dimanche 20 novembre 2022

Les neurosciences n’accèdent pas encore à la précision que donne la technique de l’explicitation des micro processus décisionnels

 

Les neurosciences n’accèdent pas encore à la précision que donne la technique de l’explicitation des micro processus décisionnels concernant la conscience de soi acteur-décideur : source de la compétence

 

Une observation étonnante lors de l’analyse des résultats obtenus par l’entretien d’explicitation (EPD) comparés à ceux annoncés par les Neurosciences.

La compétence est ici considérée aussi bien comme la faculté à prendre des décisions professionnelles ajustées à la réalité du travail que comme la capacité à prendre des décisions ajustées dans le quotidien d’une vie. Ces dernières doivent assurer la santé, l’hygiène de vie , ainsi que la relation sociale grégaire et les interactions avec des personnes différentes.

Nos études empiriques aussi bien en tant que thérapeute qu’en tant que développeur de compétences cognitives, techniques, managériales, nous ont conduit à observer les effets attribués à différentes activités du cerveau que les neurosciences observent grâce aux IRM leur permettant de localiser les zones convoquées lors de leur réalisation.

Les approches philosophiques et psychologiques énoncent une continuité de la conscience, nous percevons que cette continuité est en fait la conséquence d’une quantité de phénomènes discontinus non immédiatement perceptibles.

Cette discontinuité des éléments de la conscience que nous avons déjà observée dès 1990 [1], nous avons pu l’identifier et aujourd’hui la décrire comme la succession de micro actions synchroniques et diachroniques implicites et non décelables à la première écoute ou lecture des récits des personnes.

Elle se découvre grâce aux entretiens d’explicitation des micro processus décisionnels[2]. Cette démarche d’explicitation permet une observation méticuleuse des actions des personnes et donne la possibilité de nommer très précisément les phénomènes qui interagissent dans le moment de l’action. Cette démarche est possible car le cerveau possédant le pouvoir de représenter, l’explicitation fait découvrir non seulement les représentations de l’environnement , mais aussi la représentation de soi en train de produire et construire des images de la réalité comme des images de soi en train de fabriquer ces images.

Ainsi l’explicitation des micro processus décisionnels donne une représentation de ces actions à leur auteur, ainsi elle donne accès à leur conscience. Elle fonctionne comme un arrêt sur image qui fait apparaître la succession des images subliminales : base du cinéma. Ainsi, distinguant avec précision les micro décisions-actions juxtaposée donc discontinues et implicites, elle construit une conscience continue de soi acteur dans la spontanéité du quotidien.

Les neurosciences localisent et observent les phénomènes de discontinuité (Lionel Naccache, 2020[3]) mais ne peuvent pas encore les nommer car leur outil ne permet pas de caractériser les phénomènes observés.

 

La compétence à se représenter : la compétence d’agir

 

La représentation de soi

Se représenter est une compétence du plus jeune âge. Elle commence au stade du miroir. L’enfant vers ses 6 mois peut se voir dans le miroir. Il comprend que l’image qu’il voit est son image. Il peut alors l’identifier comme une image de soi et s’y reconnaître. Cet effet de la compétence cognitive de représentation va donner la conscience de soi. Ainsi le cerveau pouvant créer une image de soi, le sujet humain pourra se nommer et donc se faire exister par une image qu’il peut concevoir en pensée. Il va ainsi créer une image de pensée avec laquelle il pourra dialoguer. C’est ce dialogue qui donne la possibilité de la conscience de soi : « je » vois « me » et « me » donne des informations à « je ».  Et ce « me » devient un objet qui peut être modifié et travaillé .

Cette première compétence cognitive de représentation permet aussi de créer des images des objets, et en créant ces images, de les nommer.

 

La représentation des actions

La compétence de représentation se développera encore plus quand elle permettra au sujet de se représenter les actions qu’il a faites. Alors, il se verra ( image) ou se concevra ( perception de pensée) acteur. Il sera donc en mesure de nommer ses actions, et de les énoncer selon des catégories, et donc de les analyser. Ce qui est particulièrement important, c’est qu’à l’aide de l’entretien d’explicitation, l’acteur du quotidien qui met en œuvre des actions explicites tous les 300ième de seconde ce que nous confirment et mesurent les expériences en neuroscience ( Stanislas Dehaene, 2014)[4], est en mesure de discriminer et de distinguer les micros actions synchroniques qu’il a réalisées, généralement sans s’en rendre compte au moment de l’action, ainsi que les diachroniques qu’il a réalisées durant le 300ième de seconde qui séparent deux actions explicites.

Nous avons pu mettre en évidence par la loi des actions (Michit 2016)[5] que lorsqu’un acteur agit en situation psychosociale (situation dans laquelle un acteur interagit avec un autre acteur autour d’une activité en utilisant des outils), il fait simultanément au moins cinq autres actions qui vont avoir des effets.

Au moment de cette action, s’il n’a pas travaillé sa capacité de représentation, il n’est pas en mesure de les percevoir. Cependant, lors d’un entretien d’explicitation, il est en mesure de se représenter en train de les agir. Cette représentation lui donne la possibilité d’analyser la logique de ces actions-décisions. Cette analyse lui donne la possibilité de les améliorer en temps réel, en fonction de leurs effets qu’il comprend mieux. En se découvrant acteur dans son quotidien, il accroît ses compétences, car il améliore son processus décisionnel qui transforme ses actions implicites en décisions-actions explicites. Cette compétence crée la fierté de se voir acteur.

 

Mais plus encore, nous avons mis en évidence un autre processus décisionnel, celui qui se passe entre deux actions explicites diachroniques donc dans le temps de 300 millisecondes. Dans l’épaisseur de ce temps, le sujet fait l’action de prendre en compte la perceptions (entendue, vue, sentie); puis  celle d’évocation d’une expérience passée stimulée par la perception prise en compte, puis celle de faire référence à une norme qui le conduira à évaluer l’événement qui a été à l’origine de la perception et enfin il énoncera ou retiendra le résultat de son évaluation.

 

Ces quatre formes de micro actions sont totalement implicites tant que l’acteur n’a pas fait ce travail de représentation. Elles deviennent immédiates et préconscientes au moment de l’action lorsqu’il a acquis le plus haut niveau de la conscience de soi par la représentation des événements dont son cerveau est la source.

 

Dans une quatrième étape, si on veut accroître son  empan cognitif afin qu’il puisse prendre en compte beaucoup plus d’éléments lors d’une action, il convient de poursuivre l’entretien d’explicitation au-delà des actions décrites pour accéder au micro processus décisionnels qui se produit lors d’une décision-action. Nous avons pu observer qu’une décision-action est ajustée à la réalité d’une situation lorsque l’acteur est en mesure de prendre en compte deux ou quatre perceptions (en fonction de la puissance de représentation), puis de prendre en compte immédiatement la loi de situation qu’il met en lien avec les enjeux qu’il a discernés et hiérarchisés afin de choisir le moyen qu’il lui permet d’atteindre ses objectifs.

 

 

Par ce travail de représentation à quatre niveaux, l’humain peut développer ses compétences grâce à

·       La représentation de soi dans une séquence d’actions

·       La représentation de soit acteur

o   synchronique

o   et diachronique

·       Et la représentation de soi prenant en compte les éléments constitutifs d’une micro actions explicite.

 

Exemple de conscience de soi dans une séquence d’action

 

Une camarade qui enseigne l’anglais en troisième, raconte après qu’une collègue accompagnante formatrice lui ai posé la question

·        « comment s’est passée la journée ? »

Réponse :

-       «   horrible …

 

·       qu’est-ce qui s’est passé

-       Un élève refuse dans le cours d’apprendre. Il provoque beaucoup de problèmes

·       Dis-moi ce qui s’est passé ?

-        l’élève harcèle les autres camarades de la classe. Il se tourne, il parle avec eux.

·       et toi qu’est-ce que tu as fait ?

-        j’ai essayé de l’intégrer mais en fait il parle encore et il rit encore plus fort.

·        et toi qu’est-ce que t’as fait ?

-        je lui ai dit : « arrête de parler, arrête de déranger les autres ! » Moi j’étais très énervée et je lui ai demandé de quitter la classe. Il est parti.

·        Qu’est-ce qui s’est passé ?

