (Michit H et R 1998) que les micros processus décisionnels relèvent de seulement trois types ; ceux qui traitent les informations concernant la possibilité de se donner, de l’énergie, du bien être et de la détente. Ils répondent au potentiel d’action lié à l’identité de pourvoyeur de soi. Ceux qui traitent les informations concernant les activités de production domestique et en entreprise. Ils répondent au potentiel d’action lié à l’identité d’exécutant. Ceux qui traitent les informations propres aux relations avec les autres dont la différence peut déranger mais aussi apporter du plaisir. Ils répondent au potentiel d’action lié à l’identité de sociale.

En conséquence, la cause de toutes les altérations psychiques ou celle des comportements inappropriées et déviants relève de la structure et de la force du micro processus décisionnels qui ne serait pas ajusté aux caractéristiques des situations d’action selon ces trois grands champs identitaires.

Que faut-il faire pour qu’une action soit ou devienne ajustée à la situation sans que l’ajustement soit mesuré à l’aulne d’un système de valorisation ou de référence de l’évaluateur qu’il soit l’acteur lui-même ou l’observateur ?


Pour un thérapeute, un consultant en entreprise ou en relation d’aide, un coach ou un éducateur, la découverte dans les micro processus décisionnel de la phase qui est en carence, permet de construire de façon précise et méticuleuse des interventions au niveau même de la carence observée. Donc pour agir, il doit accéder avant tout à la connaissance de la construction particulière des actions-décisions en situation, puis à celle du miro processus décisionnel en question.



La technique pour connaitre les lieux de carence et pour renforcer la puissance du micro processus décisionnel.

L’entretien d’explicitation des processus décisionnel (Michit 1997) représente une des techniques la plus élaborée à ce jour pour accéder à cette profondeur des décisions. Il se pratique en quatre étapes.

Le premier récit permet d’incarner l’expression des sentiments, des impressions pour accéder à l’énoncé de situations vécues dans lesquelles ces ressentis ont été expérimentés. Cette première étape est nécessaire pour éviter les interprétions subjectives, diverses et nécessairement fausses car trop dépendantes des systèmes de valorisation de ceux qui les émettent ou de celui qui les reçoit.

Deuxième récit : Quand une situation concrète a pu être identifiée, l’accompagnant aide son interlocut(rice)eur à décrire avec la plus grande précision possible les événements qui se sont déroulés durant l’évènement. Ils obtiennent ainsi une suite de séquences d’actions qu’il s’agit de travailler pour accéder à la logique du processus décisionnel global.

Ce travail est l’objet du troisième récit dans lequel chaque action signifiée par les verbes d’actions utilisé par le narrateur sera caractérisée à l’aide des formes décisionnelles. Cette classification réduit l’immensité des représentations des formes d’actions en quelques formes décisionnelles. Elle facilite la découverte de la logique décisionnelle ainsi que la cohérence entre les décisions d’objectif et les décisions de moyen. IL apparait très souvent que les moyens utilisés pour atteindre les objectifs ne sont pas adaptés. Cette découverte est déjà un premier pas pour accéder à une pratique quotidienne plus adaptée.

Quatrième récit : Ce travail effectué, permettant de découvrir et de renforcer la responsabilité et la fierté de l’acteur, il convient de prendre une ou deux décisions-actions décrites dans le but d’analyser les éléments que le micro processus décisionnel a pris en compte : les perceptions, la loi de situation, les enjeux avec leur hiérarchie et les moyens pris pour agir.   

En même temps que se découvre la structure des actions, se construit le renforcement du potentiel d’action : c’est la spécificité de la clinique de l’action.

Bibliographie

Freud, (A.) (1949), le moi et les mécanismes de défense, Paris, Presse universitaire de France.

Michit, R. (1998) Une méthode d’explicitation des processus décisionnel des individus et des groupes : l’entretien psycho-cognitif, Communication et organisation, n°14 p.233-253

Michit H. R. (1998) Identité psychosociale, diagnostic et renforcement, Grenoble, MC2R,



