Toute
parole comme toute action sont des actes ; elles possèdent bien une
dimension éthique.
On
peut donc poser la question suivante
QUAND
TU DIS CELA OU QUAND TU FAIS CELA TU FAIS QUOI ?
Nous
avons vu que pour chaque acte il y a 6 réponse possibles au moins
Si nous nous mettons dans la perspective
d’Austin J.L (1962),How to do Things with words, Oxford University Press, trad.( 1970), Quand dire c'est faire, Paris seuil), qui met en lumière que la parole est action,
nous pouvons concevoir et animer les
groupes d’analyse de pratique et les accompagnements de coaching comme l’analyse de la justesse des actions de
parole ou des action d’intervention comme des productions de la personne.
Ces productions sont de fait des
décisions-actions réalisées dans l’immédiateté de l’action en ayant pris en
compte des informations que l’auteur a mises en ordre après avoir hiérarchisé
leur importance en fonction d’un système de valeurs ou système d’enjeux et
importants identifiés et présents dans les événements dans lesquels il
intervient. Cette hiérarchisation relève donc d’un jugement appréciant les
éléments de la situation après un discernement de l’ajustement de son action.
Ce discernement il le fera en identifiant la loi ou structure de la situation qu’il
découvre soit de façon instrumentée lui permettant d’accéder à une forme objectivée
de son jugement soit à partir de ses a priori, ses opinions, ses sentiments,
ses perceptions limitées qui énonce une évaluation subjectivée car elle ne
prend pas en compte l’ensemble des importants de la situation.
La démarche d’analyse d’une
pratique alors va s’intéresser à toutes les micro actions de l’acteur conçues
comme des décisions-actions. Elle va s’y intéresser de deux façon ;
·
d’une part avec l’objectif d’identifier les
actions selon la catégorie d’action qui lui correspond:
o
chaque action relève d’une forme
décisionnelle : par exemple dire à quelqu’un que son action n’est pas
ajustée relève de la forme « évaluation » , dire à quelqu’un « tu
dois faire telle action » relève de la catégorie de « l’ordre ».
la personne qui explique ce qu’elle a fait relève de la forme
« justification » ou « explication » selon l’objectif de la
relation.
·
d’autre part, en s’appuyant sur la structure des
micro processus décisionnels (Michit R., Comon T. quand l’art de manager devient une science 2018 MC2R
Grenoble montrent qu’une décision-action pour être ajustée doit
prendre en compte 4 perceptions, mises en lien à 3 importants hiérarchisés de façon
à en prioriser un sur les trois),
o
il est donc possible d’analyser la pertinence
d’une action au regard de l’objectivation de la situation dans laquelle elle a
été posée. Le travail d’énonciation des éléments pris en compte (distingués entre
perceptions et importants) permet à chaque acteur de découvrir les axes
d’amélioration à mettre en œuvre pour être plus ajusté dans son action.
L’analyse des enjeux et importants discernés et hiérarchisé dispose spontanément
l’analyse dans le champ de l’éthique de façon toute naturelle sans avoir
recours à une comité d’éthique.
Exemple d’un processus d’accompagnement
Dans le cadre d’un échange professionnel, une collègue A fait
des remarques à sa collègue B au sujet d’une personne que A accompagne dans le
cadre de l’insertion professionnelle et B pour l’ajustements de son quotidien aussi
bien lors de ses relations peu adaptées avec les autres que lors de la manière
dont elle prend soin d’elle-même.
A dit à B «elle vous manipule » , « elle
dissimule et vous ne voyez rien », « vous êtes dans le monde des
bisous nours »…
B reçoit les affirmations de sa collègue (qui, dans le même temps affirme « moi
je m’y connais avec ces personnes , je suis experte de ces situations
d’accompagnement »), comme une évaluation de sa pratique et de
ses interventions mais aussi comme une évaluation de sa personne.
Lors d’un temps d’analyse des pratiques, B présente la
situation dans le but de trouver une manière d’entrer en relation
professionnelle avec sa collègue car elle trouve les propos déplacés et
blessant lui stimulant une réaction trop affective.
L’animateur prend le récit de B qui confie son
mal-être au groupe comme un "objet d’actions"
à analyser dans lequel elle énonce d’une part qu’elle reçoit très mal les
évaluations de sa collègue, d’autre part qu’elle se trouve démunie concernant
ce qu’elle peut bien engager comme relation professionnelle avec A.
Renonçant à se lancer dans une évaluation des actions des
deux professionnelles, dans le seul but d’aider B à trouver une réponse adaptée
à son mal être et à sa question, il propose à B de découvrir les actions
qu’elle fait quand elle témoigne de cette situation dans le groupe ; il lui
pose la question suivante :
« Vous faites
quoi à A quand vous nous dites qu’elle vous met en difficulté et que vous ne
savez pas comment entrer en relation avec elle. ? »
La question étonne et après un temps de réflexion B
peut dire :
« j’évalue que ce qu’elle me dit n’est pas juste »
Puis il propose la question suivante pour faire identifier
l’objectif de son action :
«quel est votre but quand vous nous présentez votre
évaluation ? ».
« Je cherche une solution pour trouver la manière de
communiquer afin de lui dire que ce qu’elle dit n’est pas juste, que son évaluation
me blesse et que je la trouve injuste. »
« Donc vous faites quoi ? »
« J’évalue son action : elle n’est pas juste »
Et ?........
« J’évalue qu’elle est injuste envers moi. »
Si maintenant nous nous intéressons à A ; que fait elle ?
-
de toute évidence, elle m’évalue en disant que je
me laisse manipuler
-
et ?...
-
elle évalue la personne accompagnée en tant
qu’elle dissimule et me manipule.
* Quelle est la différence de nature des actions de vous
et de votre collègue ?
-
Elles sont semblables puisque qu’elle m’évalue et moi je l’évalue comme
faisant envers moi une action
inappropriée.
* Et donc ? ….
- Nous sommes dans le même registre d’actions.
* Comment changer de registre de communication ?... je
vous aide….
…Quand elle vous évalue et que vous trouvez que cela n’est pas
ajusté, vous le faites à partir de quoi ?
-
Je perçois des choses de la relation entre moi
et l’accompagnée qu’elle ne prend pas en compte
Donc elle évalue votre action avec un manque d’informations,
elle est donc obligée d’interpréter ce qu’elle perçoit en fonction de son
système d’appréciation.
-
Elle interprète donc mon action sans
connaitre avec précision les éléments que j’ai pris en compte pour mon
accompagnement….. !
* Vous quand vous évaluez que son évaluation n’est pas juste
vous le faites à partir de quoi ?
- J’évalue avec les éléments que je perçois d’elle !...
* Avez-vous toutes les informations qui vous permettent
de savoir ce qu’elle a traité comme informations pour vous évaluer ?
- Non je ne sais pas ce qui s’est passé dans son cerveau
pour le faire et à partir de quoi elle le fait,… je suis dans la même situation…
* Pour changer de registre de communication et trouver
comment faire avec elle qu’est ce qui est possible de faire ?
- Sortir d’une évaluation en carence d’informations.
* Donc
- Il faut que je lui demande « qu’est-ce qui s’est
passé dans son cerveau pour énoncer son évaluation, »
* Et ensuite lui faire découvrir que dans son micro processus
décisionnel, elle a peut-être oublié de s’intéresser à vous et à ce que vous
mettez en œuvre dans l’accompagnement qui pourrait être différent d’elle en particulier
dans le discernement de ce qui pour elle est important et ce qui pour vous est
impératif .
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