Présentation de l'essai
Quand l’art de manager
devient une science
Robert Michit
Thierry COMON
Les managers des entreprises comme les dirigeants des institutions d’insertion
sociale (CHRS, Centre maternel, Tutelle…) et professionnelle (ESAT, EA,
entreprise d’insertion…) se trouvent confrontés à des réalités humaines (psychosociales)
toutes nouvelles. Un nombre important de salariés (individus ou équipes) se
trouvant en difficultés professionnelles, comme la majorité des instances de
protection salariales (syndicats, CE, CHSCT, inspection et médecine du travail)
sont polarisées par une attribution de malveillance, sans présomption
d’innocence spontanée, qu’ils assignent à la ligne managériale.
Pour la connaissance de ces problématiques nouvelles, tout comme pour
leur prise en compte ainsi que leur prise en charge, les enseignements passés
et contemporains qui sont prodigués dans les universités et les écoles de
managements ne donnent pas de réponses satisfaisantes.
Les expériences de management partagées butent sur des
comportements inexpliqués et inexplicables, elles n’apportent pas de solution
satisfaisante qui dépendants trop des circonstances et des expériences
personnelles ; elles ne sont pas transposables.
En ayant observé, aussi bien le développement des situations présentant
les symptômes de fatigue au travail avec un nombre croissant de prises de
risques psychosociaux, que
l’accroissement des difficultés de management : difficulté à mettre au travail des collaborateurs sans motivation,
difficulté à construire un collectif de travail sans conflit identitaire,
difficulté à recevoir les diverses plaintes de harcèlement attribuées à un
management directif qui n’apporte pas de reconnaissance, parce que dirigé par la seule rentabilité, nous en
sommes arrivés à formuler les deux hypothèses de causes ; la première
relève d’une causalité structurelle liée au développement psychosocial des
personnes et des institution : c’est
la cause identitaire ; la seconde relève de l’enseignement prodigué
et du développement des compétences à conduire un groupe et des
personnes : c’est la cause pratique
et opérationnelle.
Afin d’éprouver ces deux hypothèses et de répondre aux questions des
managers concernant l’animation d’équipe, la prise de décision collaborative,
le recrutement et le développement des compétences, la gestion des tensions et
des conflits, nous avons procédé à une
analyse empirique des situations managériales.
Analyse des situations managériales
Cette analyse nous a permis d’identifier le paradoxe du management
participatif : animer et diriger une
équipe vers une cible précise (marquée du sceau de l’objectivité) en n’ayant
comme seul moyen la communication spontanée (marquée du sceau de la
subjectivité des énoncés de parole).
A partir de cette découverte fondatrice de toutes les difficultés du
management, il s’est agi, de chercher s’il existait des lois propres aux
interactions humaines et spécifiques aux situations managériales qui donnerait
sens à l’apparition de ce paradoxe et dans le même temps permettraient de sortir
de ses effets dommageables à la conduite des personnes et à l’animation des
groupes de travail. On peut identifier quelques effets dommageables tels que l’incompréhension
dans les échanges, les erreur d’entendement qui conduisent à des écarts dans la
mise en œuvre de décisions prises en commun, le surgissement du sentiment de
tromperie voire de trahison, associé à une perte de confiance voire à des accusations
réciproques d’incompétence ou de malveillance….
A notre grand étonnement, au regard de la représentation communément
admise que les sciences humaines relèvent d’un statut de "sciences
molles", notre quête n’a pas été sans résultat.
Voir article « sciences humaines sciences exactes » Michit R
et Comon T.
Nous avons découvert plusieurs lois universelles et a temporelles.
Ces lois régissent les événements quotidiens de la situation managériale de la
même façon que les lois des sciences de la nature physique et biologique. La
première, découverte au travers de l’analyse des pratiques de la communication
opérationnelle mise en œuvre dans les entreprises à haut risque, nous a conduits
à identifier deux lois de communication : la communication spontanée et la
communication productive. La seconde, découverte par hasard lors d’un
appel téléphonique, nous a ouvert les perspectives de la loi des univers de relation :
seuls quatre objectifs de relation
pouvaient être convoqués lorsque des individus et des groupes décidaient de se
mettre ensemble pour réaliser une activité.