[1] Cette question traverse les siècles puisque déjà Ovide et Paul de Tarse la pose comme une énigme insurmontable : il existe en moi une loi que je ne comprends pas je fais ce que je ne veux pas…qui me libèrera de ce corps qui me voue à la mort » Paul de Tarse lettre au Romains, ~54 ap JC.
[2]  Cela va des jeunes adultes qui ne savent pas enrouler convenablement un fil électrique ou un tuyau d’arrosage sur un enrouleur, à ceux qui savent ce qu’ils doivent faire mais sont happés par d’autres préoccupations, comme d’autres qui savent qu’il ne faut pas taguer les véhicules du chantier et pourtant le font emportés par leur impulsion et perdent leur emploi.
[3] Combien de relations de couple sont empêchées par ces formes d’impossibilité !
[4] On peut la situer dans l’après-guerre, les années 50-80 lorsque la pratique de l’examen de conscience qui stimule la quête de la représentation de soi en action, disparait comme pratique communément partagée dans la majorité des classes sociales, pour une part lié au fait de l’horreur qu’on pu commettre des humains découvert lors du procès de Nuremberg, et précisément celui d’Eichmann homme ordinaire et banal qui ne s’est pas rendu compte de ce qu’il faisait Arendt H : la banalité du mal), d’autre part c’est le moment de la perte des mœurs coutumiers et hebdomadaires du christianisme populaire. Plus précisément on la voit s’étendre à l’arrivée du RMI (1988) et se renforcer avec la loi de février 2002 sur le travail social. Avec ces deux lois apparaissent les notions de défavorisé et d’ayant droit qui renvoient à l’Etat et à la société la responsabilité des difficultés économiques personnelles.
[5] Le jeune Al.  13 ans, lorsqu’il est interrogé sur ses relations avec le jeu Fornite  - duquel il est addicte au point de passer des nuits blanches pour réaliser les « défis » qui lui permettent d’obtenir des capacités de combats, de taper sa mère et son père avec un grosse canne pour obtenir de l’argent  et des temps de jeu infini(contrôler par le contrôle parental) et de ne pas manger en famille - dit : Donald (interlocuteur dans Fornite) est gentil car il me donne des cadeaux… je préfère être son esclave pour avoir ses cadeaux.
[6] La force du jeu est d’utiliser une cryptomonnaie anonyme Monero pour payer les achats du jeu. Au regard de la réalité, il y a une mise à distance de plus avec la richesse concrète de l’argent quotidien.
[7] En juillet 2019 le nombre de joueurs est estimé à 200 millions.
[8] La simultanéité des actions n’est qu’une apparence du fait de la rapidité de leur apparition. En fait elle s’enchaine chronologiquement selon une logique causale précise.
[9]  Le but a pu être déterminé par une délibération ou par une réactivité dans le cas d’une mise en défense ou dans le cas d’un événement provoquant une surprise.
[10] La différence entre un "comportement" et "une action précise sans conscience", relève du fait que le sujet qui agit un comportement n’est pas en mesure de décrire avec précision ce qui a été à son origine. Alors que pour une action précise sans conscience est non consciente au moment où elle est faite, mais le sujet peut se la rappeler dans un temps différé et en décrire les tenants et aboutissants avec précision. Ce sont par exemple les actions d’experts ou de sportifs de haut niveau qui les font dans l’action sans en avoir la conscience mais peuvent les raconter dans l’après coup.
[11] L’expérience de la vidéo du gorille (internet)montre clairement comment la poursuite d’un objectif (compter le nombre de passes entre les joueurs) lorsqu’il est fixé par le présentateur à ceux qui vont regarder la vidéo, masque la prise en compte du gorille qui prend tout le cadre de perception à un moment donné de la séquence. Sa présence sera même éliminée par une activité du cerveau qui élimine du champ de perception tout ce qui empêche l’atteinte de l’objectif à atteindre. 
[12] La situation psychosociale la plus simple, est une situation qui met en relation deux acteurs qui doivent réaliser une activité en utilisant des outils/moyens. Pour cela chaque acteur doit respecter des règles et procédures. Au minimum trois enjeux sont impérativement à hiérarchiser à tout moment : la réalisation de l’activité selon les règles de l’art, le respect de l’autre et l’attention à sa propre sécurité.

vendredi 19 juillet 2019

Les écrans une logique d’assouvissement


A, a 13ans. Il passe le WE huit heures par jour à jouer et 4heures à regarder les séries et les informations à la TV. Lorsqu’il va à l’école (il a manqué en moyenne un jour par semaine) il joue 4h et regarde la TV jusqu’à minuit, une heure du matin. Il est en 5° et le travail scolaire est très insuffisant avec un 6 de moyenne sur l’année. Se couchant tous les jours après 23h il n’arrive pas à mémoriser et à rester concentré sur les apprentissages. Quand les parents essaient de limiter son temps d’écran il entre dans des crises d’une grande violence. S’ils persistent, il met en place des stratégies pour rendre insupportable leur vie : quand le père téléphone il vient crier des insanités tout proche du téléphone ; il crie ; il harcèle jusqu’à ce que le temps de jeu lui soit accordé pour jouer à l’infini comme il le demande. Quand il est sur son jeu alors la maison retrouve son calme jusqu’à la prochaine crise, qui surviendra le jour suivant après son lever vers midi.  

A est entré en contact avec les écrans dès sa naissance, la mère mettait le téléphone dans son berceau pour l’endormir ou le faire patienter en lui faisant écouter des comptines et des berceuses. L’intention était louable, elle voulait répondre à une forme éducative de présence par la musique douce et la culture. Sauf qu’associée à la musique et aux sons, il y a la luminosité de l’écran. L’enfant trouve très vite comment utiliser les touches pour faire varier la luminosité. Il apprend rapidement à utiliser les touches pour mettre de lui-même les musiques et les images qu’il aime. Ainsi, dès la toute petite enfance comme dès qu’il a eu contact avec les tablettes, avant d’avoir la maitrise de leur utilisation comme un outil de connaissance il s’est créé subrepticement un désir d’aller chercher la lumière et l’animation de l’écran. Puis, inévitablement ce désir s’est transformé en besoin d’avoir à sa portée l’objet de ses envies immédiates. Ce besoin est devenu en quelques mois un besoin irrépressible et dominateur créant un tel manque que seule la colère et la violence contre soi (A.se tape la tête contre les meubles) contre le matériel (il a cassé les vitre de la véranda et le parebrise de la voiture de son père) et contre les autres (il tape sa mère et son père  à coup de bâton).

L’interdit du jeu est arrivé trop tard car il n’a jamais fait la rencontre de la frustration sans compensation ; dès qu’il avait le sentiment d’un manque ou d’une insatisfaction, il avait à sa portée l’objet qui venait la combler. Il a vécu sans obstacle réel car ils étaient tous compensés. La rencontre de l’interdit sans possibilité de compensation est une nouvelle pratique et un nouveau langage dont il n’a pas les compétences pour les assumer. Il vit alors un vide existentiel qui le projette dans une angoisse et une colère que seuls des actes qui ont des effets visibles peuvent apaiser

jeudi 20 juin 2019

De la sanction ...des précisions .




