mardi 20 décembre 2016

Vidéo, auto-vision et innovation pédagogique




L’utilisation pédagogique de la vidéo est à réaliser avec précaution.
Une formation à l’explicitation des processus décisionnels de l’apprenant est à acquérir
afin de diminuer les effets indésirables d’une rencontre immédiate
avec le renvoi identitaire de l’auto-vision de soi filmé.
1.       La vidéo renvoi une image de soi qui tente de corriger un défaut par une évaluation externe traitée par la raison
La vidéo est très utilisée dans le cas de l’amélioration des gestes techniques et dans l’ajustement des prises de décision stratégique et opérationnelle dans le champ de l’amélioration des performances sportives et artistiques.
Cette pratique de visualisation de soi dans une séquence d’actions permet de se voir effectuant un  geste, et ainsi de recevoir par une source extérieure la vision de soi en acte.
L’idée de cette technique-méthode d’amélioration repose sur le même principe que les conseils donnés par un coach ou un maitre artisan ou encore un expert possédant la maîtrise d’un métier. Le principe du conseil consiste à apprendre en corrigeant le geste inapproprié par l’énoncé d’une évaluation externe. la méthode repose sur la prédominance de la raison sur l’action : si l’acteur sait ce qui ne va pas, il pourra apporter les modifications nécessaire à l’ajustement du geste.
2.       l’acquisition du bon geste se fait par une intégration interne des modifications percues à apporter
L’expérience montre que toutes les informations provenant de l’extérieur sont efficaces quand celui qui les reçoit peut les intégrer à l’intérieur de soi afin qu’il puisse les mettre en œuvre dans l’immédiateté du temps de l’action par un processus de représentation de soi dans l’action.
Le processus d’intégration se fait par le cortex qui comprend l’écart et qui tente de l’intégrer par un système de répartition après vision du défaut ou écoute de l’évaluation de l’entraineur ou du maitre par un processus d’intériorisation que l’apprenant doit faire seul. Elle demande de nombreuses répétitions pour que le processus d’intégration soit opératoire  et donc « réflexe » et « personnalisé » par l’appropriation du geste au niveau du  limbique et du reptilien qui n’utilise pas les réseaux du cortex qui sont trop lents.
Cette démarche n’aide pas l’apprenant à intégrer, elle l’informe sur ce qui doit être fait et c’est à l’apprenant de trouver le chemin pour faire sienne la remarque et la transformer en une bibliothèque d’action et d’informations qui seront récupérées de façon ajustée dans l’immédiateté de l’action.
L’apprentissage est long et fastidieux quand il s’agit d’un comportement technique (artisan ou métier ) ou dans le cas d’une production de gestes techniques corporels sportifs ou artistique.

3.       la vision d’une pratique de communication entre des personnes touche l’image identitaire 
Lorsque la pratique de visualisation de l’acteur pris en film est transférée dans le cadre d’un apprentissage d’un comportement relationnel, on remarque un effet très handicapant.
Se voir sur une vidéo, entendre sa voix dans un enregistrement renvoie une évaluation identitaire à celui qui voit ou entend son comportement en lien avec d’autres alors qu’il ne l’a pas perçu lorsqu’il le faisait.
L’écart entre la vision de soi en relation avec les autres et sa propre représentation en relation - tout comme l’écart entre sa voix entendue ou la découverte de ses paroles échangées à l’aide d’un enregistrement alors que l’auteur ne reconnait pas sa voix et qu’il est très négativement étonné  de la qualité de sa conversation - produit inévitablement un choc identitaire très fort voire violent qui conduit à un rejet de soi et une impossibilité de revoir une vidéo de soi.
Dans le cas de l’apprentissage relationnel l’effet sur l’apprentissage est plus violent que dans le cas d’un apprentissage d’un geste technique d’une part du fait de l’évaluation continu de l’apprenant avec les conseils de son entraineur ou de son maître professionnel d’autre part d’une moindre remise en cause identitaire.
4.       Il faut un temps d’apprivoisement de ce  « soi » qui est « moi » mais que je ne connais pas et qui me donne à voir des choses que je ne voudrais pas faire.
L’auto vision de soi en relation avec d’autres est donc très risquée, s’il n’y a pas une appropriation plus intérieure de la connaissance de soi que la découverte par une source extérieur rend manifeste de façon trop brutale.
Comme la représentation de soi est capitale pour pouvoir modifier une attitude professionnelle, il y a cependant un autre moyen plus respectueux de la capacité à se voir de l’intérieur.
Ce moyen relève de la démarche d’explicitation des processus décisionnels présents dans une séquence d’action. Cette explicitation permet à l’acteur de se voir peu à peu par une auto évaluation réalisée de l’intérieur à l’aide d’une représentation accompagnée par un tiers. Cet accompagnement consiste à faire se réapproprier toutes les formes d’action appropriées avant d’auto-révéler les actions qui ne seraient pas ajustées.
5.       Le travail de renforcement de l’action
La démarche consiste
·         dans un premier temps  à aider l’acteur à décrire précisément et chronologiquement les actes dont il se souvient. Si des actes nombreux ne sont pas récupérés par l’acteur, car il n’a pas la faculté de se voir dans la situation, l’accompagnant-tuteur l’aide à retrouver ces attitudes en resituant l’acteur dans la séquences  de ses actions par un  rappel non insistant de certains événements.
·         dans un deuxième temps, lorsque le récit chronologique le plus précis possible a été réalisé, l’accompagnant-tuteur reprend toutes les actions rappelées dans ce récit et travaille chacune de façon à faire découvrir les actions qui lui sont associées à l’aide d’une demande simple. Ces actions associées étant implicites mais bien réelles ne sont jamais récupérées par la mémoire sans une assistance spécifique; c’est pourquoi  l’accompagnant tuteur doit aider l’acteur à les récupérer à l’aide de lien logique ou d’une représentation de la situation vécue.
·         Lors du troisième temps, le tuteur accompagnant va aider l’apprenant à identifier dans les actions récupérées, les éléments qu’il a pris en compte pour agir. Il fait se travail pour les actions qui ont été retrouvées facilement par l’apprenant seul. Mais il peut aussi le demander pour  les actions qui ont été découvertes grâce à la mémorisation assistée par le  tuteur accompagnant.
Ce travail de représentation est immédiatement intégré de l’intérieur par l’acteur et il sera ainsi  immédiatement mis en œuvre dans la pratique de l’acteur au niveau de la représentation limbique et  mis en œuvre au niveau reptilien.
6.       les conditions d’une efficacité de l’auto-vision
C’est seulement après un travail de ce type qui permet une représentation par l’acteur lui-même, que la visualisation d’une vidéo de soi en acte peut avoir un effet bénéfique pour l’apprenant. Cette vision permettra d’ajuster le travail de représentation qui aura été apprivoisée.
L’impact identitaire de la vison sera moindre. Toutefois même avec ce travail de représentation le choc est parfois très important, il est alors possible de visionner une vidéo après deux ou trois séances d’explicitation.  

Résumé
Pour utiliser une auto-vision sans danger, les tuteurs auraient tout intérêt à connaître la pratique de  l’explicitation des processus décisionnels présent dans l’immédiateté de l’action. Les effets d’apprentissage seraient à la fois plus rapides et plus constructifs au regard de l’identité propre de l’apprenant.  

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