L’utilisation de cette loi met en évidence le principe d’incertitude
qui régit le management mais aussi plus généralement toutes les disciplines des
sciences humaines. La particularité de ce principe, est étonnante, à l’instar
du principe d’indétermination d’Heisenberg qui avait ouvert le champ de la
physique quantique, le principe d’incertitude des objectifs de relation lève
toutes les difficultés de la théorie de complexité (E. Morin 1994) comme toutes
les difficultés de la théorie des décisions dans le désordre (Altert 1999) ;
deux théories impossibles à appliquer dans le champ de l’entreprise sans
s’engager dans des risques économiques et humains à l’échelle des unités de
production comme à l’échelle de la macro économie mondiale comme nous pouvons
le constater quotidiennement.
Une troisième loi, la loi des autorités permet de
redéfinir le statut et la mission de service du manager. Le manager prenant son
autorité comme un service se dégage des attributions de volonté de puissance ou
de prise de pouvoir. Véhiculée depuis Marx sous la forme d’une recherche de domination
proche de la notion d’oppression, les relations avec les hiérarchiques théorisées
par Crozier (1977) et Enriquez (1998) comme
des relations de pouvoirs retrouvent
leur juste place entre l’autorité de contrainte toute contenue dans la réalité
du travail et de son environnement, et l’autorité d’exécutant que détiennent
les experts des activités à réaliser pour atteindre la production ciblée.
Pour approfondir Michit R et Comon T. Conditions d’humanité et
d’efficacité du management cahiers actifs 2023
Enfin, la loi d’action (Blondel 1893, Mendel 1998, Berthoz 2003) , la
loi de l’identité psychosociale (Michit 1998), la loi de situation (M. Parker Follett 1927 in Mously, 2003) et la loi du processus décisionnel,
finalisent l’ensemble du corpus des lois du management. Celles-ci permettent alors
de créer des méthodes de management qui respectent leurs contraintes et en utilisent
leur dynamique.
La première de ces méthodes, l’explicitation des processus décisionnels
consiste à objectiver les récits de séquences d’action. Elle permet de se
défaire des effets indésirables de la communication spontanée notamment de
l’interprétation et de l’incompréhension,
lors de la description de situations vécues.
La seconde, la schématisation en triades,
consiste à objectiver les situations. Elle permet lors de la prise de décision
en groupe ou lors de l’analyse d’une problématique, de décrire les éléments
structurels de la situation considérée et d’en trouver « sa loi», sans que
celle-ci puisse être discutée. Cette
« loi de situation » rassemble les décideurs autour de sa contrainte et
met fin à toutes les confrontations d’opinion qui n’aboutissent pas, laissent
frustré, et font perdre un temps précieux aux managers.
La troisième : l’interrogation de l’action consiste
à objectiver les actions des acteurs. Elle permet une prise de conscience de la
responsabilité dans le développement d’une séquence d’actions en dégageant des
fausses culpabilités qui pervertissent la mise en œuvre de changement.
Cet ensemble de pratiques présente l’avantage important de pouvoir
analyser rapidement lors d’un recrutement les compétences en acte d’un futur
collaborateur en les distinguant des connaissances ainsi que de développer le
potentiel d’action effectif d’un professionnel en cours d’exercice.
Cet essai a pour intention de constituer à la fois un corpus de connaissances
permettant de considérer le management comme une science et un corpus de
méthode proposant aux managers la possibilité d’être des praticiens qui peuvent
apprendre un métier. Le management ne relève pas de l’art requérant des
dispositions spécifiques ou un charisme particulier.
Altert N. (1999) La gestion du désordre en entreprise,
Paris, L'Harmattan
Berthoz, A. (2003), La décision, Paris, Odile Jacob.
Blondel, (M), (1893), L'action, Paris, Presse universitaire de
France.Gilly,(M), 1984,
Boltansky (L.), Thévenot (L.)
(1991), De la justification, Mesnil-sur-l'Estrée,
SNF, Gallimard.
Bourdieu P. (1987), Choses dites, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le
sens commun ».
Mously M (2003), Mary Parker Follett, Pionnière du management
: Diriger au-delà du conflit, Paris, Village Mondial.
Morin E. (1994) La
complexité humaine, Paris Flammarion
Enriquez E. (1998) Pouvoir
et désir dans l’entreprise, Science Humaine n°10 Mars-Avril
Crozier M. et
Friedberg E. (1977) L’acteur et le système, Paris, Seuil 1977
Mendel G. (1998) L’acte est une aventure,, Paris, La
découverte.
Commander « quand l’art de
manager devient une science » Prix 25€
Chèque Robert Michit 7 place André Malraux 38000 Grenoble France 0770922401 labo-decision@9business.fr
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire