Au sujet des émotions
quelques précisions d'importance
Les émotions
Abstract
L’émotion entre comme une perception dans le processus des
décisions-actions du quotidien.
Elle peut être momentanée comme elle peut être persistante. Dans ce
cas, elle occupe l’espace des perceptions ; elle dirige ou empêche l’ouverture
du champ perceptif ou la hiérarchie d’un autre type d’enjeux présents dans la
situation. Elle devient une sensation latente et prégnante voire insistante
difficile à déloger. Elle masque les autres stimulations sensorielles et
mnésiques.
Pour accéder à un traitement ajusté d’une situation procurant une
émotion, il convient d’acquérir une représentation de soi précise et constante
dans tous les moments d’une séquence d’actions personnelles ou
professionnelles. Cette conscience de soi en acte permet de mettre en présence
tous les éléments de la situation. Ainsi elle garde à l’émotion toute sa place
et sa puissance énergétique et dynamique sans lui laisser prendre toute la
place. Sans l’éliminer elle la prend en compte, la remet à sa place et donne la
possibilité d’être ajusté à la structure
de la situation sans froideur ni affectation.
Cette compétence de pleine conscience s’obtient par l’explicitation des
processus décisionnels conduit par un professionnel de l’accompagnement et du
coaching lorsqu’il sait travailler précisément le renforcement du potentiel
d’action personnel[1].
Démonstration
Les émotions ont toujours[2]
fait l’objet d’attention particulière puisqu’elles
font partie du quotidien de chacun de nous, mais aussi des philosophes, des sages,
des dramaturges et des poètes. Tous ont écrit aussi bien pour les valoriser que
pour les décrier ; les valoriser car elles sont la source d’une énergie
formidable ; les décrier à cause de
leur capacité de nuisance : elles peuvent inhiber l’action ou la diriger
dans des précipices mortifères; elles peuvent détruire la pensée et produire
un aveuglement de croyance irrationnelle, perverse voire incorrigible.
Comment une même réalité
peut-elle avoir des effets aussi antinomiques? Est-ce de la même réalité dont il
est question ?
A ce jour, nous trouvons des
contributions[3]
distinguant les émotions positives (joie, émerveillement, admiration, sentiment
amoureux) des négatives (colère, tristesse, peur, désolation, dégout). Les
auteurs précisent leurs effets et leurs fonctions qui donnent de la couleur à
la vie. Mais pour connaître leur structure cognitive performatrice nous
trouvons peu de référence.
La structure affectivo-cognitive
de l’émotion est performatrice car elle réalise elle-même
ce qu'elle suscite. Elle produit des changements au moment où le sujet perçoit un
de ces signes qui fait advenir un nouvel état du corps et de l’esprit. Par
exemples, une peur ou une joie détermine le présent de l’individu. Il devient
joyeux ou en colère. Et ces deux états ont un impact considérable sur l’identité
de son sujet.
« Ce matin je me suis fait happée par
une émotion mauvaise, j’ai dû me bagarrer pour la chasser de ma tête.
C’est bizarre comment elle est arrivée
d’autant que c’était un vieux mauvais souvenir enfoui depuis très
longtemps! »
Il est courant de se faire ῝happer″ par
l’émotion. Tout l’art consiste d’une part à s’en libérer quand elle inhibe l’action,
perturbe la pensée, ou encore obscurcit la vie jusqu’à la déprime ;
d’autre part à l’utiliser à bon escient sans se laisser aveugler lorsqu’elle
procure une énergie d’action décuplée.
Afin de pouvoir
comprendre l’apparition et la fonction de toutes les émotions et ainsi
trouver les manières de les prendre en compte sans se laisser submerger tout en
goûtant leurs effets, nous nous proposons de mettre en
évidence leur structure cognitive.
Qu’est-ce qu’une
émotion.
Toute émotion positive ou
négative apparaît ou advient spontanément et sans filtre cognitif lorsqu’un
humain perçoit une information qu’il met en lien immédiatement, par une
activité neuronale implicite, à une valeur normative ou à un impératif
catégorique.
Si l’information correspond ou
stimule une valeur (bienveillance, beauté, justice,
vérité) qui est positive pour
le sujet alors surgit une intense émotion de plaisir, de joie, de
satisfaction, un sentiment de bien-être.
Si l’information, pour le sujet, présente
un danger qui remet en cause sa survie, surgit la peur, si elle met en présence
d’une contrevaleur apparait la colère, le
dégout, ou si elle se trouve à remettre en cause un droit ou une intégrité
personnelle se pointe alors un sentiment d’injustice jusqu’au ressentiment si
cette information se répète.
Toute émotion est donc le "construit“ d’une information mise en
lien avec une valeur essentielle ou un impératif de vie personnel
et singulier. L’émotion est donc
totalement subjective. Une même information peut créer des émotions entièrement
opposées chez deux personnes différentes.
L’émotion comme un facteur d’action
Ce construit affectivo-cognitif devient une perception créée qui
entre dans tous les micros processus d’actions, de comportements ou de décisions
prises dans l’immédiateté de l’action[4].
Ainsi, très souvent, l’émotion se
transforme en une ré-action somatique épidermique et prendre la forme d’un
comportement primaire qui ne prend pas
en compte tous les éléments de la situation.
Lorsque ce construit cognitif, persiste du fait de sa puissance affective et
mnésique, l’émotion envahit tous les moments de la vie. Elle occupe l’esprit
qui se trouve en difficulté pour la
chasser. Il s’en suit que cette
perception-émotion peut rester isolé sans combinaison avec d’autres perceptions
et d’autres impératifs qui contribueraient à diminuer son influence. Elle est
envahissante. Autrement dit, "l’émotionné“, celui
qui est pris par une émotion, est totalement autocentré..
Pour une action ajustée
Pour agir de façon ajustée, et se
dégager de la prégnance univoque des émotions, il convient de les identifier bien sûr, mais de les identifier comme des perceptions
parmi tous les éléments[5]
d’une situation qu’il s’agit aussi de percevoir
et de prendre en compte
·
au moment de l’action
Les éléments d’une situation à mettre
en lien sont
·
les autres perceptions sensorielles.
A la différence des perceptions sensorielles, l’émotion est une perception construite chargée d’une énergie active et d’une puissance mnésique importante;
la perception d’une injustice produit de la colère. Parfois, l’émotion est
chargée d’une force de sidération de l’action quand la personne ne
découvre pas la sortie de l’oppression qu’elle produit ; la peur d’aller à
l’école produit une phobie qui empêche de franchir l’obstacle pour affronter la
foule des autres.
·
la découverte instantanée[7]
de la structure de la situation (ou loi de situation : contrainte/service)
·
le moyen permettant
la réalisation de l’action adaptée.
Une action est adaptée à
la situation lorsque les perceptions et les moyens sont en cohérence avec les impératifs
de la situation : par exemple les activités à réaliser, l’utilisation des
outils, le respect des procédures, la prise en compte des autres. Sous l’aspect des impératifs, les autres sont des personnes actrices et pas seulement des
éléments constitutifs de la situation.
Ne pas avoir beaucoup d’émotion en entreprise est-ce un problème ?
L’émotion sert à avoir de
l’énergie pour réaliser les actions du quotidien. Si la volonté de travailler
qui donne l’énergie d’analyse et d’action est présente et habite le quotidien
professionnel, avoir une source
d’énergie en plus n’est pas
nécessaire à l’action. Il s’en suit que les émotions ne sont pas nécessaires dans les relations productives.
Seul le résultat comptable compte.
Si dans les relations
professionnelles, l’attention à l’autre et à ses décisions-actions est intégrée par la relecture de ses actions sans attribution d’intention en ayant évacué
les interprétations dans la recherche de réalité, il n’y a pas besoin d’émotion dans l’espace professionnel.
Par contre une existence sans
émotion et sans expression d’émotion, peut gêner l’entourage qui n’aime pas les
gens qui paraissent froids.
Pour les relations sociales extraprofessionnelles et pour la vie personnelle, apprécier la beauté et
exprimer de la joie de vivre est un facteur de paix intérieure qui apporte un
goût de vivre à ne pas négliger.
[1] Ces
pratiques sont présentées et fondées dans la communication scientifique l’entretien d’explicitation des processus
décisionnels Bordeaux 1998 cf site.
[2] Le
traité des passions de R. Descartes 1649 reprend toute une tradition des
mouvements irrationnels décrits par les stoïciens et Aristote et reprise dans
la grande histoire de la tragédie grecque.
[3] Dans
l’engouement actuel les concernant des auteurs apportent de la confusion entre
des comportements et les émotions, en particulier les apports de Barbara
Frédrickson n’aident pas à la clarification.
[4]
Le concept de décision-action répond à cette catégorie d’actions perçues comme
réflexes par leur immédiateté non réflexives et pourtant totalement perçue
comme des décisions par leur auteur lorsqu’ils sont amenés à les décrire dans l’après
coup de l’action.
[5]
Nous savons désormais que tout
micro processus décisionnel lors d’une décision-action ajustée prend en compte quatre perceptions et trois
impératifs propres à la situation d’actions. (cf. précédent texte : le potentiel
d’action)
[6] Cette
mise à distance des émotions devenues croyance permet d’éviter l’obscurantisme,
l’aveuglement et l’intégrisme.
[7]
Dans une réalisation opérationnelle d’un plan d’actions, il arrive à tout
instant que la réalité prévue se déforme et se trouve dans un état différent de
celui attendu. Il faut donc parfois avoir la force de la désobéissance à la
stratégie envisagée pour être ajusté à l’évolution de la situation. La force
d’un opérationnel n’est pas seulement la discipline mais aussi la désobéissance
éclairée par la réalité. Au sujet d’un amiral un ministre anglais dit ceci : « il
a toute les qualités de Nelson sauf une : il ne sait pas
désobéir. » cité par C. De Gaulle au fil de l’épée.
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