L’acte de réparation d’un écart n’est pas la mise en place d’une sanction mais bien la mise en œuvre d’une démarche permettant l’accroissement des compétences qui libèrent de la mise en acte des systèmes de défense.

A.      Constat
Une sanction administrée à une personne
dont l’attitude ne correspond pas à l’attendue dans un groupe,
conduit inévitablement à la création d’un sentiment d’injustice,
chez le contrevenant,
si ce dernier ne reconnait pas avoir fait cet acte
et ne reconnait pas l’écart à l’attendu.
S’il n’assume pas la responsabilité de son acte en écart,
quel qu’il soit, enfant, adolescent ou adulte,
sa réaction à une sanction installera inévitablement un sentiment d’injustice
la sanction rompt la relation de confiance avec l’autorité qui la pose.
Dans cette condition, l’espérance que la sanction comme l’admonestation et le rappel de la règle corrigent le comportement inapproprié est vaine. La sanction rappelle seulement que l’autorité soumet, n’écoute pas et ne comprend pas. Elle manifeste que l’autorité qui la pose, oublie que tout écart à une règle est le fruit d’une incompétence et donc d’une faiblesse et que très rarement est le produit d’une volonté de révolte.
A toute sanction - émise sans référence à une prise de conscience d’une responsabilité de l’acte en écart  - la réaction est identique. Quelle que soit la transgression qu’elle soit le refus d’une règle de groupe, d’un irrespect de procédure ou encore d’une transgression à une loi sociale, elle rebute et n’apprend rien sinon la soumission et l’hostilité.
Si l’administration de la sanction, d’une remarque, d’une évaluation négative, est répétée, elle crée  le ressentiment : rancœur d’injustice et impression de victime.   Elle construit ou renforce la représentation que l’autorité est oppressante, sans attention aux personnes et à leurs spécificités… De là, se fonde l’idée que l’adulte pour l’enfant/l’ado, le responsable pour le professionnel, « m’en veut » ou « en a contre moi sans raison ».
Ainsi, l’administration sans accès à la responsabilité  justifie les rejets de toute autorité (en milieu professionnel) et la désobéissance à toute démarche éducative ( en milieu éducatif) qui ne prendrait pas en compte les insuffisances individuelles à répondre aux exigences de la vie en groupe et en société. Elle suscite le besoin irrésistible de destruction, de délits, de dégradation de l’environnement qui n’aide pas et ne s’organise pas pour accompagner.
Par contre, une démarche (longue parfois, plusieurs mois)
grâce à laquelle, avec l’aide d’une autorité,
la personne admet une partir de la responsabilité de ses actes,
 favorise l’émergence spontanée du désir de réparation
ainsi que la volonté de se faire aider afin d’acquérir les compétences
pour agir selon les règles de l’art,
selon les attentes du groupe
ou les exigences professionnelles.
Une règle sans exception s’impose : il est contreproductif d’administrer une sanction à un individu qui n’est pas en mesure de reconnaitre la responsabilité de son acte et cela quelle que soit la cause :
·         un refus réactionnel,
·         une incapacité à se représenter dans une séquence d’actions
·         ou une incompétence à se concevoir acteur.

