Nous savons, du point de vue
génétique, que l’action précède la pensée. Nous avons vu aussi que dans la
démarche éducative chez le tout petit (D. Beaudroit R. Michit 2020) comme dans
les démarches de rééducation propres à l’éducation spécialisée (jeunes et
adultes), l’action précède la pensée (R. Michit 2017). Aristote[1]
l’avait déjà intuité, et M. Blondel (1893, 1966), J. Piaget[2]
l’ont montré.
Nous pouvons, aujourd’hui, aller
encore plus loin dans cette perspective, parce que nous avons démontré que l’action
construit les compétences à acquérir lorsqu’elle fait l’objet d’une relecture
avec pour objectif l’explicitation des micro processus décisionnels (Michit H
et R 1998, et Michit R. 2020).
Dans le cadre de l’éducation en
CHRS la vie quotidienne des hébergés est le lieu et le temps naturel pour travailler
avec les acteur(trice)s leurs expériences de vie. Elles seront relues, dans
l’après coup ; dans le but de renforcer la conscience de soi d’être acteur
de sa vie et de renforcer, ainsi, les capacités à prendre les décisions plus
ajustées pour adapter ses comportements à leurs conditions de la vie sociale.
Dans le but de stimuler les personnes
et leur faire faire des découvertes différentes, proposer des activités
collectives en petit groupe est l’occasion de combiner plusieurs aspects de
l’accompagnement rééducatif.
Proposer une activité à thème
(cuisine, couture, écriture, marches, visites, échanges sur des sujets
importants, lectures, films etc.) donne un objectif. Ce dernier stimule la
créativité ou la mise en action que l’hébergé n’aurait pas eu seul. Il est ainsi
invité à entrer dans des expériences qu’il peut ne jamais avoir faites. Ces
temps sont donc très puissants pour apporter des terrains expériences riches en
renforcement de compétences.
Comme elles sont réalisées en
présence de l’accompagnement, elle procure un autre intérêt sur le plan
éducatif. En effet, dans le temps d’activité, l’accompagnant peut percevoir et
observer des actions, des attitudes, des phénomènes que l’acteur ne perçoit pas
tout seul. Il s’en suit comme il n’est pas en mesure de les voir en les
faisant, qu’il ne peut pas les raconter dans la relecture de la séquences des
actions qui serait faite après coup. En effet, il, elle, les a faites sans s’en
rendre compte. De ce fait, soit l’accompagnant présent peut effectuer une relecture
des actions en train de se faire par des questions interrogeant ce qui est en train
de se faire. Ce faisant, il permet de faire découvrir des actions qui ne pourraient
pas l’être par un entretien d’explicitation réalisé après l’action.
Cette découverte n’est pas
sujette à la création d’une réponse défensive de justification (« ce n’est pas
ma faute » … « c’est parce que les conditions ne sont pas
bonnes » etc…) ou à de la culpabilité car la technique de relecture ne critique
pas l’action. Elle demande simplement : « est-ce que vous pouvez me
dire ce que vous êtes en train de faire. ? Cette question ramène le sujet
dans la représentation de ce qu’il fait alors qu’il ne se voit pas en train de
faire. La question l’aide à faire un arrêt sur image. Ainsi il devient possible
de reprendre le geste ou l’action sur le moment non pour critiquer son
auteur(trice) mais pour la faire découvrir. Ainsi, l’acteur se rend compte par
lui-même de l’ajustement ou de l’écart entre l’objectif à réaliser et le moyen mis
en œuvre pour l’atteindre.
Soit, il est aussi possible, dans
le moment de l’action, de l’arrêter juste pour demander à la personne ce
qu’elle a pris en compte pour faire un geste ou une part de l’activité. Ce
travail de représentation construit la prise de conscience des éléments pris en
compte qui permettent ou pas de réaliser l’action de façon ajustée.
Mais il y a un autre intérêt de
la présence de l’accompagnant dans l’activité. Il concerne la relecture des
événements qui serait réalisée dans l’après coup de l’activité. Comme l’activité
a été faite et vécue avec l’accompagnant, ce dernier dans cette relecture d’explicitation
peut revenir sur des moments de l’activité qui ont été oubliés. Il peut prêter
sa parole pour rappeler le cours des événements et ainsi remettre la personne
dans des moments d’actions qui l’aide à voir les phénomènes ou les événement oubliés.
Passés, ils disparaissent de la mémoire. Or, très souvent les moments oubliés
sont des moments où les gestes ont été appropriés. Si bien que la compétence -
qui se fortifie essentiellement par la relecture des compétences acquises pour
les renforcer par la représentation des éléments pris en compte pour les
réussir-, ne capitalise pas sur les acquis. Ils se perdent dans la somme des
événements insignifiants vécus.
Nous savons que le travail de
représentation contribue à renforcer la capacité de représentation de soi. Il renforce
donc la fierté et la confiance en soi.
Mais en plus, nous avons établi que
l’explicitation des micro processus décisionnels est le moyen d’accroitre l’ajustement
des capacités à vivre par la représentation de la prise en compte les
événements qui se déroulent et des éléments qui sont perçus au moment des
actions que l’activité suscite.
L’activité réalisée en groupe avec
l’accompagnant présente un troisième intérêt. En effet, faire en groupe, une
activité sans enjeu de concurrence entre les participants, produit une émulation
par le groupe avec une possibilité d’échanger entre pairs[3].
La présence du responsable d’atelier permet de renforcer cette « pair
aidance » par la relecture des événements de solidarité et par la
stimulation et l’accompagnement de l’entraide, afin que celle-ci ne soit le
temps où un participant déploie et se présente comme un sachant mieux que les
autres en prenant une place d’expert au lieu de prendre celle d’aidant et de
partage des compétences.
Bibliographie
Blondel,
(M), (1893), L'action, Paris, Presse
universitaire de France.
Blondel,
M. (1966 ) Itinéraire philosophique
Paris , Editions Montaigne Aubier-Montaigne
Michit R. (2017) L’action précède la pensée délibértive,
blog ACO www.academielabodecision.eu
Michit (2020) les puissants effets de l’explicitation blog
ACO www.academielabodecision.eu
[1] Dans
l’éthique à Nicomaque en particulier
[2][2][2]
Texte « devenir mental et permanence normative » dans fondation J.
Piaget
[3] Dossier
2021 « La pair aidance véritable levier d’autodétermination à l’heure de
l’inclusion » Cahier de l’actif N° 538-539
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