-        Il est resté dans l’école et pendant la récréation je suis allée le voir pour lui parler, je lui ai expliqué qu’apprendre l’anglais lui servirait plus tard pour s’insérer que c’était quelque chose de très important de connaitre l’anglais pour trouver un travail  et d’intégré un pays européen.

·       Qu’est-ce qui s’est passé ? Est-ce qu’il s’est calmé après la conversation ?

-       après la conversation, l’élève était encore plus mécontent non seulement il n’était pas calme mais au contraire il a crié : « je ne veux pas apprendre l’anglais parce que je ne veux pas aller dans un pays étranger, je veux rester en France.

·       Qu’est-ce qui s’est passé?

-       J’ai continué à lui expliquer que l’anglais peut être une langue qui lui permettrait de trouver un travail, et je lui ai montré l’importance de l’apprendre. Il ne m’écoutait pas.

·        il se passe quoi ensuite ?

·       Comme je ne suis pas arrivée à le calmer, je l’ai conduit vers le proviseur.

 

Avec l’accompagnante, la personne peut mieux se représenter dans la scène. La démarche met en évidence une représentation de soi dans la séquence des actions.

 

Il est alors possible d’aider la professeur à se voir actrice dans la situation.

On remarque que ce n’est pas parce qu’un acteur énonce ses actions d’une part qu’il se représente acteur et qu’il ait conscience de son action présente dans le verbe d’action qu’il énonce, cela n’adviendra qu’au moment où son interlocuteur lui posera la question quelle action il fait quand il énonce son verbe d’action.

Prenons quelques exemples de verbe d’action du récit précédent :

-       j’ai essayé de l’intégrer n’est pas une action, c’est l’énoncé d’une intention

Que faites-vous quand vous lui dites

o   : « arrête de parler! »

§   : je lui demande de ne plus parler

·       Vous lui demandez ?.......Quel est l’effet du verbe à l’impératif ?

o   Ah oui je lui donne un ordre.

Par l’analyse précise de la forme verbale, elle accède à l’action qui est plus qu’une demande. Elle découvre qu’elle donne un ordre. Et cela elle n’en avait absolument pas pris conscience.

Que faites-vous quand vous dites ensuite « arrête de déranger les autres ! » 

·       Je donne de nouveau un ordre.

Elle découvre qu’elle a répété la forme verbale de l’ordre.

Si maintenant nous visitons les autres actions, par exemple quand vous lui « demandez de quitter la classe » que faites-vous ?

o   Je lui donne une fois encore un ordre.

Si maintenant nous nous intéressons à ce que vous faites en même temps que vous donnez un ordre, pouvez-vous me dire ce que vous faites d’autres ?

-       Je ne vois pas ce que je peux faire d’autre.

 

Avant que la personne ait pu faire le travail de prise de conscience de toutes les autres actions qu’elle fait en même temps, elle n’a une représentation partielle de soi actrice dans la situation.

Par une aide toute simple, il est possible de lui faire percevoir les cinq autres actions que la théorie des actions concomitantes prévoit.

Il suffit de lui demander : « quand vous donnez un ordre au jeune, vous lui faites quoi en même temps ?

·       Je le soumets à mon autorité. Je lui demande de respecter la règle, ou de me respecter ou de respecter les autres. Je n’écoute pas et ne prends pas en compte sa demande et son besoin ?

Et en même temps vous faites quoi aux autres élèves ?

·       Je les respecte, je leur montre mon autorité, je leur dis qu’il faut respecter les règles

Et si on regarde ce que vous faites à vous-même ?

·       Je me fais respecter, je montre mon autorité

 

Par ce jeu des questions interrogeant les actions faites en même temps qu’une action est faite auprès d’un acteur de la situation, on fait découvrir toutes celles qui sont faites en plus sur cet acteur mais aussi sur tous les autres et sur soit même.

Le résultat de ce travail conduit l’interlocuteur à s’étonner de tout ce qu’il fait et par cet étonnement il prend conscience de soi acteur.

 

Il est possible de poursuivre la prise de conscience par la représentation de toutes les autres actions concomitantes à celle d’aller le voir pour lui parler ; de lui expliquer par deux fois, et ensuite de lui montrer l’importance d’apprendre.

 

La découverte que dans ces actions, toutes mettent en évidence la position de sachant qui n’écoute pas le besoin du jeune en le soumettant à un savoir qui n’a aucune attention à son besoin. Cette position crée nécessairement chez le jeune un sentiment d’injustice qui va produire l’accroissement de sa révolte.

La personne découvre qu’elle est autrice de la révolte qu’elle veut contenir et peut alors se rendre compte que ses actions ne sont pas ajustées à la situation.

 

Quant à l’autre conscience de soi acteur, celle qui se réalise pour les actions qui se réalisent entre deux actions spontanées agies dans l’ordre de grandeur temporelle de l’ordre de 300ième de seconde, leur première mise en évidence a été réalisée lors de l’analyse d’une décision prise par une chef de service dont le directeur venait de lui annoncer qu’il était nécessaire qu’elle s’inscrive à une formation de management car il jugeait que son management n’était pas assez directif.

Au moment où il lui annonce cette recommandation à la fin d’un entretien professionnel, la chef de service réagit fortement en lui disant «je refuse de m’inscrire à une telle formation car votre décision est fondée sur aucun fait. »

 

Lors d’une séance d’explicitation des actions, dans un premier temps, la chef de service expose les faits. Quand elle énonce ce qu’elle dit à son hiérarchique le temps qui s’écoule entre l’annonce et la réaction relève de l’immédiateté sans réflexion entre le réception du message et sa réponse. Nous sommes bien dans le cas d’une réaction spontanée qui relève du 300ième de seconde comme le mesure les neurosciences.

 

Étonnée de sa réactivité et de la colère que lui suscite l’annonce de son directeur, elle s’interroge de sa réaction.

L’accompagnant alors lui pose la question suivante :

«  au moment où vous entendez la demande pouvez-vous me dire ce qui s’est passé ? »

La réponse se structure de la façon suivante après la surprise produite pas la question:

Elle énonce

« tout d’abord j’entends la commande, puis je revois une situation dans laquelle le directeur avait été très directif avec mes collaborateurs qui s’étaient tous braqués contre lui, je juge alors que ce qu’il me dit est faux car mis en défaut par sa pratique et j’énonce mon désaccord. »

A ce stade nous identifions que durant le temps des 300ième de seconde la chef de service a réalisé quatre actions :

·       elle entend,

·       elle voit une situation,

·       elle évalue l’incohérence

·       et elle énonce son désaccord.

En approfondissant l’acte d’évaluation, nous constatons que pour le faire elle fait référence à une norme de cohérence, si bien qu’en tout elle fait 5 actions.

Elle en reste tout ébahie en voyant tout ce qu’elle a fait.

La prise de conscience de cette succession de micro actions qui était implicite avant la relecture de ce temps a permis qu’après un temps de relecture d’autres actions, elle soit en mesure de percevoir ces actions au moment où elles se réalisent.

Elle se voit entendre, évoquer une expérience vécue, faire référence à une norme et énoncer ou retenir son évaluation en fonction des éléments de la situation.    

 

Ainsi donc nous avons pu constater que dans le temps entre deux micro actions de l’ordre de 300 milliseconde il peut y avoir cinq actions faites. Ce sont ces micro actions-là qui sont la discontinuité du phénomène de conscience de soi. N’étant pas perçus au moment de l’action, cela crée le sentiment d’une continuité de la conscience et de la conscience de soi qui structure l’identité d’une personne.

 



[1] Michit,(R) (1990), Schèmes cognitifs de bases et aide à la prise de décision, Nouvelles études psychologiques, n°4-1, 63-82.

Michit, R.(1995) Représentations sociales et décisions professionnelles, thèse de doctorat, Montpellier, université Paul Valéry.

 

[2] Michit R. (2001) L'objectivation des communications en groupe dans le cadre de la résolution de problèmes, Communication et Organisation, Bordeaux, n° 19 p. 193-212

 

[3] Lionnel Naccache « quand notre conscience fait du cinéma « le cinéma intérieur » Philo Mag octobre 2020) Dans le cinéma les images apparaissent dans la continuité alors que c’est une juxtaposition d’images subliminales qui ne peuvent pas être perçues.

 

[4] Dehaene S., 2014 le code de la conscience, Odile jacob, paris

[5] Michit R, Comon T. (2016) quand l’art de manager devient une science, Ed MC2R Grenoble.

 

dimanche 14 août 2022

la violence des jeunes présentes des caractéristiques spécifiques : analyse et proposition de gestion

 

La violence actuelle des jeunes est d’une nouvelle nature 

 

La scène se passe à la terrasse d’un glacier.

L’enfant est avec ses parents et la grand-mère. Leur fille entre 6 ans s’impatiente sur sa chaise elle a fini sa glace et s’ennuie, les jeux de la grand-mère ne l’intéressent pas. Elle demande un verre d’eau, en boit un peu puis avec attention le pose sur le bord de la table. Elle fait très attention qu’il ne tombe pas. Visiblement elle fait une expérience d’équilibre. Sa curiosité spontanée, l’invite à expérimenter les contraintes de la loi de la pesanteur sans en connaître la moindre théorie. L’exercice est périlleux pour l’eau mais sans risque ni pour le verre qui est en plastique ni pour le sol qui est en béton et en plein air. Le risque est pour la robe qui peut se trouver mouillée. La scéne est passionnante à regarder.

On observe là comment l’enfant est créateur et sait jouer avec les contraintes de la nature qu’il apprend à maîtriser…

 

Au bout de quelques secondes de jeu dans lesquelles elle était concentrée, la mère intervient et lui enlève le verre en lui intimant de ne pas jouer avec le verre, et lui dit si tu n’a pas soif tu laisse le verre tranquille. Elle le pose devant l’assiette.

L’enfant reprend le verre et le repositionne sur la bord de la table.

Très sèchement la mère reprend le verre et gronde sa fille si tu ne bois pas tu le laisse à sa place. La fille se met à pleurer et reprend le verre. Elle lui interdit de jouer avec le verre et lui dit : «  je compte jusqu’à trois si tu ne remets pas le verre à sa place je te l’enlève… ». Elle compte et trois tombe sans que l’enfant ait lâché son expérience. La mère prend le verre et l’enfant se met à hurler. La relation parentale devient violence. La contrainte de la règle parentale qui n’a pas fait attention à la créativité de la fille s’impose. Elle la soumet… l’enfant n’a pas pu transformer la régle parentale en service. Elle la subit comme une injustice incompréhensible et c’est ainsi que se crée le ressentiment d’injustice, la colère contre une loi sans logique ou bien c’est ainsi que l’enfant se retrouve jeune adulte avec un non sens de vie, une impossibilité de choisir les contraintes qu’il a à prendre en compte pour se diriger dans le futur à choisir dont chaque choix oblige de renoncer à une infinité d’autres.


Pour entrer dans la compréhension de l’agressivité et de la violence des jeunes actuels, il est intéressant voire nécessaire de commencer par identifier que tout jeune est projeté dès sa naissance dans un monde qu’il n’a pas choisi et dans lequel il doit vivre et apprendre à vivre avec des contraintes qui, par nature, l’agressent. Il reçoit donc l’injonction, la prescription, l’assignation, avec l’aide de ses parents et de l’ingéniosité de sa curiosité, de transformer les contraintes en service en découvrant leur fonctionnement, leur dynamique afin de les utiliser ou bien il les recevra comme des fardeau à subir dans une vie de soumission sans trouver le sens de sa vie.

















La venue au monde est une contrainte déterministe

Au temps de sa mise au monde il est éjecté d’un univers aquatique à 37° dans un monde aérien qui brûle ses poumons et à 25° !!! L’épreuve est rude, mais sa constitution de prématuré en a les compétences. S’il advient qu’il n’arrive pas à dépasser l’obstacle, il reçoit sa première stimulation corporelle forte qui lui déclenche tout son système d’adaptation.

 

Il faut donc prendre la mesure des effets de cette projection qui place nécessairement tout enfant dans un monde de contraintes et de frustrations innombrables. Celles-ci seront présentes durant tout le temps de sa construction. Pour devenir libre, adulte il devra apprendre à faire face à ces frustrations de façon à les prendre comme des services à maîtriser. Il devra vivre avec elles en les considérant non pas comme des contraintes mais comme des outils à utiliser grâce au développement de ses compétences à vivre.

 

Une autre voie est possible

 

Cette manière de voir l’existence n’est pas unique.

Les relations à la contrainte de l’existence imposée induisent en fait deux effets

·       soit une obligation d’agir[1]

·       soit une passivité accompagnée d’addiction permettant la fuite d’un fardeau trop lourd à porter[2].

 

Les effets du second type sont nouveaux du fait de leur place importante qu’ils occupent dans la population des jeunes et des enfants. Un des facteurs de leur développement serait à attribuer à une évolution des modes d’éducation. Il s’agit de mesurer ce facteur. Cette évolution touche, en particulier, les représentations sociales de la contrainte et son activation par les acteurs de l’éducation (parents enseignants et éducateurs) qui gèrent au quotidien l’obligation à vivre sous la contrainte des lois de la vie;

·       d’une part, l’éducation dans la prime enfance évolue en lien avec les fondements de la relation à la contrainte que développent les représentations sociales[3] de la bientraitance et de l’évitement de la contrainte comme le signifiant de l’ordre dominant et répressif, déplaçant l’état de fait de nature sur la société et son organisation,

·       d’autre part, l’éducation vécue au travers de la pratique[4] des écrans qui véhiculent, au moyen des e-jeux, une rencontre virtuelle à la réalité, à ses contraintes et à l’échec. Confronté aux contraintes virtuelles qui n’ont aucun effet sur la possibilité de continuer le jeu avec de nouvelles vies acquises par un simple clic sur un clavier, le jeune ne développe pas la force de dépassement des frustrations.

 

La place centrale de l’éducation

 

Du fait de l’état de prématuré, le petit d’homme doit apprendre de ses parents puis des adultes référents (enseignants, éducateurs) à recevoir les contraintes comme des nécessités qui lui permettent d’accroitre ses compétences en humanité. Les forces psychiques acquises durant la construction de ses compétences transformeront le joug de la vie en douceur et leur fardeau, lourd en son origine, en une condition humaine légère à apprécier. Cette transformation s’opère par l’accompagnement des parents prodiguant un amour sans faille avec une fermeté sans vacillement. Ainsi dès les premiers jours, des pleurs signifient la souffrance à vivre, par exemple les pleurs de douleurs propres aux brûlures d’estomac. Mais l’attention parentale fait apparaître autour du huitième jour les premiers sourires dans les rencontres. Et dans les semaines qui suivent, les éclats de rire surgissent au cours des échanges  de plus en plus significatifs et intenses si le parent est fidèle à sa tâche. Ainsi par le sentiment d’être aimé et par la compétence acquise grâce à la fermeté de l’accompagnement à vivre les contraintes se construit la vie sans violence.

Sans cette présence exigeante, l’autre chemin, celui de la passivité s’ouvre sans effort.

Proche de sa naissance, quand il est tout petit, l’enfant est constitué d’une puissance d’adaptation et de plasticité neuronale lui permettant d’apprendre facilement les comportements adaptés aux contraintes que l’espace-temps, le monde physique et l’environnement social imposent. Son cerveau et sa constitution psychique construisent une infinité de connexions neuronales faites pour cette adaptation. Même s’il exprime, par des pleurs ou de la soumission, du désagrément et de la souffrance, ces contrariétés enveloppées d’un amour délicat et ferme tout à la fois le consolident pour être libre une fois adulte :

 

Ainsi le pensait déjà Esope, pour lui, la Fortune présentait deux chemins aux hommes : l'un de liberté, rude et épineux au commencement, mais dans la suite très agréable ; l'autre, d'esclavage, dont les commencements étaient plus aisés, mais la suite laborieuse.

 

Ce qui ne veut pas dire qu’il faille faire souffrir les enfants exprès, mais pour des raisons d’adaptation au milieu, il s’agit de mesurer les exigences nécessaires : c’est une œuvre délicate et pleine d’embûches, qu’il faut moduler par les récupérations affectives, mais qui ne doivent pas être avec l’espérance qu’elles vont tout réparer !!!

Si l’enfant n’a pas appris que les contraintes comme éléments de la détermination de l’humain sont parties intégrantes de la vie, il ne va pas apprendre à les dépasser par la force de fidélité qui avale les obstacles comme un cycliste avale les cols et le montagnard les parois.

 

La violence actuelle chez les jeunes enfants et les adolescents

 

Il s’ensuit qu’une éducation qui édulcore la fonction essentielle de la frustration et prône une éducation évitant et protégeant des effets difficiles de toute frustration est un leurre.

Au lieu d’aider l’enfant, elle lui procure un avenir des plus désastreux dont il tentera de s’échapper par la mise en œuvre de tout un ensemble de défenses.

Ces défenses sont les jeux, les loisirs, les plaisirs puis l’utilisation de toutes sortes de psychotropes qui perdront rapidement leur fonction de divertissements nécessaires et apaisants, pour prendre la place d’une obligation à satisfaire. Cette obligation devenant un impératif catégorique rendra l’adolescent, ensuite l’adulte esclave de sa condition lui procurant une dépendance avec toute une suite d’altérations psychiques qui détruisent sa puissance d’adaptation au monde.

 

Lorsque les adultes vont voir que l’enfant ou le jeune ne répond pas à leurs contraintes et à leur demande, ils vont avoir l’idée de lui apprendre à accepter les contraintes par l’autorité de domination et de contrainte. Il faut que l’enfant obéisse à leur volonté et à ce qu’ils croient comme la manière de supporter la vie. C’est à ce moment-là que se crée le film/fiction de la violence nécessaire qui veut soumettre le jeune à l’autorité des adultes. Cet enfant l’intègrera comme sa langue parentale

Une enfant de 5 ans en sortie de classe de maternelle s’arrête un moment dépose son doudou sur une borne au bord du chemin puis commence à le battre à coup de bâton qu’elle vient de ramasser et elle lui dit dans le même temps « tu es trop méchant !!!! »

 

Ce langage de la violence, certains enfants l’apprennent de leur famille. Lorsque c’est le cas, quand un tel enfant entre dans un espace d’éducation où la langue de la force et de la contrainte autoritariste n’est pas la culture, cet enfant ne possède pas les codes du nouveau groupe d’appartenance, comme il ne possède pas les compétences pour vivre les contraintes propres à ce groupe.

Si l’éducateur veut lui apprendre les codes du nouveau groupe, et s’il le fait en lui imposant ces codes nouveaux, lorsqu’il fait des écarts en lui imposant les règles, cet éducateur va lui faire violence. Se faisant, il continue le langage que l’enfant a appris dans son clan et au lieu de l’aider à changer de langage, il réitère la langue parentale. 

Nous avons pu observer régulièrement dans une maternelle à la récréation des ASSEM qui hurlent sur les enfants qui sont très turbulents, il est vrai, et n’écoutent pas.

 

La violence des jeunes

 

L’analyse des comportements met en évidence que le groupe n’est pas acceptable par les enfants qui manifestent des attitudes agressives et violentes . Ces enfants n’ont pas acquis les compétences de la socialité première : les codes sociaux et le respect de l’autre leur fait violence. Ils répondent à cette agression structurelle par de la violence individuelle.

Dès 8 ans, on observe des enfants qui répondent à l’adulte, lui font des remarques et des gestes d’insolence, voire obscènes, ils n’ont que faire de sa parole, ne l’écoutent pas ou même le menacent de la loi qui dit : il ne faut pas maltraiter les enfants et ne pas les contraindre.

 

Dans la cour des institutions se joue des transgressions ostentatoires des règles de vie sociale ( les jeunes font rentrer de l’alcool », il se joue des violences psychiques et physiques aux yeux des adultes avec l’intention de les rendre impuissant avec des attitudes de provocation et frondeuses

Une grande violence corrosive, provocante, narquoise et querelleuse s’établit mettant à l’épreuve les adultes qui ne doivent pas répondre par la même violence à la violence    

 

Comment faire pour que la contrainte ne s’impose pas par violence ou comme une violence ?  

La contrainte n’est pas violence quand la compétence à dépasser la frustration est construite et quand la compétence à atteindre les objectifs est acquise quels que soient les obstacles alors le travail de l’éducation et celui de la rééducation consiste à renforcer ces forces en s’appuyant sur celles déjà présentes chez tout enfant et adolescent.

Deuxième partie

 

Compréhension de la violence

Et sa gestion

 

 

Il est nécessaire de distinguer deux formes ou natures des actes d’agressivité ou de violence :

·       ceux qui proviendraient d’un mode relationnel appris dans la sphère familiale ou dans celle de l’environnement proche, celui du quartier ou de la tribu,

·       ceux qui seraient la conséquence d’une carence de compétence à vivre la frustration.

 

La violence : son émergence

·       Toute violence provient d’une frustration indépassée qui apparaît lors de la rencontre d’une situation ou d’un événement

·       Elle est le signe d’un fardeau trop lourd à porter.

·       Cette frustration est donc la conséquence d’une carence de compétences à dépasser l’obstacle qui se présente dans la situation, autrement dit, une carence à trouver le moyen pour dépasser l’obstacle.

Ainsi la difficulté à dépasser la frustration est associée à une carence de potentiel d’action.

Ce dernier est composé de deux instances :

·       d’une part la capacité à se représenter en action par la création d’une image de soi en dialogue avec l’acteur en acte

·       d’autre part, une force d’autonomie pour prendre des décisions ajustées et adaptées à une situation donnée.

 

La capacité de représentation de soi consiste à se voir prenant en compte les éléments de la situation, ensuite, à mettre en mots ce qui se passe à l’aide d’un langage qui décrit les événements, puis d’expressions qui représentent les actions faites avec leurs effets.

La situation de violence apparaît lorsque la fonction du langage est en carence

« c’est parce que je ne peux pas décrire la situation et mettre des mots sur la frustration que je passe en agressivité verbale, injures puis en violence physique. »

 

La force d’autonomie relève d’un processus qui consiste à identifier, à chaque instant du déroulement d’un événement, les éléments constituant la situation puis d’identifier leurs relations avec les enjeux présents et futurs engagés dans la situation. Ces enjeux sont à hiérarchiser en fonction de l’évolution des épisodes, aléas et rebondissements.

 

La violence comme langue parentale

·       L’apprentissage des modes relationnels

Si l’enfant a vécu dans une ambiance d’agressivité et de violence entre les parents ou dans la fratrie, il a appris un mode relationnel sur ce registre et ce mode devient pour lui sa langue parentale. En effet, ces comportements sont un langage. Ce langage est intégré dès 2ans ½, puisqu’il a pu intégrer les règles fondamentales de sa langue maternelle, à cet âge. En effet,  il sera surpris à dire par exemple des « chevals ». Cette expression spontanée signifie qu’il a intégré la structure de la règle des pluriels dont il n’a pas encore appris les exceptions

 

·       La nécessité d’apprendre une langue étrangère

Quand l’enfant ou le jeune entre dans un groupe dans lequel les modes relationnels sont gérés par les règles de la république : « liberté, égalité, fraternité », il entre dans un espace relationnel qui représente pour lui une langue étrangère. Afin de s’insérer dans le groupe il devra donc apprendre cette nouvelle langue.

Les passeurs de langage, autrement dit les éducateurs, se feront donc une obligation de ne pas dénigrer les modes relationnels familiaux, en les considérant comme un mode parmi d’autres. Ils s’évertueront à demander à l’enfant ou au jeune de s’adapter aux modes du groupe qui le reçoit comme un étranger est reçu dans un pays étranger dont il doit apprendre la langue et les codes de vie.

·       La décision de changer de langue et de relation

Il revient donc au jeune de décider d’apprendre une autre langue s’il veut être reçu dans le groupe d’accueil. Pour cela, il doit percevoir ce groupe non pas comme « un groupe qui lui doit de l’accueillir » mais comme un groupe dans lequel il vient pour profiter des bienfaits qu’il lui procure.

Du fait de sa dimension de grégarité propre à tout humain, en entrant dans le groupe comme dans tout groupe, il doit en identifier les codes présentés dans le règlement intérieur. Pour que ce règlement ne soit pas perçu comme une règle externe à lui-même, le règlement est à construire avec tous les autres membres du groupe afin que les besoins de chacun soient reconnus, acceptés et respectés. C’est donc le travail sur le règlement qui construit le contrat d’engagement, et de ce fait, lui confère la force d’aider le jeune dans tous les moments où il sera amené à le transgresser, puisqu’il n’en possède pas encore le pouvoir d’exécution.

C’est la force de la grégarité qui devient soutien pour la construction des compétences sociales.

·       La décision de vouloir changer dans une situation de contrainte

Se pose alors la question de la décision « libre » dans la situation où le groupe est un groupe imposé du fait d’un placement de justice, ou du fait des contraintes sociales qui l’obligent à intégrer le nouveau groupe. L’effort sera d’autant plus grand s’il ne comprend pas la logique de son placement ou de l’intégration du groupe. La décision de participer à ce groupe demandera beaucoup de patience du côté éducateur et du côté des accueillants. Il arrive cependant que certaines enfants du fait d’un handicap ne puissent pas accéder à cette décision d’apprendre une autre langue. Il faudra alors des institutions adaptées pour que l’enfant ne fasse pas souffrir le groupe et ne souffre pas trop lui-même.

Ainsi la nécessité d’apprendre une autre langue sera une forme de violence institutionnelle qu’il aura bien des difficultés à accepter comme une obligation d’intégration et d’insertion.

En résumé, l’enjeu consiste à aider l’enfant/jeune à apprendre une langue étrangère. Pour cela, il faut qu’il décide de l’apprendre, car la seule immersion dans un groupe parlant une autre langue n’est pas suffisante pour l’apprendre de l’intérieur. Dans ces conditions, l’attitude éducative s’évertuera de ne pas dénigrer les comportements de la langue maternelle pour aider à intégrer les codes de la nouvelle langue afin qu’elle fasse parti de son identité. Ce faisant, le premier lien d’attachement aux parents qui est une constante fondatrice de l’identité de tout humain ne sera pas rompu.

 

La violence conséquente de la carence de compétence à vivre la frustration

Il est une autre forme de violence, celle qui surgit lorsqu’un événement de vie présente une frustration qui apparaît de façon impromptue.

 

Frustration et compétence de vie

 

Une frustration apparait lorsque des événements ne correspondent pas à ce qui est attendu dans le déroulé des événements. Autrement dit, il se présente un obstacle qui est perçu comme indépassable et anormal. La frustration est donc la conséquence d’une carence de compétence à dépasser l’obstacle qui se présente, sans que la personne ait pu l’anticiper et le prévoir ; l’obstacle surprend et s’impose dans une durée impossible à soutenir.

La difficulté à gérer une frustration est donc associée à une carence de compétence de la vie dans laquelle une multitude de rencontres s’imposent et des événements surgissent provenant des interactions quotidiennes avec l’environnement et des autres.

 

 

Frustration et niveau d’autonomie

 

Si on conçoit toute situation de vie comme une association ou un assemblage d’éléments pour certains en interaction de corrélation (ils sont juxtaposés les uns en présence des autres à un moment donné), pour d’autres en lien de causalité ( l’un est la conséquence de la présence de l’autre)  alors toute situation suppose pour la gérer correctement que les participants à ce moment de vie

·       aient intégré les effets de leur biologie ( fatigue, détente disponibilité),

·       qu’ils puissent gérer les événements des lois de la nature qui opposent une résistance à la volonté de faire et de produire, 

·       qu’ils soient en mesure de respecter les règles du groupe,

·       qu’ils soient capables de signifier en parole leur besoin, leur difficulté

·       et qu’ils acceptent la différence des autres participant sans que celle-ci les mette en difficulté.

 

Autrement dit, il faut qu’ils aient intégré un haut niveau d’autonomie afin de pouvoir gérer les événements singuliers propres au déroulement des interactions, sans être dépendant d’une autorité qui signifie ce qui doit se faire.

Il est facile alors de percevoir que l’agressivité et son développement en violence est le signe et la manifestation d’une carence d’autonomie.

 

Cette remarque nous invite à approfondir la notion d’autonomie. Qu’est-ce qui caractérise une personne autonome ?

 

Autonomie ?

 

Prenons le parti de découvrir l’autonomie à partir de son étymologie. : « auto- nomos » ; nomos étant en grec « la loi ».

Opérons une comparaison avec un terme semblable pour en découvrir les caractéristiques. Par exemple quelle est la particularité des véhicules auto- mobiles ?

Ces véhicules sont des véhicules dans lesquels la mobilité fait partie intégrante de leur structure.

Autrement dit, une personne autonome est une personne dans laquelle « le nomos » grec, en français « la loi » fait partie intégrante et structurelle de son identité.

Quelle est cette »loi » ? 

 

Les lois spécifiques à l’humanité.

L’étude du développement de l’enfant met en évidence des lois universelles propre à toute humanisation. Ces lois, l’enfant, le jeune et l’adulte doivent apprendre à les reconnaitre et à les accepter comme des invariants de la condition humaine. Les ayant identifiées ils doivent les maîtriser en utilisant des outils ou moyens leur permettant de transformer la fonction de contrainte de toute « loi » en fonction de service pour une existence acceptable au minimum voire plus...

 

·       La première des lois est le fait que chacun est un corps déterminé par les lois de la biologie et de sa physiologie. C’est un incontournable « si je ne prends pas soin de ce corps en lui apportant repos, nourriture et détente, la vie devient un enfer de contraintes qu’il s’agira de détourner par l’utilisation de psychotrope ou des manifestations de dépression ». Le début de la maitrise de cette loi se trouve dans la première année de vie.

·       Le deuxième système de lois qui contraint l’humain est le fait qu’il soit dans un environnement naturel déterminé par les lois de la physique et de la nature animée avec des effets de résistance des matériaux, de la pesanteur etc… Ces lois avec leur train de contraintes mettent l’enfant entre 1 an et 2 ans face à des obstacles qu’il apprend à dépasser sans colère par l’accroissement de ses compétences d’exécutant et d’utilisation des outils…

·       La troisième des lois à connaître, accepter et intégrer est le fait qu’il est un individu dans un groupe. Ce groupe impose des règles de vie. Ainsi pour être sujet du groupe il doit s’assujettir à ces règles. Sans l’intégration de cette loi, il reste enfant roi et a social. Cette loi commence à s’intégrer chez l’enfant autour de 2 ans avec l’apprentissage de la propreté comme cible singulière. Cette intégration sera égrainée de caprices, manifestations de frustrations liées à la rencontre des contraintes des exigences des pairs et des adultes.

·       La quatrième des lois qui structure l’humanité est le fait que l’humain est un parlant. Il doit apprendre à maitriser la langue du groupe qui s’impose comme un déterminisme incontournable. Sans la maîtrise de la langue, il reste en grande difficulté d’insertion sociale mais aussi, sans possibilité de représentation de soi et donc de prise de conscience de soi , de ses émotions et de la possibilité d’échanger avec ses semblables.

·       La cinquième des lois d’humanisation est le fait que l’enfant entre 3 et 6 ans est en mesure de percevoir, de comprendre puis d’aimer la différence de l’autre. Cette différence, en plus des caractéristiques personnelles propres à chacun, apparaît en particulier dans le fait que cet autre peut entrer en relation selon des objectifs de relation singuliers dont il ne connait pas par avance la nature. Cette incertitude des objectifs de relation constitue le principe non seulement de l’incertitude des relations, mais aussi l’état de superposition de cet objectif de relation qui ne permet pas de définir l’état d’une personne à un moment donné.

Dans la rencontre avec un autre, il est impossible de savoir avec précision dans quel objectif de relation l’interlocuteur veut s’engager. Veut-il entrer en relation de coopération pour produire une activité en commun ? veut-il utiliser son interlocuteur à son profit ? veut-il créer une relation d’échange d’être ou bien veut-il protéger le plus faible ? Ce principe d’incertitude est la structure propre de toutes les relations sociales. Une relation qui ne se réalise pas selon le même objectif de relation induit une tension, une frustration, une insatisfaction susceptible de se transformer en agressivité, en violence et en séparation

 

Ces lois structurant toute humanité permettent de définir le niveau d’autonomie d’une personne. Chez toute personne auto-nome, chacune de ces lois agit en elle, d’elle-même sans que la personne ait besoin d’une autorité extérieure qui vienne l’aider à les accepter, les respecter et les mettre en œuvre.

Ainsi, chez une personne auto-nome chacune de ces lois est passée de l’état de contrainte à l’état de service. Elle se sert de leurs propres causalités pour exister dans son présent.

Elle va se reposer si elle est fatiguée, elle se sustente pour aller faire de l’exercice physique afin de se détendre et ensuite travailler,

Elle fait attention à ne pas mette son doigt sous le marteau, comme elle évite de l’envoyer sur la tête d’un autre,

Elle va se laver pour ne pas incommoder les autres par son odeur.

Elle parle pour se faire comprendre.

Elle fait attention de ne pas ouvrir sa porte et son être à n’importe qui, qui peut utiliser ses informations pour lui faire du mal etc….

Avec l’intégration de toutes les formes de causalité propres à chacun des systèmes de loi, la personne a acquis les compétences, pour faire sienne de l’intérieur, les cinq lois qui structurent son humanité.

 

La gestion de la violence

Une Méthode individuelle pour dépasser la violence et la gérer

 

Si l’autonomie est la puissance d’intégrer de l’intérieur les cinq lois fondamentales qui font l’humanité pouvant accueillir et dépasser les contraintes de l’environnement, alors la difficulté à dépasser une contrainte produit une frustration.

Le dépassement impossible de cette frustration se traduit en agressivité et ensuite en violence si la personne ne trouve pas le moyen de dépasser l’obstacle qu’une des composantes de la situation lui procure. Il lui manque une compétence psychique ou "force psychique" ( E. Erikson)

·       Pour gérer l’expression d’une violence ou d’une agressivité, il est absolument nécessaire d’élaborer un diagnostic précis des compétences d’autonomie.

·       Cela permet entre autres d’anticiper les situations de frustration qui seront difficiles à dépasser

 

Pour identifier les compétences psychiques, l’humain a acquis dans le cours de l’évolution une capacité singulière, celle de produire un langage qui lui donne la possibilité de se représenter et donc d’accéder à la conscience de soi.

 

La représentation de soi fondement de la conscience de soi.

 

La première étape est une étape de description des situations permettant la représentation de soi comme une image de soi dans la situation

Cette représentation se fait en trois étapes

·       se voir dans une situation en train de la vivre

·       la raconter juste après avoir vécu la situation

·       enfin, être en mesure de faire mémoire de façon précise en décrivant une situation vécue un jour ou une semaine après l’avoir vécue.

 

La deuxième étape de la conscience de soi se réalise avec la représentation de soi comme acteur dans la situation et donc responsable. Cette représentation est le fondement de la fierté et de la conscience qu’il est nécessaire de procéder à un changement pour être plus adapté

Cette conscience se fait à trois niveaux

·       Identifier que les actions sont des décisions-actions ; Identifier la nature des formes décisionnelles : lorsqu’un jeune dit à un éducateur  « vous êtes tous des C…s » en disant cela il fait quoi ? il énonce une insulte mais pas que….

·       En effet, lorsqu’une personne fait une action elle en fait au moins cinq autres en même temps

o   quand le jeune énonce l’injure, il fait quoi en même temps « il décharge son insatisfaction, il transgresse la règle de respect de l’autre, il agresse son éducateur, il remet en cause l’autorité etc…

·       Distinguer la cohérence entre les objectifs voulus, discernés et les moyens mis en œuvre pour les atteindre.

La troisième étape de la conscience de soi se réalise par la représentation de soi prenant en compte les éléments de la situation

 

 

2. Une autre méthode consiste à faire une gestion de la violence dans les groupes d’appartenance

 

La fonction de la socialité grégaire

 

Les comportements inadaptés sont le reflet d’une vie trop lourde à porter. L’idée est donc d’inviter les enfants, jeunes ou adultes qui peinent, à trouver auprès de nous une vie plus douce à vivre.

 

Prenons un exemple d’un collège dans lequel quelques 5ièmes ont introduit de l’alcool (de la Chartreuse, des bières) et en ont fait boire à des 6emes. Des bagarres se succèdent à répétition avec lèvres fendues, bousculades, dents cassées. De plus en plus d’élèves répondent au professeurs, au surveillants, à la CPE, n’écoutent pas les consignes. Les décrochages scolaires se succèdent. Des parents se placent en rébellion contre l’établissement, les professeurs et la direction. Et le personnel tombe malade car la situation n’est vraiment pas facile, les conditions de relation avec les élèves sont très dégradées. Le travail est très important et pas valorisant

 

Comment trouver une réponse adaptée ?

La panoplie des réponses sanctions qui sont pratiquées, n’ont aucun effet efficace ; les retenues avec un travail de réflexion sur les effets de l’alcool sont ridiculisées, les retenues elle mêmes sont vécues comme des injustices, les exclusions mettent en échec notre mission d’éducation, elles révèlent notre incompétence à accueillir et faire grandir l’élève. Les formes de réparation avec un rappel des valeurs, des écarts au règlement ne réussissent pas à reconstruire un lien de coopération entre les élèves et les éducateurs , les surveillants et les professeurs.

Que proposer ?

Avant de proposer une démarche, il convient de prendre en compte que les enfants, jeunes , adultes n’arrivant pas à respecter les règles du vivre ensemble et de l’apprentissage, sont des humains qui n’ont pas intégrés pour eux-mêmes la fonction des lois de leur humanité, ils ne sont pas auto-nomes.

Autrement dit, la question devient « que devons-nous faire avec les personnes qui transgressent des règles de vie, car elles n’ont pas intégré les lois universelles de leur humanité » telle que nous les avons exposées ?

De notre expérience, nous tirons que toute sanction n'a de sens et d’efficacité d’humanisation que si les auteurs de leurs actes répréhensibles perçoivent que ceux-ci sont une transgression des règles convenues pour le bien vivre ensemble ; qu'ils acceptent d’en être les auteurs responsables sans en attribuer la cause à d’autres ou à la société, à leur histoire, leur maladie ou leur handicap.

 

Méthode collective

Quand les situations de transgression des règles pouvant aller jusqu’à la violence se réalisent dans un groupe de vie (groupe classe école/collège) ou groupe de vie (ITEP/MECS), si le groupe a été constitué, en ses origines, par l’établissement d’un règlement intérieur avec les membres du groupe  - dans lequel sont stipulés, non seulement les règles du "vivre ensemble" mais aussi les sanctions réparations en fonction des transgressions, pour faire accéder à la représentation de la responsabilité et à ses effets -  , il est judicieux de convoquer les auteurs dans une assemblée d'élèves ou des membres afin de réaliser une forme de « procès-débat » semblable aux discussion dans l’aéropage des cités grecques. Le sujet des échanges consistera à revisiter le règlement intérieur au regard de la transgression afin que tous les membres - ceux concernés par la transgression comme ceux qui ne le sont pas directement  - s'expliquent et définissent les actions à mettre en œuvre pour que la transgression soit gérée en toute justice. L’objectif sera d’apporter un mieux "vivre ensemble" en réaffirmant le règlement et sa fonction d’aide et non de contrainte.

Si nous reprenons l’exemple un collège dans lequel des élèves de 5ième ont introduit de l’alcool et en ont fait boire à des 6ième, dans le forum des élèves des deux classes, l’animateur, responsable de la vie scolaire demandera aux transgresseurs placés au milieu du groupe une première question:

Quand vous avez introduit l'alcool, vous voulez me dire quoi, à moi responsable de la vie scolaire ?

Il laissera s'installer le débat entre la réponse des fauteurs et les réponses du groupe des autres élèves.

Puis il posera une deuxième question

Quand vous avez introduit puis fait boire les autres vous avez fait quoi ?

A eux
A vous
A moi
A l'école?

Puis il terminera en demandant comment pensent-ils réparer ce qu'ils ont fait.

L’idée est moins de pratiquer une sanction d'objet (faire réfléchir en produisant un écrit sur les méfaits de l’alcool) que de créer une relation vraie et efficace entre eux et l'adulte qui ne veut pas leur imposer par le règlement intérieur un lourd fardeau et un joug malveillant. Son but est de les aider à diminuer le lourd fardeau de la vie actuelle qui utilise l'alcool pour oublier les difficulté afin de les aider à édifier les compétences nécessaires pour vivre cette vie plus légèrement.

Ce travail n’est pas suffisant, il nécessite un autre travail individuel dans l’après coup pour renforcer les capacités de vie qui manifestement ne sont pas présentes lorsque des transgressions de ce genre sont perpétrées.

 

Méthode pour un travail individuel

 

Il s’agit de reprendre un événement, de le décrire puis de travailler les actions et les décisions prise en mettant en exergue les éléments pris en compte pour gérer la situation. Ce travail permet de dépasser les frustrations qui créent la réaction de colère, d’injures et de violence, parce que dans le moment de l’action toutes les informations qui doivent être prise en compte pour vivre l’action avec justesse ne sont pas effectives. En travaillant ces moments d’actions et les éléments qui ont été pris en compte, et ceux manquant, on renforce la capacité à prendre en compte plus d’éléments, ce qui conduit à gérer la frustration plus facilement.

Exemple d’une situation où un jeune adolescent profère des insultes envers un éducateur.

Le contexte :

Un dimanche matin, un jeune du groupe des adolescents dans une mecs, se lève. Il arrive dans la cuisine et constate que les traditionnelles viennoiseries qui devraient être présentes au petit déjeuner, ne le sont pas. En colère, il insulte l’éducateur et retourne dans sa chambre. Il dira plus tard qu’il a quitté la pièce pour ne pas être plus virulent contre l’éducateur

Afin de réparer le désagrément d’un petit déjeuner sans viennoiserie, l’éducateur propose un petit déjeuner avec du pain de mie et des baguettes provenant du groupe voisin. Ce petit déjeuner, toutefois, ne répond pas à l’habitude et au devoir de l’éducateur qui doit amener les précieux aliments qui marquent la différence du dimanche. A l’invitation de l’éducateur de venir prendre le petit déjeuner, le jeune constate la proposition, et il se met à proférer de nouveau des insultes plus fortes et retourne dans sa chambre une fois encore.

L’éducateur l’interpelle et lui dit ; « On peut discuter »

Notre réflexion sur cette parole met en évidence que cette proposition fonctionne comme une demande de raisonner alors qu’il n’est pas en mesure de le faire car il est très en colère contre l’éducateur. Elle se présente donc comme une double contrainte qui consiste à demander de faire ce qu’il ne peut pas faire.

Elle produit inévitablement un surcroit de tension.

Face à ce refus caractérisé, l’éducateur se résout à l’évidence et va acheter des viennoiseries. Le petit déjeuner peut donc commencer. Les autres jeunes s’attablent. Par contre, à lui, l’éducateur dit :

« pas toi car tu m’as insulté, tu pourras en manger quand tu te seras excusé. »

Cette injonction ayant pour objectif d’apprendre à ne plus injurier, est, en fait, une mise en soumission. Si bien que les excuses que formulent le jeune, ne sont pas de vraies excuses. Elles sont là pour accéder au repas et non pour reconnaître la transgression de la règle de respect.

L’injonction crée du ressentiment d’injustice puisqu’elle est perçue comme une mise en soumission pour avoir le petit déjeuner.

 

L’injustice vécue par un jeune est à traiter avant l’exigence du droit usuel ou du droit des acquis même quand le jeune se place comme un ayant droit qui l’exige.

Dans la situation précédente , l’éducateur doit prendre en compte l’état de tension du jeune et en tout premier lieu il doit travailler le sentiment d’injustice qui l’anime avant le sien propre.

Avant de reprendre ses revendications concernant une habitude de vie qu’il pose en termes de droit, il convient que l’éducateur s’intéresse au fait que la situation lui fasse resurgit une perception d’injustice qui lui est insupportable et ainsi en acceptant en premier sa part de responsabilité dans le fait de la faire surgir, l’éducateur pourra travailler la responsabilité du jeune dans la fabrication de son sentiment d’injustice. Mais cela après le moment de crise.

Il convient alors que l’’éducateur renonce, sur le moment à ses valeurs qui lui font trouver exagérée cette exigence de droit alors que ce n’est pas un droit. Il doit renoncer, au moment de la crise, à la position éducative rappelant le respect du règlement imposant le respect de l’adulte afin de le reprendre après quand l’apaisement sera revenu. S’il ne le fait pas il crée une situation de soumission qui ravive l’injustice vécu. Il rétablira les relations ajustées quand le jeune aura retrouvé la capacité à se représenter dans la situation avec les actions-décisions qu’il a prises au moment où il était submergé par les émotions et le ressentiment.

Dans ce travail de relecture e l’événement, il ramènera par les questions interrogeant les actions faites lors de l’événement, la représentation d’une demande de droit exagéré, propre à l’utilisation d’une habitude qui met en évidence la responsabilité du jeune à ne pas profiter d’un plaisir en s’adaptant à la situation imprévue.

Ce qui sera intéressant et possible à analyser dans la situation, por renforce sa capacité d’adaptation, est

·       d’une part que la mise en insatisfaction du jeune provient d’un écart perçu lié à l’institution, à l’organisation et à un défaut de pouvoir apporter ce qui est attendu.

·       D’autre part pour le jeune qu’il perçoive que l’écart lui produit une frustration qui le dépasse le conduisant à proférer des injures manifestation sa déception, mais ne prenant pas en compte la personne de l’éducateur et le respect qui lui est dû. La cause de sa réaction est bien liée à un écart perçu des droits acquis proposés par l’organisation. S’il n’y a pas reconnaissance de cet écart lié à un acquis , il ne pourra pas dépasser sa frustration. Même, si l’injure n’est pas ajustée et qu’elle soit à reprendre, s’il ne perçoit pas qu’elle vient en réponse à un écart qu’il ne peut pas dépasser, il ne pourra pas mettre en acte les forces appropriées pour, en tout premier lieu, travailler sa capacité à dépasser les obstacles afin d’être ajusté à une situation d’interrelation humaine.

Ainsi toute agressivité manifestée par les injures doit donc être reprise au niveau de la nature de la frustration reçue concernant l’attente qui implique de reconnaitre l’écart et le défaut. Et ensuite de travailler avec le jeune qu’est-ce que lui fait vivre la déception pour renforcer chez lui la possibilité de dépasser l’obstacle et donc de faire grandir sa capacité d’entrer en dialogue permettant de faire remarquer le défaut tout en respectant les personnes.

La démarche a été réalisée une semaine plus tard par l’éducateur après une analyse des pratiques.

Il invite le jeune à reprendre la situation.

Il commence par reconnaitre qu’il était tout à fait en tort et qu’il a été à l’origine de sa frustration. Puis il lui demande s’il veut bien travailler ses mouvements de colère qui l’amène à proférer des insultes à son égard qui sont de toute évidence en écart à la règle de respect dû aux personnes.

Le jeune accepte.  

L’éducateur commence alors.

*Qu’est-ce qui s’est passé au moment où tu vois qu’il n’y a pas de viennoiserie pour le petit déjeuner ?

- Je vrille parce que ce n’est pas juste, c’est le seul plaisir qu’on peut avoir ici.

* ET juste avant de vriller, il se passe quoi ?

- Je ne sais pas ! C’est compliqué ton truc…

* je t’aide, regarde-je te fait le dessin de la scène….( il prend une feuille et commence à schématiser la situation tout en la décrivant). Je te vois, je suis dans la cuisine, tu descends les escaliers.

- Ok

* on se dit bonjour , et tu vois qu’il n’y a pas les viennoiseries sur la table alors que j’avais préparé les couverts pour le déjeuner, et tu te rappelles ce qui se passe alors ?

- je te demande où sont les viennoiseries ?

* et je te réponds quoi ?

- tu me dis que tu n’as pas les clés pour aller les chercher, et là je t’insulte.

* Juste avant de m’insulter il se passe quoi dans ton cerveau

- je me dis c’est injuste, ce sont tous des connards, on n’est rien pour eux.

Comme on l’avait vu en formation, comme il est dans un moment de description des actions et des faits, il n’approfondit pas les actions qu’il fait à ce moment-là, il le fera après le temps de la description, car c’est le temps de la représentation de la situation de façon plus ajustée.

* Après il se passe quoi ?

- je quitte la pièce et je remonte dans ma chambre

* Pendant ce temps je vais voir le collègue du groupe à coté et j’organise le repas avec du pain de mie et du nutella, je vous rappelle en vous disant que c’est prêt, tu redescends et ne voyant pas de viennoiserie tu…

- j’explose à nouveau en te disant que tu te fous de notre gueule et mille choses encore et je repars dans ma chambre en furie pour ne pas te foutre sur la gueule.

* est ce que tu entends ce que je te dis à ce moment-là ?

- non je ne sais pas de toute façon je ne t’entends pas, je suis trop énervé.

* je te dis « est-ce qu’on peut parler ?

- je n’ai rien entendu.

Vu l’état de la situation, je vais acheter les viennoiseries avec mon argent propre, et le petit déjeuner peut commencer et là il se passe quoi ?

- Tu me dis que je ne peux pas en prendre tant que je ne me serai pas excusé. Je m’excuse mais je trouve cela injuste c’est toi qui fais la faute et c’est moi que tu punis. Je t’avais insulté c’est vrai mais toi tu t’étais foutu de notre gueule.

Ok sur ce point tu as raison.

Maintenant si on revient au début de l’événement ( il reviens sur le schéma de l’événement et pointe l’entrée dans la pièce ) ; et qu’on s’intéresse aux actions que nous faisons. Quand toi tu vois qu’il n’y a pas de viennoiserie, juste avant de vriller, tu fais quoi ?

- Je ne sais pas….

* je t’aide…. «  tu vois qu’elles ne sont pas là et donc avant de te dire ce n’est pas juste il se passe quoi dans ta tête ?

- je ne sais pas c’est compliqué ton truc !

* tu fais référence à l’habitude et à ce qui devrait être là et que tu ne trouves pas.

- oui c’est ça et je me dis tu te fous de notre gueule.

* ça c’est par rapport à toi, à la nourriture qui n’est pas là et à tes copains…et moi là où je suis et qui je suis ?

- toi tu dois nous apporter ce qui est prévu.

* et tu me fais quoi à moi quand tu penses ça ?

- Je te remets à ta place, on te paie pour nous servir.

* ok, en effet, je dois faire mon boulot d’éduc, mais je ne suis qu’un éduc, je ne suis pas autre chose ?

- Ouais je te dois du respect

* Ça c’est comme les excuses que tu me fais pour avoir accès aux viennoiseries, ce n’est pas sûr que ce soit vraiment intégré…

- ouais mmmm

* Maintenant si on regarde mes actions au moment où je te dis que tu n’auras pas de viennoiseries, si tu ne t’excuses pas , je prends quoi en compte et je te fais quoi ?

- je ne sais pas.

Je fis comme toi, je te prends comme un ado qui doit le respect, est ce que je te prends en compte comme plus qu’un ado ?

Tu me fais comme je t’ai fait ?...

Et tu penses que j’ai raison, on n’aurait pas intérêt à faire autrement ?

Là, maintenant qu’est-ce qu’on fait ? n’est-ce pas plus intéressant.

…ok  

Deuxième exemple ,

Evitement de la contention, au moment où la frustration liée à un ensemble de stimuli sensoriel devient si forte que la physiologie biologie ne peux pas supporter.

Une enfant 9 ans est dans sa chambre, elle lit. Dans le salon à l’étage inférieur le groupe des autres enfants fait la fête avec musique, champ et cris. A un moment donné, n’en pouvant plus de tout ce bruit, l’enfant descend dépassée par les réactions que lui procure le bruit. Elle hurle dans les escaliers, avec une hostilité impossible à réguler par la parole. Elle prend tous les objets qui se trouvent sur son passage les jette et les casse. Elle va dans le placard de la vaisselle et jette toute la vaisselle à terre. Après ce temps de décharge de la charge affective retenue pendant trop longtemps elle se calme et s’effondre en pleurs.

La décharge finie il a été possible de la récupérer affectivement et de la réconforter.

La contention, dans cette situation, n’était pas à faire, car elle ne pouvait pas être approchée et que la mise en protection des autres était suffisante pour gérer la situation.

Le travail avec la jeune a consisté, après l’avoir réconfortée, à faire expliciter ce qui s’était passé avant d’exploser, durant le temps où elle recevait les « agressions » des bruits qui l’ont submergé.

Il s’agissait de l’aider à intervenir plus tôt pour éviter sa mise en danger. La sanction dans cette situation serait inutile et contreproductive.

 

 

Les rôles de l’éducation et de l’autorité de service

Si nous considérons que les rôles et missions de l’éducateur consistent à aider l’enfant à devenir ajusté et adapté dans ses actions et réactions aux situations de sa vie, alors l’éducateur se trouve dans une autorité de service par rapport aux lois de l’humanité qui sont contraintes dans le quotidien tant que les compétences de vie ne sont pas fortifiées. Ce temps d’accroissement des compétences nécessite d’être en situation de coopération et il se joue dans le temps réel de l’action

Si les rôles et missions des chefs de service (direction) consistent à proposer un contrat de vie dans une institution qui le prend en charge dans un groupe, alors l’instance de direction (le directeur ou le chef de service) doit se positionner, dans le moment de crise, au service de l’enfant ou du jeune en proposant le contrat comme une aide permettant de dépasser les contraintes de sa vie. L’admission dans l’institution vient pour assister l’enfant face aux difficultés de sa vie prises dans des nécessités de contraintes. Ce temps du contrat se joue dans le temps différé avant la prise en charge par les éducateurs et donc avec les actions qui vont se dérouler dans le quotidien ; mais aussi après des actions qui auront rompu ou entamé une ou des clauses du contrat. Le rôle alors sera celui de rappeler le contrat et son sens premier (celui de venir en aide au quotidien), mais qui peut devenir contrainte quand les difficultés précédant la prise en charge vont s’estomper et que le contrat alors sera perçu comme une brimade de la liberté quotidienne.

Mais comme nous venons de le voir, le profil des jeunes en institution (spécialisée ou pas : l’école) nécessite parfois que ces deux rôles se jouent dans le temps réel de l’action en faisant en sorte qu’il n’y ait pas confusion des deux rôles chez l’enfant donc que le chef de service ne fasse pas le rôle de super éducateur.

Mais vu la violence et la non intégration de la fonction de l’autorité de service qui est perçue comme une autorité de contrainte marque de tous les ressentiments de l’injustice, il est nécessaire que les deux autorités interagissent dans le temps de l’action car le jeune perd la mémoire de son contrat du fait de sa perte de la fonction de la parole. Il n’a pas intégré cette dimension d’humanité qu’est la parole et donc n’ayant pas d’histoire, il faut la créer et créer la faculté de se raconter. C’est ainsi que le rôle de service du chef de service intervient, quand l’enfant débordera l’éducateur et ne sera plus en lien avec son humanité. Il le prendra dans un espace à l’écart du champ de la bataille de la vie (vire sur le champ de la bataille) pour le ramener dans l’état d’enfant plongé dans une mer de contraintes à dominer grâce à l’action de l’éducateur qui renforcera ses forces de vie pour que ces contraintes deviennent service pour lui .

En conclusion                                                                 

Dans la situation de crise il est impératif de faire attention à n’agir qu’en fonction de ses possibilités et en fonction des éléments singuliers de la situation.

L’acte éducatif comme la réponse à une manifestation de colère et de violence est à faire en fonction des compétences d’autonomie de l’enfant ou du jeune.

 

Dans l’avant et l’après crise, il est donc impératif à tout moment de renforcer les compétences de vie et ne pas seulement de les laisser vivre ou de les constater. 

 



[1] M. Blondel 1893 posera l’action comme une obligation à laquelle il est impossible d’y déroger pour accéder à la liberté. Sa position s’oppose radicalement la tradition de la quête du plaisir comme moteur de l’existence.

[2] Esope repris par Lafontaine avait déjà indiqué ces deux voies, Socrates, Aristote et les philosophe grecs avaient proposer un chemin de sagesse par le renforcement des « vertus » des forces à vivre « patience, tempérance, la force et la justice ».

[3] Les représentations sociales construisent le système de référence et la hiérarchisation des valeurs, des importants à respecter

[4] La pratique construit dans le quotidien les compétences et capacités d’action permettant de prendre des décisions grâce à la puissance des forces psychiques structures du potentiel d’action.