B. que faire ?
Laisser faire et ne pas intervenir n’aide pas le contrevenant à accéder à son humanité ; celle-ci en effet implique d’acquérir des compétences
·         d’une part pour être inclus dans un groupe et participer à sa vie.
Ces compétences permettent d’en respecter les règles. Elles servent même à pouvoir s’adapter à plusieurs groupes organisés différemment avec des règles spécifiques autour d’une autorité dont il s’agit de respecter les différents modes d’exercice,
·         d’autre part pour être en mesure de créer des échanges avec des alter ego dont il faut accepter la différence et même la rechercher  afin de coopérer ou de faire société avec tous.
Il est donc impératif d’agir pour faire advenir
les compétences qui éliminent les possibilités d’écart à la norme
non par la seule soumission mais par une adhésion
qui développe la créativité source de toute fierté
propre au sentiment d’appartenance.
Laisser faire n’aide pas non plus les autres participants du groupe qui trouvent injuste une autorité laxiste qui laisserait un collègue faire ce qu’il veut, alors qu’eux sont astreints et s’astreignent à respecter les règles. Un refus de correction conduirait à l’anarchie et à la perte de la cohésion. Le groupe deviendrait un ensemble d’individus sans règle, sans union donc sans communion et sans projet commun.
Comment administrer une sanction qui ne produise pas le sentiment d’injustice... ?
Pour l’individu qui a la capacité d’accéder à la responsabilité de son acte - parfois après une aide substantielle l’accompagnant à dépasser les émotions et affections qui peuvent l’envahir après un vécu d’incompréhension et de frustration -, il convient de faire découvrir la gravité des effets de son acte ; très souvent, ces effets n’avaient pas été perçus et ne pouvaient pas l’être.
Après un tel travail, construire avec lui une action qui puisse réparer les conséquences ou tenter de le faire. L’action spécifique à chaque situation et à chaque personne produit soit une satisfaction propre au sentiment de réparation libératrice, soit, en restaurant le lien social, une sortie de la culpabilité résiduelle lorsque les conséquences de l’acte déviant ne peuvent pas être totalement réparés.  
Pour celui qui ne peut pas accéder à la représentation de sa responsabilité attribuant à l’autre ou/et à l’environnement l’entière responsabilité de ce qui s’est passé et donc aussi de ses actes en écart aux attendus, la première et seule action possible consiste à l’accompagner fermement pour qu’il accède à la représentation de ses actes et donc à reconnaitre sa responsabilité. Pour obtenir ce résultat deux conditions sont nécessaires :
·         accepter d’appartenir à un nouveau groupe
·         et décider d’apprendre une nouvelle manière de vivre.
En tout premier lieu, il faut donc s’assurer que l’individu fait partie de son groupe d’appartenance. S’il se trouve obligé d’être dans ce groupe car une vie hors du groupe est impossible soit pour des contraintes de justice (enfant ou adulte placé par ordonnance), de survie matérielle (hébergement) ou de besoins financiers (salariés), il convient à l’autorité garante du lieu et de l’accompagnement de la personne d’établir un contrat d’entrée dans le groupe. Dans ce contrat, fondement de toute démarche coopérative, le nouvel arrivant énonce son engagement :
o   se conformer aux règles de vie même si celles-ci ne lui conviennent pas,
o   trouver un nouvel équilibre de vie dégagé des contraintes qui l’ont poussé à venir habiter ce nouvel espace.
Il en résulte une règle incontournable :  Tout individu dont l’autorité dirigeante de l’institution n’a pas réussi à établir un contrat, même précaire, mais solide et réel lors de son entrée, ne doit pas être admis.
Lors de l’établissement du contrat,
·         d’une part il est reconnu par l’accueilli son impérative raison de participer ou de profiter du groupe du fait de ses propres contraintes,
·         d’autre part il énonce la volonté malgré ses limites et ses possibles transgressions et échecs d’en respecter un minimum ses règles.
Sans un tel engagement sous la contrainte de sa réalité et de son histoire propre, la personne sera nécessairement en transgression et aucune sanction ne pourra l’inclure, ou l’aidera à accéder à sa responsabilité.
Dans un second temps, quand cette condition première est acquise, un individu participant à un groupe avec lequel il est lié par un contrat d’appartenance même s’il est construit sur les bases d’une obligation[1], se trouvera souvent en écart aux comportements attendus ou à une pratique professionnelle correspondant à sa mission. S’il ne voit pas ses écarts et s’il ne reconnait pas sa responsabilité dans ces écarts, en faisant référence au contrat initial, il sera possible de lui demander d’être accompagné de façon régulière (journellement ou hebdomadairement), dans le but d’expliciter, sans expression de jugement, ses actions réussies comme celles en écart. Le but de ses entretiens consiste à le faire accéder à la faculté de reconnaitre la responsabilité de ses actes et de leurs effets.
En fait cette pratique devrait être demandé à toute personne qui entre dans un groupe sous la contrainte car il ne peut pas en accepter toutes les règles. Elle introduirait les premiers actes d’intégration au groupe.
Pour correspondre à la position de service de la personne, il convient, - à la suite d’un entretien de mise en évidence de cette carence première et dans lequel l’objectif de coopération au regard du contrat premier aurait été clairement identifié -  de lui faire découvrir avec plus de conscience qu’elle ne voit pas toutes les conséquences de ses actes et donc que cet écart met en difficulté l’exercice de sa participation au groupe ou pour un adulte à sa professionnalité  et donc qu’il est impératif  d’accéder à cette faculté.
L’aspect « sanction » se trouve dans la demande sans possibilité de se soustraire à la régularité des entretiens d’explicitation des actions dont le but est clairement identifié. Cela évite le risque d’accusation de harcèlement, car la démarche instaurée fait l’objet d’une notification expresse et précise indiquant le motif, la cause et le moyen d’y remédier.

La pratique de sanction dans ces conditions, consiste à construire une compétence qu’il ne possède pas. Pour cela, il convient de demander à l’intéressé de venir raconter de façon formelle dans des entretiens réguliers le récit des actions de son quotidien, en commençant par celles qu’il réussit et dont il peut être fier et celles dans lesquelles il se trouve en difficulté pour les mener à bien. Par cette pratique prescrite, il acquiert peu à peu la capacité à se reconnaitre acteur même dans les actions dans lesquelles il commet des erreurs.
Cette pratique de la sanction de reconstruction de l’identité d’acteur précède toutes les formes de sanction de réparation.
T est un jeune ado dans l’institution qui le reçoit, il mène une vie à part du groupe. Un accident subi dans sa prime enfance avec de multiples hospitalisations va le construire dans un système de relation familiale qui lui permet de faire ce qu’il veut en contrevenant à toutes les règles mises en place lorsqu’elles ne satisfont pas son besoin immédiat. Adolescent, il est en échec scolaire, il ne respecte pas les règles de vie et ne s’occupe que de ses affaires.  Un jour une éducatrice, nouvelle, le reprend au moment où il transgresse une règle que les autres sont en train de respecter. Il lui dit : « t’es qui toi pour me commander, tu n’es là que depuis trois mois, moi je suis là depuis trois ans et il y a trois ans, on faisait comme on voulait alors ta gueule. »
Un éducateur plus ancien présent au moment de l’altercation, lui signifie qu’il n’a pas à parler ainsi à sa collègue. T se met en boucle sur sa certitude et ses injures ; il n’entend plus rien.  L’éducateur se trouve impuissant, il est obligé de lâcher pour ne pas le violenter.
Après l’événement, l’équipe vient se plaindre au chef de service en disant « on est obligé de lâcher, il fait ce qu’il veut. Qu’est-ce qu’on fait au groupe si on le laisse faire alors qu’on impose aux autres de respecter les règles de vie ?
Alors que la manifestation de force, celle de l’éducateur, il s’entend, vient de montrer qu’elle les a conduits à une impuissance, l’équipe éducative reste convaincue que seule une sanction ferme avec une démonstration de force de l’autorité pourrait éduquer ce jeune sans respect de l’autorité.
Le chef de service les invite à décrire la séquence des événements et de leurs actions dans le but de leur faire découvrir une partie de leur responsabilité, dans la mise en défense hostile de l’adolescent. Cependant ces professionnels, tournant eux aussi, en boucle, n’accèdent pas à la remise en cause de leur stratégie éducative. Ils considèrent qu’ils ne sont pas compris par le chef de service dans leur difficulté à animer le groupe avec des jeunes présentant des modes de réactions violentes ou défensives.
Les faire accéder à une autre forme d’éducation qui éviterait de prononcer des sanctions pouvant être perçues comme injustices n'est pas accessible à leur entendement. Expliquer leur mission et présenter des moyens d’action différents ne permettent pas de les faire accéder à cette autre pratique, les sanctionner pour écart, non plus. Le changement est trop difficile au regard de leur certitude et de leur compétence ; une autre approche est nécessaire.

Un groupe d’ado transgresse la règle qui indique qu’il n’est pas permis de fumer dans les chambres.
Les adultes sentent une odeur de fumée, ils rassemblent le groupe et l’un d’eux demande qui a fumé. Personne ne se dénonce.
L’animateur de la réunion énonce une sanction pour tout le groupe. Cette sanction est perçue comme injuste évidemment.
Mais cette sanction est posée par les éducateurs comme une forme de réparation à la transgression. Elle s’exécutera le samedi matin suivant.
Or, le samedi matin, un jeune du groupe travaille pour se faire un peu d’argent. Il réagit fortement. Cependant, l’animateur lui impose fermement l’obligation de se plier à la décision. Le jeune alors, sort de ses gongs et frappe violemment l’adulte qui prendra plusieurs jours d’ITT après une visite chez le médecin.
L’adolescent est reçu par le directeur. Il raconte avec précision les faits sans omettre ce qu’il a fait. Par le travail précis sur ses actions, il accède à la responsabilité de ses actes avec leur écart à la règle du respect de l’adulte. Il reconnait qu’il n’aurait pas dû le frapper malgré l’injustice qu’il ressentait et qu’il aurait pu venir s’en expliquer au chef de service ou même au directeur.
Prenant conscience de la gravité de son acte, le directeur lui demande : « qu’elle sanction relève d’une telle gravité ? ». L’adolescent reconnait qu’il a été trop loin et qu’il mérite une exclusion. Le directeur pose l’exclusion d’une semaine mais il lui associe une mesure d’accompagnement : tous les jours éducateur se rendra chez lui pour lui faire décrire ce qu’il a fait la journée dans le but de renforcer ses compétences à accepter les obstacles de la vie et à les traiter avec les adultes adéquats.
Parallèlement, l’adulte accompagné de l’équipe des présents lors de la scène est reçu par le directeur. Il raconte les faits en édulcorant la fermeté de ses propos, il est moins précis que le jeune. Le directeur le lui fait remarquer. Il s’en défend et ne reconnait pas en quoi il a été à l’origine de la perte de contrôle du jeune par sa rigidité. Le directeur ne peut donc pas le sanctionner pour un écart à la déontologie du respect du jeune et à la pratique de son renforcement de compétence à vivre avec ses difficultés personnelles. S’il le faisait l’adulte  vivrait une telle sanction comme un injustice et renforcerait chez lui le ressentiment que la direction ne l’écoute pas.
Le directeur trouve une autre stratégie pour aider l’équipe.
Il leur demande de réfléchir à ce qui vient de se passer, à leur attitude et à celle de l’enfant. Il demande à un du groupe de s’occuper de l’enfant pendant son exclusion. Chaque jour il fera un compte rendu précis des entretiens avec le jeune en présence du chef de servvice.
Une semaine après les adultes avaient bougé leur ligne. Plus à l’écoute du jeune et plus en mesure de trouver une autre manière de faire.
La force des questions et de l’étonnement tout au cours de la reconstruction du scénario n’ont pas été suffisant pour faire accéder à une autre représentation de la situation chez les professionnels dans le moment de l’entretien. Les professionnels restent sur l’insupportable d’un adolescent qui ne se plie pas à leur autorité. Ils ne peuvent pas voir que c’est leur autorité qui lui fait perdre tous les repères du respect d’une autorité qui ne le respecte pas.
Pourtant, à chaque moment de l’entretien, la mise en évidence des actions et de leurs effets sur l’adolescent - pris lui aussi dans des enjeux personnels induisant des réponses en défense qui le conduisent jusqu’à l’ultime moyen de faire entendre ce qui le fait vivre - laisse une trace qui a son effet plus tard. 

