L’utilisation pédagogique de la vidéo est à réaliser avec précaution.
Une formation à l’explicitation des processus décisionnels de l’apprenant
est à acquérir
afin de diminuer les effets indésirables d’une rencontre immédiate
avec le renvoi identitaire de l’auto-vision de soi filmé.
1.
La vidéo renvoi une image de soi qui
tente de corriger un défaut par une évaluation externe traitée par la raison
La vidéo est très utilisée dans le cas de l’amélioration des
gestes techniques et dans l’ajustement des prises de décision stratégique et
opérationnelle dans le champ de l’amélioration des performances sportives et
artistiques.
Cette pratique de visualisation de soi dans une séquence
d’actions permet de se voir effectuant un
geste, et ainsi de recevoir par une source extérieure la vision de soi
en acte.
L’idée de cette technique-méthode d’amélioration repose sur
le même principe que les conseils donnés par un coach ou un maitre artisan ou encore
un expert possédant la maîtrise d’un métier. Le principe du conseil consiste à apprendre
en corrigeant le geste inapproprié par l’énoncé d’une évaluation externe. la
méthode repose sur la prédominance de la raison sur l’action : si l’acteur
sait ce qui ne va pas, il pourra apporter les modifications nécessaire à
l’ajustement du geste.
2.
l’acquisition du bon geste se fait par
une intégration interne des modifications percues à apporter
L’expérience montre que toutes les informations provenant de
l’extérieur sont efficaces quand celui qui les reçoit peut les intégrer à l’intérieur
de soi afin qu’il puisse les mettre en œuvre dans l’immédiateté du temps de
l’action par un processus de représentation de soi dans l’action.
Le processus d’intégration se fait par le cortex qui
comprend l’écart et qui tente de l’intégrer par un système de répartition après
vision du défaut ou écoute de l’évaluation de l’entraineur ou du maitre par un
processus d’intériorisation que l’apprenant doit faire seul. Elle demande de
nombreuses répétitions pour que le processus d’intégration soit opératoire et donc « réflexe » et
« personnalisé » par l’appropriation du geste au niveau du limbique et du reptilien qui n’utilise pas
les réseaux du cortex qui sont trop lents.
Cette démarche n’aide pas l’apprenant à intégrer, elle l’informe
sur ce qui doit être fait et c’est à l’apprenant de trouver le chemin pour
faire sienne la remarque et la transformer en une bibliothèque d’action et
d’informations qui seront récupérées de façon ajustée dans l’immédiateté de
l’action.
L’apprentissage est long et fastidieux quand il s’agit d’un comportement
technique (artisan ou métier ) ou dans le cas d’une production de gestes
techniques corporels sportifs ou artistique.
3.
la vision d’une pratique de communication
entre des personnes touche l’image identitaire
Lorsque la pratique de visualisation de l’acteur pris en
film est transférée dans le cadre d’un apprentissage d’un comportement relationnel,
on remarque un effet très handicapant.
Se voir sur une vidéo, entendre sa voix dans un
enregistrement renvoie une évaluation identitaire à celui qui voit ou entend
son comportement en lien avec d’autres alors qu’il ne l’a pas perçu lorsqu’il
le faisait.
L’écart entre la vision de soi en relation avec les autres et
sa propre représentation en relation - tout comme
l’écart entre sa voix entendue ou la découverte de ses paroles échangées à l’aide
d’un enregistrement alors que l’auteur ne reconnait pas sa voix et qu’il est
très négativement étonné de la qualité
de sa conversation - produit inévitablement un choc identitaire très
fort voire violent qui conduit à un rejet de soi et une impossibilité de revoir
une vidéo de soi.
Dans le cas de l’apprentissage relationnel l’effet sur
l’apprentissage est plus violent que dans le cas d’un apprentissage d’un geste
technique d’une part du fait de l’évaluation continu de l’apprenant avec les
conseils de son entraineur ou de son maître professionnel d’autre part d’une
moindre remise en cause identitaire.
4.
Il faut un temps d’apprivoisement de
ce « soi » qui est « moi »
mais que je ne connais pas et qui me donne à voir des choses que je ne voudrais
pas faire.
L’auto vision de soi en relation avec d’autres est donc très
risquée, s’il n’y a pas une appropriation plus intérieure de la connaissance de
soi que la découverte par une source extérieur rend manifeste de façon trop
brutale.
Comme la représentation de soi est capitale pour pouvoir
modifier une attitude professionnelle, il y a cependant un autre moyen plus
respectueux de la capacité à se voir de l’intérieur.
Ce moyen relève de la démarche d’explicitation des processus
décisionnels présents dans une séquence d’action. Cette explicitation permet à
l’acteur de se voir peu à peu par une auto évaluation réalisée de l’intérieur à
l’aide d’une représentation accompagnée par un tiers. Cet accompagnement
consiste à faire se réapproprier toutes les formes d’action appropriées avant
d’auto-révéler les actions qui ne seraient pas ajustées.
5.
Le travail de renforcement de l’action
La démarche consiste
·
dans un premier temps à aider l’acteur à décrire précisément et chronologiquement
les actes dont il se souvient. Si des actes nombreux ne sont pas récupérés par
l’acteur, car il n’a pas la faculté de se voir dans la situation, l’accompagnant-tuteur
l’aide à retrouver ces attitudes en resituant l’acteur dans la séquences de ses actions par un rappel non insistant de certains événements.
·
dans un deuxième temps, lorsque le récit
chronologique le plus précis possible a été réalisé, l’accompagnant-tuteur
reprend toutes les actions rappelées dans ce récit et travaille chacune de
façon à faire découvrir les actions qui lui sont associées à l’aide d’une
demande simple. Ces actions associées étant implicites mais bien réelles ne
sont jamais récupérées par la mémoire sans une assistance spécifique;
c’est pourquoi l’accompagnant tuteur doit
aider l’acteur à les récupérer à l’aide de lien logique ou d’une représentation
de la situation vécue.
·
Lors du troisième temps, le tuteur accompagnant
va aider l’apprenant à identifier dans les actions récupérées, les éléments
qu’il a pris en compte pour agir. Il fait se travail pour les actions qui ont
été retrouvées facilement par l’apprenant seul. Mais il peut aussi le demander
pour les actions qui ont été découvertes
grâce à la mémorisation assistée par le tuteur accompagnant.
Ce travail de représentation est immédiatement intégré de l’intérieur
par l’acteur et il sera ainsi
immédiatement mis en œuvre dans la pratique de l’acteur au niveau de la
représentation limbique et mis en œuvre
au niveau reptilien.
6.
les conditions d’une efficacité de
l’auto-vision
C’est seulement après un travail de ce type qui permet une
représentation par l’acteur lui-même, que la visualisation d’une vidéo de soi
en acte peut avoir un effet bénéfique pour l’apprenant. Cette vision permettra
d’ajuster le travail de représentation qui aura été apprivoisée.
L’impact identitaire de la vison sera moindre. Toutefois même
avec ce travail de représentation le choc est parfois très important, il est alors
possible de visionner une vidéo après deux ou trois séances d’explicitation.
Résumé
Pour utiliser une auto-vision sans danger, les tuteurs auraient tout
intérêt à connaître la pratique de
l’explicitation des processus décisionnels présent dans l’immédiateté de
l’action. Les effets d’apprentissage seraient à la fois plus rapides et plus
constructifs au regard de l’identité propre de l’apprenant.