Pour un changement de compétences professionnelles ou de vie sociale


Nous pouvons admettre que tout écart à une règle de vie ou à une procédure professionnelle relève d’une carence de compétence ou d’un système de valeurs ou d’impératifs qui s’est rigidifié et tissé tout à la fois par les expériences de vie et les défauts d’ajustement des moyens qui auraient permis de mieux vivre ou de mieux être adapté aux situations du quotidien.
Pour faire acquérir les changements nécessaires à la réalisation adéquate de la mission demandée et de la vie quotidienne avec tous ces obstacles, la stratégie de conseil et de sanction ne donne pas les résultats escomptés.
Il y faut donc une autre stratégie.
Cette stratégie implique tout d’abord une acceptation que la limite professionnelle n’est pas en tout premier lieu une résistante malveillante ; elle est une incapacité. Il convient donc d’opérer une «approche d’apprivoisement » car l’interlocuteur se sent en danger lorsqu’il est mis en face d’un écart constaté par l’autorité ; écart entre sa manière de penser et d’agir et les attentes de cette autorité qui lui délègue une mission.
Cette approche ne peut se faire que par une attention de proximité. Cette dernière se réalise par une relecture des activités quotidiennes en apparence insignifiantes (pour les enfants : lever, manger dormir, les activités d’apprentissage, pour les adultes les activités professionnelles). Ces relectures sont posées comme une demande relevant d’un effort à faire pour accéder à la mission que demande soit le contrat professionnel soit la vie quotidienne. C’est ainsi que la relecture relève de la mise en place non pas d’une sanction mais d’un effort à opérer pour accéder à la demande du projet soit celui de l’établissement soit celui de la vie en société.
Dans ces temps de relecture, il sera important d’aller surprendre l’individu dans sa capacité à prendre des décisions ajustées : pour les adultes celles propres à leur délégation,  pour les enfants celles de leur projet de croissance en humanité. Elles font apparaître tous les temps où le respect des règles est mis en œuvre spontanément (procédures professionnelles et règles sociales).
En conduisant l’explicitation de quelques actes du quotidien, il convient ensuite de faire découvrir les prises de décision dans lesquels l’apprenant a pris en compte peu à peu plus d’éléments de la situation et plus d’impératifs à respecter et à hiérarchiser en fonction des enjeux de la situation.
Ce faisant, par cet accompagnement de proximité, après quelques semaines pour un professionnel, quelques années pour un enfants, l’autorité construit la capacité de représentation de soi acteur de ses actes ; elle fait advenir une nouvelle capacité d’action par l’expérience d’une mise en réussite des actions quels que soient les obstacles.

L’acte de réparation d’un écart n’est donc pas la mise en place d’une sanction mais bien la mise en œuvre d’une démarche permettant l’accroissement des compétences qui libèrent de la mise en acte des systèmes de défense.


[1] Un placement de justice place dans un univers éducatif, un besoin d’existence imposant un salaire engage sous la contraint à respecter les règles d’une profession, un besoin vital de mise en protection sociale ou des intempéries, contraint à accepter les règles du groupe d’hébergement ou des règles de l’assistance sociale. 

dimanche 3 mars 2019

3 Fondement du management opale des acteurs décideurs responsables



Troisième partie

3° principe

des

Fondements managériaux pour une organisation Opale mettant en exergue les principes de subsidiarité

pour faire coopérer des collaborateurs 

·        faisant autorité

·        à leur niveau délégation



1       Troisième principe




Tout collaborateur qui ne s’engage pas clairement dans le seul objectif de collaborer au projet de l’entreprise est à la source de tensions et de conflits. Ce collaborateur justifie son écart avec la hiérarchie voire sa mise en conflit  par l’importance qu’il donne au respect de son intérêt personnel qui ne peut être subordonné au projet d’entreprise et à ses impératifs et encore moins à la volonté d’un responsable.



1.1.1.1         La signature du contrat de travail devient un moment central là où se définit les règles de la collaboration subordonnée et autonome en fonction de la responsabilité d’acteur que lui confère la délégation reçue.


1.1.2        Le temps de la signature du contrat


Le contrat étant un engagement réciproque entre un manager qui a besoin des compétences de collaborateurs qui les mets à son service pour réaliser un projet d’entreprise, le temps de ce contrat doit être solennel et méticuleusement préparé afin qu’il ne subsiste aucune méprise dans les responsabilité et attentes de chacune des parties.

Il y sera stipulé que le hiérarchique se trouve dans une autorité de service dont le but est de mettre à dispositions l’organisation des activités et les outils et moyens adaptés pour que le collaborateur puisse exécuter son travail selon sa propre autorité d’expert responsable de ses actes et de ses décisions.

Dans ces conditions, le contrat scelle

·         une relation de subordination à la loi des situations et donc au hiérarchique qui la sert

·         et une relation de délégation d’autorité qui confère au collaborateur toute la responsabilité de ses actes.

Le salaire vient normer et codifier selon un principe de justice le prix des services rendus et des responsabilités exercées.  

1.1.3        La signature du contrat de subordination et la discipline


Après un exposé clair et partagé des attentes et des responsabilités de chacun le compromis accepté se conclut par la signature du contrat.

Cette signature habituellement réalisée sur un coin de table dans l’entreprise responsable se réalise en prenant le temps dans un espace au symbole fort pour offrir à ce temps la solennité et les honneurs qu’il mérite.

Ce temps d’engagement fort servira dans le futur au moment où les intérêts de chacun pourraient diverger lorsque pourraient se privilégier ceux qui sont personnels au détriment de ceux de l’entreprise. Il sera alors facile de faire un rappel à cet engagement puisqu’il aura été empreint de digité. Il permettra ainsi  de résoudre les différends avec plus de rationalité et moins de passion.

1.1.4        La délégation de la responsabilité qui attribue une autorité autonome de prise de décision en fonction de la loi de situation qui la libère de toute référence à la hiérarchie.


En attribuant une responsabilité des actes de tous professionnels (dirigeants, cadres, techniciens) au niveau de la délégation donnée, le management développe des relations d’égalité qui demandent à chacun de prendre ses responsabilités et à chacun d’écouter la parole de l’expert d’une activité comme fondatrice des décisions. Cependant cette position  confère à tous les collaborateurs de pouvoir questionner les fondements d’une décision au regard de l’activité qui seule fait autorité. Cela demande à l’expert de ne pas se refermer sur ses compétences et son autorité pour être ouvert aux questionnements de tout autre non experte de son champ d’action.  



1.1.5        L’obligation de comptes rendus circonstanciés des événements qui se sont déroulés durant l’activité avec la description fine des décisions prises.




Afin de ne pas se laisser emporter par les phénomènes d’effet tunnel et pour respecter la fonction de la sub-ordination, il sera demandé à chacun de réaliser des comptes rendus circonstanciés non seulement des résultats réalisés mais aussi des évènements qui se sont produits durant la réalisation. Cette pratique permet de mettre en lumière des risques de dangers ou de problèmes ultérieurs qui, dans l’instant, ont été dépassés par l’expert mais qui pourraient mettre en évidence des défauts dans l’organisation. En accompagnant ce récit par la demande de description très exacte des décisions que l’acteur à prises avec des collaborateurs éventuels, le récepteur du compte rendu peut maitriser tout le processus de production et ses risque potentiels que l’acteur n’aurait pas pu percevoir seul.

Cette pratique de compte rendu ne peut pas être réalisée par un seul écrit de l’acteur vers ses proches. En effet, il est impossible à l’acteur de pouvoir percevoir toutes les actions qu’il a faite ainsi que leurs effets. Il faut donc, que le compte rendu soit interrogé méticuleusement par son récepteur selon le principe de l’explicitation des processus décisonnels.

au sujet des émotions quelques précisions d'importance


Au sujet des émotions quelques précisions d'importance

Les émotions

Abstract
L’émotion entre comme une perception dans le processus des décisions-actions du quotidien.
Elle peut être momentanée comme elle peut être persistante. Dans ce cas, elle occupe l’espace des perceptions ; elle dirige ou empêche l’ouverture du champ perceptif ou la hiérarchie d’un autre type d’enjeux présents dans la situation. Elle devient une sensation latente et prégnante voire insistante difficile à déloger. Elle masque les autres stimulations sensorielles et mnésiques.
Pour accéder à un traitement ajusté d’une situation procurant une émotion, il convient d’acquérir une représentation de soi précise et constante dans tous les moments d’une séquence d’actions personnelles ou professionnelles. Cette conscience de soi en acte permet de mettre en présence tous les éléments de la situation. Ainsi elle garde à l’émotion toute sa place et sa puissance énergétique et dynamique sans lui laisser prendre toute la place. Sans l’éliminer elle la prend en compte, la remet à sa place et donne la possibilité d’être ajusté à la structure  de la situation sans froideur ni affectation.
Cette compétence de pleine conscience s’obtient par l’explicitation des processus décisionnels conduit par un professionnel de l’accompagnement et du coaching lorsqu’il sait travailler précisément le renforcement du potentiel d’action personnel[1]

Démonstration

 Les émotions ont toujours[2]  fait l’objet d’attention particulière puisqu’elles font partie du quotidien de chacun de nous, mais aussi des philosophes, des sages, des dramaturges et des poètes. Tous ont écrit aussi bien pour les valoriser que pour les décrier ; les valoriser car elles sont la source d’une énergie formidable ;  les décrier à cause de leur capacité de nuisance : elles peuvent inhiber l’action ou la diriger dans des précipices mortifères;  elles peuvent détruire la pensée et produire un aveuglement de croyance irrationnelle, perverse voire incorrigible.
Comment une même réalité peut-elle avoir des effets aussi antinomiques? Est-ce de la même réalité dont il est question ?
A ce jour, nous trouvons des contributions[3] distinguant les émotions positives (joie, émerveillement, admiration, sentiment amoureux) des négatives (colère, tristesse, peur, désolation, dégout). Les auteurs précisent leurs effets et leurs fonctions qui donnent de la couleur à la vie. Mais pour connaître leur structure cognitive performatrice nous trouvons peu de référence.
La structure affectivo-cognitive de l’émotion est performatrice car elle réalise elle-même ce qu'elle suscite. Elle produit des changements au moment où le sujet perçoit un de ces signes qui fait advenir un nouvel état du corps et de l’esprit. Par exemples, une peur ou une joie détermine le présent de l’individu. Il devient joyeux ou en colère. Et ces deux états ont un impact considérable sur l’identité de son sujet.
« Ce matin je me suis fait happée par une émotion mauvaise, j’ai dû me bagarrer pour la chasser de ma tête.
C’est bizarre comment elle est arrivée d’autant que c’était un vieux mauvais souvenir enfoui depuis très longtemps! »

Il est courant de se faire ῝happer par l’émotion. Tout l’art consiste d’une part à s’en libérer quand elle inhibe l’action, perturbe la pensée, ou encore obscurcit la vie jusqu’à la déprime ; d’autre part à l’utiliser à bon escient sans se laisser aveugler lorsqu’elle procure une énergie d’action décuplée.
Afin de pouvoir comprendre l’apparition et la fonction de toutes les émotions et ainsi trouver les manières de les prendre en compte sans se laisser submerger tout en goûtant leurs effets, nous nous proposons de mettre en évidence leur structure cognitive.  
Qu’est-ce qu’une émotion.
Toute émotion positive ou négative apparaît ou advient spontanément et sans filtre cognitif lorsqu’un humain perçoit une information qu’il met en lien immédiatement, par une activité neuronale implicite, à une valeur normative ou à un impératif catégorique.
Si l’information correspond ou stimule une valeur (bienveillance, beauté, justice, vérité) qui est positive pour le sujet alors surgit une intense émotion de plaisir, de joie, de satisfaction, un sentiment de bien-être.
Si l’information, pour le sujet, présente un danger qui remet en cause sa survie, surgit la peur, si elle met en présence d’une contrevaleur  apparait la colère, le dégout, ou si elle se trouve à remettre en cause un droit ou une intégrité personnelle se pointe alors un sentiment d’injustice jusqu’au ressentiment si cette information se répète. 
Toute émotion est donc le  "construit d’une information mise en lien avec une valeur essentielle ou un impératif de vie personnel et singulier. L’émotion est donc totalement subjective. Une même information peut créer des émotions entièrement opposées chez deux personnes différentes.

L’émotion comme un facteur d’action
Ce construit affectivo-cognitif devient une perception créée  qui entre dans tous les micros processus d’actions, de comportements ou de décisions prises dans l’immédiateté de l’action[4].
Ainsi, très souvent, l’émotion se transforme en une ré-action somatique épidermique et prendre la forme d’un comportement primaire qui ne prend pas en compte tous les éléments de la situation.
Lorsque ce construit cognitif, persiste du fait de sa puissance affective et mnésique, l’émotion envahit tous les moments de la vie. Elle occupe l’esprit qui se trouve en  difficulté pour la chasser.  Il s’en suit que cette perception-émotion peut rester isolé sans combinaison avec d’autres perceptions et d’autres impératifs qui contribueraient à diminuer son influence. Elle est envahissante. Autrement dit, "l’émotionné, celui qui est pris par une émotion, est totalement autocentré..

Pour une action ajustée
Pour agir de façon ajustée, et se dégager de la prégnance univoque des émotions, il convient de les identifier  bien sûr, mais de les identifier comme des perceptions parmi tous les éléments[5] d’une situation qu’il s’agit aussi de percevoir  et de prendre en compte
·         au moment de l’action
·         comme dans les temps de réflexion préparant une séquence d’actions[6].
Les éléments d’une situation à mettre en lien sont  
·         les autres perceptions sensorielles.
A la différence des perceptions sensorielles, l’émotion est une perception construite chargée d’une énergie active et d’une puissance mnésique importante; la perception d’une injustice produit de la colère. Parfois, l’émotion est chargée d’une force de sidération de l’action quand la personne ne découvre pas la sortie de l’oppression qu’elle produit ; la peur d’aller à l’école produit une phobie qui empêche de franchir l’obstacle pour affronter la foule des autres.

·         la découverte instantanée[7] de la structure de la situation (ou loi de situation : contrainte/service)
·         le  moyen permettant la réalisation de l’action adaptée.
Une action est adaptée à la situation lorsque les perceptions et les moyens sont en cohérence avec les impératifs de la situation : par exemple les activités à réaliser, l’utilisation des outils, le respect des procédures, la prise en compte des autres.  Sous l’aspect des impératifs, les autres sont  des personnes actrices et pas seulement des éléments constitutifs de la situation.


Ne pas avoir beaucoup d’émotion en entreprise est-ce un problème ?
L’émotion  sert à avoir de l’énergie pour réaliser les actions du quotidien. Si la volonté de travailler qui donne l’énergie d’analyse et d’action est présente et habite le quotidien professionnel, avoir une source  d’énergie  en plus n’est pas nécessaire à l’action. Il s’en suit que les émotions  ne sont pas nécessaires dans les relations productives. Seul le résultat comptable compte.
Si dans les relations professionnelles, l’attention à l’autre et à ses décisions-actions est intégrée par la relecture de ses actions sans attribution d’intention en ayant évacué les interprétations dans la recherche de réalité, il n’y a pas besoin  d’émotion dans l’espace professionnel.
Par contre une existence sans émotion et sans expression d’émotion, peut gêner l’entourage qui n’aime pas les gens qui paraissent froids. 
Pour les relations sociales extraprofessionnelles et pour  la vie personnelle, apprécier la beauté et exprimer de la joie de vivre est un facteur de paix intérieure qui apporte un goût de vivre à ne pas négliger.





[1] Ces pratiques sont présentées et fondées dans la communication scientifique  l’entretien d’explicitation des processus décisionnels   Bordeaux 1998 cf site.
[2] Le traité des passions de R. Descartes 1649 reprend toute une tradition des mouvements irrationnels décrits par les stoïciens et Aristote et reprise dans la grande histoire de la tragédie grecque.
[3] Dans l’engouement actuel les concernant des auteurs apportent de la confusion entre des comportements et les émotions, en particulier les apports de Barbara Frédrickson n’aident pas à la clarification.
[4] Le concept de décision-action répond à cette catégorie d’actions perçues comme réflexes par leur immédiateté non réflexives et pourtant totalement perçue comme des décisions par leur auteur lorsqu’ils sont amenés à les décrire dans l’après coup de l’action.
[5] Nous savons désormais que tout micro processus décisionnel lors d’une décision-action ajustée  prend en compte quatre perceptions et trois impératifs propres à la situation d’actions. (cf. précédent texte : le potentiel d’action)
[6] Cette mise à distance des émotions devenues croyance permet d’éviter l’obscurantisme, l’aveuglement et l’intégrisme.
[7] Dans une réalisation opérationnelle d’un plan d’actions, il arrive à tout instant que la réalité prévue se déforme et se trouve dans un état différent de celui attendu. Il faut donc parfois avoir la force de la désobéissance à la stratégie envisagée pour être ajusté à l’évolution de la situation. La force d’un opérationnel n’est pas seulement la discipline mais aussi la désobéissance éclairée par la réalité. Au sujet d’un amiral  un ministre anglais dit ceci : « il a toute les qualités de Nelson sauf une : il ne sait pas désobéir. »  cité par C. De Gaulle au fil de l’épée.