La violence actuelle des jeunes est d’une nouvelle nature
La scène se passe à la terrasse d’un glacier. L’enfant est avec ses parents et la grand-mère. Leur fille entre
6 ans s’impatiente sur sa chaise elle a fini sa glace et s’ennuie, les
jeux de la grand-mère ne l’intéressent pas. Elle demande un verre d’eau,
en boit un peu puis avec attention le pose sur le bord de la table. Elle
fait très attention qu’il ne tombe pas. Visiblement elle fait une
expérience d’équilibre. Sa curiosité spontanée, l’invite à expérimenter
les contraintes de la loi de la pesanteur sans en connaître la moindre
théorie. L’exercice est périlleux pour l’eau mais sans risque ni pour le
verre qui est en plastique ni pour le sol qui est en béton et en plein
air. Le risque est pour la robe qui peut se trouver mouillée. La scéne est
passionnante à regarder. On observe là comment l’enfant est créateur et sait jouer avec
les contraintes de la nature qu’il apprend à maîtriser… Au bout de quelques secondes de jeu dans lesquelles elle était
concentrée, la mère intervient et lui enlève le verre en lui intimant de
ne pas jouer avec le verre, et lui dit si tu n’a pas soif tu laisse le
verre tranquille. Elle le pose devant l’assiette. L’enfant reprend le verre et le repositionne sur la bord de la
table. Très sèchement la mère reprend le verre et gronde sa fille si tu
ne bois pas tu le laisse à sa place. La fille se met à pleurer et reprend
le verre. Elle lui interdit de jouer avec le verre et lui dit : «
je compte jusqu’à trois si tu ne remets pas le verre à sa place je te
l’enlève… ». Elle compte et trois tombe sans que l’enfant ait lâché
son expérience. La mère prend le verre et l’enfant se met à hurler. La
relation parentale devient violence. La contrainte de la règle parentale
qui n’a pas fait attention à la créativité de la fille s’impose. Elle la
soumet… l’enfant n’a pas pu transformer la régle parentale en service. Elle
la subit comme une injustice incompréhensible et c’est ainsi que se crée
le ressentiment d’injustice, la colère contre une loi sans logique ou bien
c’est ainsi que l’enfant se retrouve jeune adulte avec un non sens de vie,
une impossibilité de choisir les contraintes qu’il a à prendre en compte
pour se diriger dans le futur à choisir dont chaque choix oblige de
renoncer à une infinité d’autres.
Pour entrer dans la compréhension de
l’agressivité et de la violence des jeunes actuels, il est intéressant voire
nécessaire de commencer par identifier que tout jeune est projeté dès sa
naissance dans un monde qu’il n’a pas choisi et dans lequel il doit vivre et apprendre
à vivre avec des contraintes qui, par nature, l’agressent. Il reçoit donc
l’injonction, la prescription, l’assignation, avec
l’aide de ses parents et de l’ingéniosité de sa curiosité, de transformer les
contraintes en service en découvrant leur fonctionnement, leur dynamique afin
de les utiliser ou bien il les recevra comme des fardeau à subir dans une vie
de soumission sans trouver le sens de sa vie.
La venue au monde est une contrainte déterministe
Au
temps de sa mise au monde il est éjecté d’un univers aquatique à 37° dans un
monde aérien qui brûle ses poumons et à 25° !!! L’épreuve est rude, mais
sa constitution de prématuré en a les compétences. S’il advient qu’il n’arrive
pas à dépasser l’obstacle, il reçoit sa première stimulation corporelle forte
qui lui déclenche tout son système d’adaptation.
Il faut
donc prendre la mesure des effets de cette projection qui place nécessairement
tout enfant dans un monde de contraintes et de frustrations innombrables.
Celles-ci seront présentes durant tout le temps de sa construction. Pour
devenir libre, adulte il devra apprendre à faire face à ces frustrations de
façon à les prendre comme des services à maîtriser. Il devra vivre avec elles
en les considérant non pas comme des contraintes mais comme des outils à
utiliser grâce au développement de ses compétences à vivre.
Une
autre voie est possible
Cette
manière de voir l’existence n’est pas unique.
Les
relations à la contrainte de l’existence imposée induisent en fait deux effets
· soit une obligation d’agir[1]
· soit une passivité accompagnée d’addiction
permettant la fuite d’un fardeau trop lourd à porter[2].
Les
effets du second type sont nouveaux du fait de leur place importante qu’ils
occupent dans la population des jeunes et des enfants. Un des facteurs de leur
développement serait à attribuer à une évolution des modes d’éducation. Il
s’agit de mesurer ce facteur. Cette évolution touche, en particulier, les représentations
sociales de la contrainte et son activation par les acteurs de l’éducation (parents
enseignants et éducateurs) qui gèrent au quotidien l’obligation à vivre sous la
contrainte des lois de la vie;
· d’une part, l’éducation dans la prime
enfance évolue en lien avec les fondements de la relation à la contrainte que
développent les représentations sociales[3]
de la bientraitance et de l’évitement de la contrainte comme le signifiant de
l’ordre dominant et répressif, déplaçant l’état de fait de nature sur la
société et son organisation,
· d’autre part, l’éducation vécue au travers
de la pratique[4] des écrans qui
véhiculent, au moyen des e-jeux, une rencontre virtuelle à la réalité, à ses
contraintes et à l’échec. Confronté aux contraintes virtuelles qui n’ont aucun
effet sur la possibilité de continuer le jeu avec de nouvelles vies acquises
par un simple clic sur un clavier, le jeune ne développe pas la force de
dépassement des frustrations.
La
place centrale de l’éducation
Du fait de l’état de prématuré, le petit
d’homme doit apprendre de ses parents puis des adultes référents (enseignants,
éducateurs) à recevoir les contraintes comme des nécessités qui lui permettent
d’accroitre ses compétences en humanité. Les forces psychiques acquises durant
la construction de ses compétences transformeront le
joug de la vie en douceur et leur fardeau, lourd en son origine, en une
condition humaine légère à apprécier. Cette transformation s’opère par l’accompagnement
des parents prodiguant un amour sans faille avec une fermeté sans vacillement.
Ainsi dès les premiers jours, des pleurs signifient la souffrance à vivre, par
exemple les pleurs de douleurs propres aux brûlures d’estomac. Mais l’attention
parentale fait apparaître autour du huitième jour les premiers sourires dans
les rencontres. Et dans les semaines qui suivent, les éclats de rire surgissent
au cours des échanges de plus en plus significatifs
et intenses si le parent est fidèle à sa tâche. Ainsi par le sentiment d’être aimé et par
la compétence acquise grâce à la fermeté de l’accompagnement à vivre les
contraintes se construit la vie sans violence.
Sans cette présence
exigeante, l’autre chemin, celui de la passivité s’ouvre sans effort.
Proche
de sa naissance, quand il est tout petit, l’enfant est constitué d’une
puissance d’adaptation et de plasticité neuronale lui permettant d’apprendre
facilement les comportements adaptés aux contraintes que l’espace-temps, le
monde physique et l’environnement social imposent. Son cerveau et sa
constitution psychique construisent une infinité de connexions neuronales faites
pour cette adaptation. Même s’il exprime, par des pleurs ou de la soumission,
du désagrément et de la souffrance, ces contrariétés enveloppées d’un amour
délicat et ferme tout à la fois le consolident pour être libre une fois
adulte :
Ainsi
le pensait déjà Esope, pour lui, la Fortune présentait deux
chemins aux hommes : l'un de liberté, rude et épineux au commencement, mais
dans la suite très agréable ; l'autre, d'esclavage, dont les commencements
étaient plus aisés, mais la suite laborieuse.
Ce qui
ne veut pas dire qu’il faille faire souffrir les enfants exprès, mais pour des
raisons d’adaptation au milieu, il s’agit de mesurer les exigences
nécessaires : c’est une œuvre délicate et pleine d’embûches, qu’il faut
moduler par les récupérations affectives, mais qui ne doivent pas être avec l’espérance
qu’elles vont tout réparer !!!
Si l’enfant
n’a pas appris que les contraintes comme éléments de la détermination de
l’humain sont parties intégrantes de la vie, il ne va pas apprendre à les
dépasser par la force de fidélité qui avale les obstacles comme un cycliste
avale les cols et le montagnard les parois.
La
violence actuelle chez les jeunes enfants et les adolescents
Il
s’ensuit qu’une éducation qui édulcore la fonction essentielle de la frustration
et prône une éducation évitant et protégeant des effets difficiles de toute frustration
est un leurre.
Au lieu
d’aider l’enfant, elle lui procure un avenir des plus désastreux dont il
tentera de s’échapper par la mise en œuvre de tout un ensemble de défenses.
Ces
défenses sont les jeux, les loisirs, les plaisirs puis l’utilisation de toutes
sortes de psychotropes qui perdront rapidement leur fonction de divertissements
nécessaires et apaisants, pour prendre la place d’une obligation à satisfaire.
Cette obligation devenant un impératif catégorique rendra l’adolescent, ensuite
l’adulte esclave de sa condition lui procurant une dépendance avec toute une
suite d’altérations psychiques qui détruisent sa puissance d’adaptation au
monde.
Lorsque
les adultes vont voir que l’enfant ou le jeune ne répond pas à leurs
contraintes et à leur demande, ils vont avoir l’idée de lui apprendre à accepter
les contraintes par l’autorité de domination et de contrainte. Il faut que l’enfant
obéisse à leur volonté et à ce qu’ils croient comme la manière de supporter la
vie. C’est à ce moment-là que se crée le film/fiction de la violence nécessaire
qui veut soumettre le jeune à l’autorité des adultes. Cet enfant l’intègrera
comme sa langue parentale
Une enfant de 5 ans en sortie de classe de
maternelle s’arrête un moment dépose son doudou sur une borne au bord du chemin
puis commence à le battre à coup de bâton qu’elle vient de ramasser et elle lui
dit dans le même temps « tu es trop méchant !!!! »
Ce langage
de la violence, certains enfants l’apprennent de leur famille. Lorsque c’est le
cas, quand un tel enfant entre dans un espace d’éducation où la langue de la
force et de la contrainte autoritariste n’est pas la culture, cet enfant ne
possède pas les codes du nouveau groupe d’appartenance, comme il ne possède pas
les compétences pour vivre les contraintes propres à ce groupe.
Si
l’éducateur veut lui apprendre les codes du nouveau groupe, et s’il le fait en
lui imposant ces codes nouveaux, lorsqu’il fait des écarts en lui imposant les
règles, cet éducateur va lui faire violence. Se faisant, il continue le langage
que l’enfant a appris dans son clan et au lieu de l’aider à changer de langage,
il réitère la langue parentale.
Nous avons pu observer
régulièrement dans une maternelle à la récréation des ASSEM qui hurlent sur les
enfants qui sont très turbulents, il est vrai, et n’écoutent pas.
La violence des jeunes
L’analyse des comportements met en évidence que le groupe n’est pas
acceptable par les enfants qui manifestent des attitudes agressives et
violentes . Ces enfants n’ont pas acquis les compétences de la socialité
première : les codes sociaux et le respect de l’autre leur fait violence.
Ils répondent à cette agression structurelle par de la violence individuelle.
Dès 8 ans, on observe des enfants qui répondent à l’adulte, lui font des
remarques et des gestes d’insolence, voire obscènes, ils n’ont que faire de sa
parole, ne l’écoutent pas ou même le menacent de la loi qui dit : il ne
faut pas maltraiter les enfants et ne pas les contraindre.
Dans la cour des institutions se joue des transgressions ostentatoires des
règles de vie sociale ( les jeunes font rentrer de l’alcool », il se joue
des violences psychiques et physiques aux yeux des adultes avec l’intention de
les rendre impuissant avec des attitudes de provocation et frondeuses
Une grande violence corrosive, provocante, narquoise et querelleuse s’établit
mettant à l’épreuve les adultes qui ne doivent pas répondre par la même
violence à la violence
Comment faire pour que la contrainte ne s’impose pas par violence ou comme
une violence ?
La contrainte n’est pas violence quand la compétence à dépasser la
frustration est construite et quand la compétence à atteindre les objectifs est
acquise quels que soient les obstacles alors le travail de l’éducation et celui
de la rééducation consiste à renforcer ces forces en s’appuyant sur celles déjà
présentes chez tout enfant et adolescent.
Deuxième partie
Compréhension
de la violence
Et sa gestion
Il est nécessaire de distinguer deux formes ou natures des
actes d’agressivité ou de violence :
· ceux
qui proviendraient d’un mode relationnel appris dans la sphère familiale ou
dans celle de l’environnement proche, celui du quartier ou de la tribu,
· ceux
qui seraient la conséquence d’une carence de compétence à vivre la frustration.
La violence : son émergence
·
Toute violence provient d’une frustration indépassée qui apparaît lors de
la rencontre d’une situation ou d’un événement
· Elle est le signe d’un
fardeau trop lourd à porter.
·
Cette frustration est donc la conséquence d’une carence de compétences à
dépasser l’obstacle qui se présente dans la situation, autrement dit, une
carence à trouver le moyen pour dépasser l’obstacle.
Ainsi la difficulté à dépasser la frustration est associée à une carence de
potentiel d’action.
Ce dernier est composé de deux instances :
· d’une part la capacité à
se représenter en action par la création d’une image de soi en dialogue avec l’acteur
en acte
· d’autre part, une force
d’autonomie pour prendre des décisions ajustées et adaptées à une situation
donnée.
La capacité de représentation de soi consiste à se voir prenant en compte
les éléments de la situation, ensuite, à mettre en mots ce qui se passe à
l’aide d’un langage qui décrit les événements, puis d’expressions qui représentent
les actions faites avec leurs effets.
La situation de violence apparaît lorsque la fonction du langage est en
carence
« c’est parce que je ne peux pas décrire la situation et mettre des
mots sur la frustration que je passe en agressivité verbale, injures puis en violence physique. »
La force d’autonomie relève d’un processus qui consiste à
identifier, à chaque instant du déroulement d’un événement, les éléments
constituant la situation puis d’identifier leurs relations avec les enjeux
présents et futurs engagés dans la situation. Ces enjeux sont à hiérarchiser en
fonction de l’évolution des épisodes, aléas et rebondissements.
La
violence comme langue parentale
·
L’apprentissage des modes relationnels
Si l’enfant a
vécu dans une ambiance d’agressivité et de violence entre les parents ou dans
la fratrie, il a appris un mode relationnel sur ce registre et ce mode devient
pour lui sa langue parentale. En effet, ces comportements sont un langage. Ce
langage est intégré dès 2ans ½, puisqu’il a pu intégrer les règles
fondamentales de sa langue maternelle, à cet âge. En effet, il sera surpris à dire par exemple des
« chevals ». Cette expression spontanée signifie qu’il a intégré la
structure de la règle des pluriels dont il n’a pas encore appris les exceptions
·
La nécessité d’apprendre une langue étrangère
Quand l’enfant
ou le jeune entre dans un groupe dans lequel les modes relationnels sont gérés
par les règles de la république : « liberté, égalité,
fraternité », il entre dans un espace relationnel qui représente pour lui
une langue étrangère. Afin de s’insérer dans le groupe il devra donc apprendre
cette nouvelle langue.
Les passeurs
de langage, autrement dit les éducateurs, se feront donc une obligation de ne
pas dénigrer les modes relationnels familiaux, en les considérant comme un mode
parmi d’autres. Ils s’évertueront à demander à l’enfant ou au jeune de
s’adapter aux modes du groupe qui le reçoit comme un étranger est reçu dans un
pays étranger dont il doit apprendre la langue et les codes de vie.
·
La décision de changer de langue et de relation
Il revient
donc au jeune de décider d’apprendre une autre langue s’il veut être reçu dans
le groupe d’accueil. Pour cela, il doit percevoir ce groupe non pas comme
« un groupe qui lui doit de l’accueillir » mais comme un
groupe dans lequel il vient pour profiter des bienfaits qu’il lui procure.
Du fait de sa
dimension de grégarité propre à tout humain, en entrant dans le groupe comme
dans tout groupe, il doit en identifier les codes présentés dans le règlement
intérieur. Pour que ce règlement ne soit pas perçu comme une règle externe à
lui-même, le règlement est à construire avec tous les autres membres du groupe
afin que les besoins de chacun soient reconnus, acceptés et respectés. C’est donc
le travail sur le règlement qui construit le contrat d’engagement, et de ce
fait, lui confère la force d’aider le jeune dans tous les moments où il sera
amené à le transgresser, puisqu’il n’en possède pas encore le pouvoir d’exécution.
C’est la force
de la grégarité qui devient soutien pour la construction des compétences
sociales.
·
La décision de vouloir changer dans une
situation de contrainte
Se pose alors la question de la
décision « libre » dans la situation où le groupe est un groupe
imposé du fait d’un placement de justice, ou du fait des contraintes sociales
qui l’obligent à intégrer le nouveau groupe. L’effort sera d’autant plus grand
s’il ne comprend pas la logique de son placement ou de l’intégration du groupe.
La décision de participer à ce groupe demandera beaucoup de patience du côté
éducateur et du côté des accueillants. Il arrive cependant que certaines
enfants du fait d’un handicap ne puissent pas accéder à cette décision
d’apprendre une autre langue. Il faudra alors des institutions adaptées pour
que l’enfant ne fasse pas souffrir le groupe et ne souffre pas trop lui-même.
Ainsi la nécessité d’apprendre
une autre langue sera une forme de violence institutionnelle qu’il aura bien
des difficultés à accepter comme une obligation d’intégration et d’insertion.
En résumé,
l’enjeu consiste à aider l’enfant/jeune à apprendre une langue étrangère. Pour
cela, il faut qu’il décide de l’apprendre, car la seule immersion dans un
groupe parlant une autre langue n’est pas suffisante pour l’apprendre de
l’intérieur. Dans ces conditions, l’attitude éducative s’évertuera de ne pas
dénigrer les comportements de la langue maternelle pour aider à intégrer les
codes de la nouvelle langue afin qu’elle fasse parti de son identité. Ce
faisant, le premier lien d’attachement aux parents qui est une constante
fondatrice de l’identité de tout humain ne sera pas rompu.
La violence conséquente de la carence de compétence à
vivre la frustration
Il est une autre forme de violence, celle qui surgit lorsqu’un événement de vie présente une frustration qui apparaît de
façon impromptue.
Frustration et compétence de vie
Une frustration apparait lorsque des événements ne correspondent
pas à ce qui est attendu dans le déroulé des événements. Autrement dit, il se
présente un obstacle qui est perçu comme indépassable et anormal. La
frustration est donc la conséquence d’une carence de compétence à dépasser
l’obstacle qui se présente, sans que la personne ait pu l’anticiper et le
prévoir ; l’obstacle surprend et s’impose dans une durée impossible à
soutenir.
La difficulté à gérer une frustration est donc associée à une
carence de compétence de la vie dans laquelle une multitude de rencontres
s’imposent et des événements surgissent provenant des interactions quotidiennes
avec l’environnement et des autres.
Frustration et niveau d’autonomie
Si on conçoit toute situation de vie comme une association ou un
assemblage d’éléments pour certains en interaction de corrélation (ils sont
juxtaposés les uns en présence des autres à un moment donné), pour d’autres en
lien de causalité ( l’un est la conséquence de la présence de l’autre) alors toute situation suppose pour la gérer
correctement que les participants à ce moment de vie
·
aient
intégré les effets de leur biologie ( fatigue, détente disponibilité),
·
qu’ils
puissent gérer les événements des lois de la nature qui opposent une résistance
à la volonté de faire et de produire,
·
qu’ils
soient en mesure de respecter les règles du groupe,
·
qu’ils
soient capables de signifier en parole leur besoin, leur difficulté
·
et
qu’ils acceptent la différence des autres participant sans que celle-ci les
mette en difficulté.
Autrement dit, il faut qu’ils aient intégré un haut niveau
d’autonomie afin de pouvoir gérer les événements singuliers propres au
déroulement des interactions, sans être dépendant d’une autorité qui signifie
ce qui doit se faire.
Il est facile alors de percevoir que l’agressivité et son
développement en violence est le signe et la manifestation d’une carence
d’autonomie.
Cette remarque nous invite à approfondir la notion d’autonomie.
Qu’est-ce qui caractérise une personne autonome ?
Autonomie ?
Prenons le parti de découvrir l’autonomie à partir de son
étymologie. : « auto- nomos » ; nomos étant en grec « la
loi ».
Opérons une comparaison avec un terme semblable pour en découvrir
les caractéristiques. Par exemple quelle est la particularité des véhicules
auto- mobiles ?
Ces véhicules sont des véhicules dans lesquels la mobilité fait
partie intégrante de leur structure.
Autrement dit, une personne autonome est une personne dans
laquelle « le nomos » grec, en français « la loi » fait
partie intégrante et structurelle de son identité.
Quelle est cette »loi » ?
Les lois spécifiques à l’humanité.
L’étude du développement de l’enfant met en évidence des lois
universelles propre à toute humanisation. Ces lois, l’enfant, le jeune et
l’adulte doivent apprendre à les reconnaitre et à les accepter comme des invariants
de la condition humaine. Les ayant identifiées ils doivent les maîtriser en
utilisant des outils ou moyens leur permettant de transformer la fonction de
contrainte de toute « loi » en fonction de service pour une existence
acceptable au minimum voire plus...
·
La
première des lois est le fait que chacun est un
corps déterminé par les lois de la biologie et de sa physiologie. C’est un
incontournable « si je ne prends pas soin de ce corps en lui apportant
repos, nourriture et détente, la vie devient un enfer de contraintes qu’il
s’agira de détourner par l’utilisation de psychotrope ou des manifestations de
dépression ». Le début de la maitrise de cette loi se trouve dans la
première année de vie.
·
Le
deuxième système de lois qui contraint l’humain est le fait qu’il soit dans un
environnement naturel déterminé par les lois de la physique et de la nature
animée avec des effets de résistance des matériaux, de la pesanteur etc… Ces
lois avec leur train de contraintes mettent l’enfant entre 1 an et 2 ans face à
des obstacles qu’il apprend à dépasser sans colère par l’accroissement de ses
compétences d’exécutant et d’utilisation des outils…
·
La
troisième des lois à connaître, accepter et
intégrer est le fait qu’il est un individu dans un groupe. Ce groupe impose des
règles de vie. Ainsi pour être sujet du groupe il doit s’assujettir à ces
règles. Sans l’intégration de cette loi, il reste enfant roi et a social. Cette
loi commence à s’intégrer chez l’enfant autour de 2 ans avec l’apprentissage de
la propreté comme cible singulière. Cette intégration sera égrainée de caprices,
manifestations de frustrations liées à la rencontre des contraintes des
exigences des pairs et des adultes.
·
La
quatrième des lois qui structure l’humanité est
le fait que l’humain est un parlant. Il doit apprendre à maitriser la langue du
groupe qui s’impose comme un déterminisme incontournable. Sans la maîtrise de
la langue, il reste en grande difficulté d’insertion sociale mais aussi, sans
possibilité de représentation de soi et donc de prise de conscience de soi , de
ses émotions et de la possibilité d’échanger avec ses semblables.
·
La
cinquième des lois d’humanisation est le fait que l’enfant entre 3 et 6 ans est en mesure de
percevoir, de comprendre puis d’aimer la différence de l’autre. Cette
différence, en plus des caractéristiques personnelles propres à chacun, apparaît
en particulier dans le fait que cet autre peut entrer en relation selon des
objectifs de relation singuliers dont il ne connait pas par avance la nature.
Cette incertitude des objectifs de relation constitue le principe non
seulement de l’incertitude des relations, mais aussi l’état de superposition de
cet objectif de relation qui ne permet pas de définir l’état d’une personne
à un moment donné.
Dans la rencontre avec un autre, il est impossible de savoir avec
précision dans quel objectif de relation l’interlocuteur veut s’engager.
Veut-il entrer en relation de coopération pour produire une activité en commun ?
veut-il utiliser son interlocuteur à son profit ? veut-il créer une relation
d’échange d’être ou bien veut-il protéger le plus faible ? Ce principe
d’incertitude est la structure propre de toutes les relations sociales. Une
relation qui ne se réalise pas selon le même objectif de relation induit une
tension, une frustration, une insatisfaction susceptible de se transformer en
agressivité, en violence et en séparation
Ces lois structurant toute humanité permettent de définir le
niveau d’autonomie d’une personne. Chez toute personne auto-nome, chacune de
ces lois agit en elle, d’elle-même sans que la personne ait besoin d’une
autorité extérieure qui vienne l’aider à les accepter, les respecter et les
mettre en œuvre.
Ainsi, chez une personne auto-nome chacune de ces lois est passée
de l’état de contrainte à l’état de service. Elle se sert de leurs propres
causalités pour exister dans son présent.
Elle
va se reposer si elle est fatiguée, elle se sustente pour aller faire de
l’exercice physique afin de se détendre et ensuite travailler,
Elle
fait attention à ne pas mette son doigt sous le marteau, comme elle évite de
l’envoyer sur la tête d’un autre,
Elle
va se laver pour ne pas incommoder les autres par son odeur.
Elle
parle pour se faire comprendre.
Elle
fait attention de ne pas ouvrir sa porte et son être à n’importe qui, qui peut
utiliser ses informations pour lui faire du mal etc….
Avec l’intégration de toutes les formes de causalité propres à
chacun des systèmes de loi, la personne a acquis les compétences, pour faire
sienne de l’intérieur, les cinq lois qui structurent son humanité.
La gestion de la violence
Une Méthode individuelle pour dépasser la violence et la gérer
Si l’autonomie est la puissance d’intégrer de l’intérieur les cinq
lois fondamentales qui font l’humanité pouvant accueillir et dépasser les contraintes
de l’environnement, alors la difficulté à dépasser une contrainte produit une
frustration.
Le dépassement impossible de cette frustration se traduit en
agressivité et ensuite en violence si la personne ne trouve pas le moyen de dépasser
l’obstacle qu’une des composantes de la situation lui procure. Il lui manque
une compétence psychique ou "force psychique" ( E. Erikson)
· Pour gérer l’expression
d’une violence ou d’une agressivité, il est absolument nécessaire d’élaborer un
diagnostic précis des compétences d’autonomie.
· Cela permet entre autres
d’anticiper les situations de frustration qui seront difficiles à dépasser
Pour identifier les compétences psychiques, l’humain a acquis dans
le cours de l’évolution une capacité singulière, celle de produire un langage qui
lui donne la possibilité de se représenter et donc d’accéder à la conscience de
soi.
La représentation de soi fondement de la conscience de soi.
La première étape est une étape de description des situations permettant la
représentation de soi comme une image de soi dans la situation
Cette représentation se fait en trois étapes
· se voir dans une situation en train de la vivre
· la raconter juste après avoir vécu la situation
· enfin, être en mesure de faire mémoire de façon précise en
décrivant une situation vécue un jour ou une semaine après l’avoir vécue.
La deuxième étape de la conscience de soi se réalise avec la représentation de
soi comme acteur dans la situation et donc responsable. Cette
représentation est le fondement de la fierté et de la conscience qu’il est
nécessaire de procéder à un changement pour être plus adapté
Cette conscience se fait à trois niveaux
·
Identifier que les actions sont des
décisions-actions ; Identifier la nature des formes décisionnelles : lorsqu’un
jeune dit à un éducateur « vous êtes
tous des C…s » en disant cela il fait quoi ? il énonce une insulte
mais pas que….
·
En effet, lorsqu’une personne fait une action elle en
fait au moins cinq autres en même temps
o quand le jeune énonce l’injure, il fait quoi en même temps « il
décharge son insatisfaction, il transgresse la règle de respect de l’autre, il agresse
son éducateur, il remet en cause l’autorité etc…
·
Distinguer la cohérence entre les objectifs voulus,
discernés et les moyens mis en œuvre pour les atteindre.
La troisième étape de la conscience de soi se réalise par la représentation de
soi prenant en compte les éléments de la situation
2. Une autre méthode consiste à faire une gestion de la violence
dans les groupes d’appartenance
La fonction de la socialité grégaire
Les comportements inadaptés sont le reflet d’une
vie trop lourde à porter. L’idée est donc d’inviter les enfants, jeunes ou
adultes qui peinent, à trouver auprès de nous une vie plus douce à vivre.
Prenons un exemple d’un collège dans lequel quelques 5ièmes
ont introduit de l’alcool (de la Chartreuse, des bières) et en ont fait boire à
des 6emes. Des bagarres se succèdent à répétition avec lèvres fendues,
bousculades, dents cassées. De plus en plus d’élèves répondent au professeurs,
au surveillants, à la CPE, n’écoutent pas les consignes. Les décrochages
scolaires se succèdent. Des parents se placent en rébellion contre
l’établissement, les professeurs et la direction. Et le personnel tombe malade
car la situation n’est vraiment pas facile, les conditions de relation avec les
élèves sont très dégradées. Le travail est très important et pas valorisant
Comment trouver une réponse adaptée ?
La panoplie des réponses sanctions qui sont pratiquées, n’ont
aucun effet efficace ; les retenues avec un travail de réflexion sur les
effets de l’alcool sont ridiculisées, les retenues elle mêmes sont vécues comme
des injustices, les exclusions mettent en échec notre mission d’éducation,
elles révèlent notre incompétence à accueillir et faire grandir l’élève. Les
formes de réparation avec un rappel des valeurs, des écarts au règlement ne réussissent
pas à reconstruire un lien de coopération entre les élèves et les éducateurs ,
les surveillants et les professeurs.
Que proposer ?
Avant de
proposer une démarche, il convient de prendre en compte que les enfants, jeunes
, adultes n’arrivant pas à respecter les règles du vivre ensemble et de l’apprentissage,
sont des humains qui n’ont pas intégrés pour eux-mêmes la fonction des lois de
leur humanité, ils ne sont pas auto-nomes.
Autrement dit, la question devient « que devons-nous
faire avec les personnes qui transgressent des règles de vie, car elles n’ont
pas intégré les lois universelles de leur humanité » telle que nous
les avons exposées ?
De notre expérience, nous tirons que toute sanction n'a de
sens et d’efficacité d’humanisation que si les auteurs de leurs actes
répréhensibles perçoivent que ceux-ci sont une transgression des règles
convenues pour le bien vivre ensemble ; qu'ils acceptent d’en être les
auteurs responsables sans en attribuer la cause à d’autres ou à la société, à
leur histoire, leur maladie ou leur handicap.
Méthode collective
Quand les situations de transgression des règles pouvant
aller jusqu’à la violence se réalisent dans un groupe de vie (groupe classe
école/collège) ou groupe de vie (ITEP/MECS), si le groupe a été constitué, en
ses origines, par l’établissement d’un règlement intérieur avec les membres du
groupe - dans lequel sont stipulés, non seulement les
règles du "vivre
ensemble" mais aussi
les sanctions réparations en fonction des transgressions, pour faire accéder à la
représentation de la responsabilité et à ses effets - , il est judicieux de convoquer les auteurs dans
une assemblée d'élèves ou des membres afin de réaliser une forme de « procès-débat »
semblable aux discussion dans l’aéropage des cités
grecques. Le sujet des échanges consistera à revisiter le règlement
intérieur au regard de la transgression afin que tous les membres - ceux concernés par la transgression comme ceux
qui ne le sont pas directement
- s'expliquent et définissent les actions à
mettre en œuvre pour que la transgression soit gérée en toute justice.
L’objectif sera d’apporter un mieux "vivre ensemble" en réaffirmant
le règlement et sa fonction d’aide et non de contrainte.
Si nous reprenons l’exemple un collège dans lequel des élèves
de 5ième ont introduit de l’alcool et en ont fait boire à des 6ième, dans le
forum des élèves des deux classes, l’animateur, responsable de la vie scolaire
demandera aux transgresseurs placés au milieu du groupe une première question:
Quand vous
avez introduit l'alcool, vous voulez me dire quoi, à moi responsable de la vie
scolaire ?
Il laissera s'installer le débat entre la réponse des
fauteurs et les réponses du groupe des autres élèves.
Puis il posera une deuxième question
Quand vous avez introduit puis fait boire les
autres vous avez fait quoi ?
A eux
A vous
A moi
A l'école?
Puis il terminera en demandant comment pensent-ils réparer ce
qu'ils ont fait.
L’idée est moins de pratiquer une sanction d'objet (faire
réfléchir en produisant un écrit sur les méfaits de l’alcool) que de créer une
relation vraie et efficace entre eux et l'adulte qui ne veut pas leur imposer
par le règlement intérieur un lourd fardeau et un joug malveillant. Son but est
de les aider à diminuer le lourd fardeau de la vie actuelle qui utilise
l'alcool pour oublier les difficulté afin de les aider à édifier les
compétences nécessaires pour vivre cette vie plus légèrement.
Ce travail n’est pas suffisant, il nécessite un autre travail
individuel dans l’après coup pour renforcer les capacités de vie qui
manifestement ne sont pas présentes lorsque des transgressions de ce genre sont
perpétrées.
Méthode pour un travail individuel
Il s’agit de reprendre un événement, de le décrire puis de
travailler les actions et les décisions prise en mettant en exergue les
éléments pris en compte pour gérer la situation. Ce travail permet de dépasser
les frustrations qui créent la réaction de colère, d’injures et de violence,
parce que dans le moment de l’action toutes les informations qui doivent être
prise en compte pour vivre l’action avec justesse ne sont pas effectives. En
travaillant ces moments d’actions et les éléments qui ont été pris en compte,
et ceux manquant, on renforce la capacité à prendre en compte plus d’éléments,
ce qui conduit à gérer la frustration plus facilement.
Exemple d’une situation où un jeune adolescent profère des insultes
envers un éducateur.
Le contexte :
Un dimanche matin, un jeune du groupe
des adolescents dans une mecs, se lève. Il arrive dans la cuisine et constate
que les traditionnelles viennoiseries qui devraient être présentes au petit
déjeuner, ne le sont pas. En colère, il insulte l’éducateur et retourne dans sa
chambre. Il dira plus tard qu’il a quitté la pièce pour ne pas être plus virulent
contre l’éducateur
Afin de réparer le désagrément d’un
petit déjeuner sans viennoiserie, l’éducateur propose un petit déjeuner avec du
pain de mie et des baguettes provenant du groupe voisin. Ce petit déjeuner, toutefois,
ne répond pas à l’habitude et au devoir de l’éducateur qui doit amener les
précieux aliments qui marquent la différence du dimanche. A l’invitation de
l’éducateur de venir prendre le petit déjeuner, le jeune constate la
proposition, et il se met à proférer de nouveau des insultes plus fortes et
retourne dans sa chambre une fois encore.
L’éducateur l’interpelle et lui
dit ; « On peut discuter »
Notre réflexion sur cette parole met
en évidence que cette proposition fonctionne comme une demande de raisonner
alors qu’il n’est pas en mesure de le faire car il est très en colère contre
l’éducateur. Elle se présente donc comme une double contrainte qui consiste à
demander de faire ce qu’il ne peut pas faire.
Elle produit inévitablement un
surcroit de tension.
Face à ce refus caractérisé, l’éducateur
se résout à l’évidence et va acheter des viennoiseries. Le petit déjeuner peut
donc commencer. Les autres jeunes s’attablent. Par contre, à lui, l’éducateur
dit :
« pas toi car tu m’as insulté, tu
pourras en manger quand tu te seras excusé. »
Cette injonction ayant pour objectif
d’apprendre à ne plus injurier, est, en fait, une mise en soumission. Si bien
que les excuses que formulent le jeune, ne sont pas de vraies excuses. Elles
sont là pour accéder au repas et non pour reconnaître la transgression de la
règle de respect.
L’injonction crée du ressentiment
d’injustice puisqu’elle est perçue comme une mise en soumission pour avoir le
petit déjeuner.
L’injustice vécue par un jeune est à
traiter avant l’exigence du droit usuel ou du droit des acquis même quand le
jeune se place comme un ayant droit qui l’exige.
Dans la situation précédente , l’éducateur
doit prendre en compte l’état de tension du jeune et en tout premier lieu il
doit travailler le sentiment d’injustice qui l’anime avant le sien propre.
Avant de reprendre ses revendications
concernant une habitude de vie qu’il pose en termes de droit, il convient que
l’éducateur s’intéresse au fait que la situation lui fasse resurgit une
perception d’injustice qui lui est insupportable et ainsi en acceptant en
premier sa part de responsabilité dans le fait de la faire surgir, l’éducateur
pourra travailler la responsabilité du jeune dans la fabrication de son
sentiment d’injustice. Mais cela après le moment de crise.
Il convient alors que l’’éducateur renonce,
sur le moment à ses valeurs qui lui font trouver exagérée cette exigence de
droit alors que ce n’est pas un droit. Il doit renoncer, au moment de la crise,
à la position éducative rappelant le respect du règlement imposant le respect
de l’adulte afin de le reprendre après quand l’apaisement sera revenu. S’il ne
le fait pas il crée une situation de soumission qui ravive l’injustice vécu. Il
rétablira les relations ajustées quand le jeune aura retrouvé la capacité à se
représenter dans la situation avec les actions-décisions qu’il a prises au
moment où il était submergé par les émotions et le ressentiment.
Dans ce travail de relecture e
l’événement, il ramènera par les questions interrogeant les actions faites lors
de l’événement, la représentation d’une demande de droit exagéré, propre à l’utilisation
d’une habitude qui met en évidence la responsabilité du jeune à ne pas profiter
d’un plaisir en s’adaptant à la situation imprévue.
Ce qui sera intéressant et possible à
analyser dans la situation, por renforce sa capacité d’adaptation, est
·
d’une part que la mise en insatisfaction du
jeune provient d’un écart perçu lié à l’institution, à l’organisation et à un
défaut de pouvoir apporter ce qui est attendu.
·
D’autre part pour le jeune qu’il perçoive que
l’écart lui produit une frustration qui le dépasse le conduisant à proférer des
injures manifestation sa déception, mais ne prenant pas en compte la personne
de l’éducateur et le respect qui lui est dû. La cause de sa réaction est bien
liée à un écart perçu des droits acquis proposés par l’organisation. S’il n’y a
pas reconnaissance de cet écart lié à un acquis , il ne pourra pas dépasser sa
frustration. Même, si l’injure n’est pas ajustée et qu’elle soit à reprendre, s’il
ne perçoit pas qu’elle vient en réponse à un écart qu’il ne peut pas dépasser,
il ne pourra pas mettre en acte les forces appropriées pour, en tout premier
lieu, travailler sa capacité à dépasser les obstacles afin d’être ajusté à une
situation d’interrelation humaine.
Ainsi toute agressivité manifestée par
les injures doit donc être reprise au niveau de la nature de la frustration
reçue concernant l’attente qui implique de reconnaitre l’écart et le défaut. Et
ensuite de travailler avec le jeune qu’est-ce que lui fait vivre la déception
pour renforcer chez lui la possibilité de dépasser l’obstacle et donc de faire
grandir sa capacité d’entrer en dialogue permettant de faire remarquer le
défaut tout en respectant les personnes.
La démarche a été réalisée une semaine
plus tard par l’éducateur après une analyse des pratiques.
Il invite le jeune à reprendre la
situation.
Il commence par reconnaitre qu’il
était tout à fait en tort et qu’il a été à l’origine de sa frustration. Puis il
lui demande s’il veut bien travailler ses mouvements de colère qui l’amène à proférer
des insultes à son égard qui sont de toute évidence en écart à la règle de respect
dû aux personnes.
Le jeune accepte.
L’éducateur commence alors.
*Qu’est-ce qui s’est passé au moment
où tu vois qu’il n’y a pas de viennoiserie pour le petit déjeuner ?
- Je vrille parce que ce n’est pas
juste, c’est le seul plaisir qu’on peut avoir ici.
* ET juste avant de vriller, il se
passe quoi ?
- Je ne sais pas ! C’est
compliqué ton truc…
* je t’aide, regarde-je te fait le
dessin de la scène….( il prend une feuille et commence à schématiser la
situation tout en la décrivant). Je te vois, je suis dans la cuisine, tu
descends les escaliers.
- Ok
* on se dit bonjour , et tu vois qu’il
n’y a pas les viennoiseries sur la table alors que j’avais préparé les couverts
pour le déjeuner, et tu te rappelles ce qui se passe alors ?
- je te demande où sont les
viennoiseries ?
* et je te réponds quoi ?
- tu me dis que tu n’as pas les clés
pour aller les chercher, et là je t’insulte.
* Juste avant de m’insulter il se
passe quoi dans ton cerveau
- je me dis c’est injuste, ce sont
tous des connards, on n’est rien pour eux.
Comme
on l’avait vu en formation, comme il est dans un moment de description des
actions et des faits, il n’approfondit pas les actions qu’il fait à ce moment-là,
il le fera après le temps de la description, car c’est le temps de la
représentation de la situation de façon plus ajustée.
* Après il se passe quoi ?
- je quitte la pièce et je remonte
dans ma chambre
* Pendant ce temps je vais voir le collègue
du groupe à coté et j’organise le repas avec du pain de mie et du nutella, je
vous rappelle en vous disant que c’est prêt, tu redescends et ne voyant pas de
viennoiserie tu…
- j’explose à nouveau en te disant que
tu te fous de notre gueule et mille choses encore et je repars dans ma chambre
en furie pour ne pas te foutre sur la gueule.
* est ce que tu entends ce que je te
dis à ce moment-là ?
- non je ne sais pas de toute façon je
ne t’entends pas, je suis trop énervé.
* je te dis « est-ce qu’on peut
parler ?
- je n’ai rien entendu.
Vu l’état de la situation, je vais
acheter les viennoiseries avec mon argent propre, et le petit déjeuner peut
commencer et là il se passe quoi ?
- Tu me dis que je ne peux pas en
prendre tant que je ne me serai pas excusé. Je m’excuse mais je trouve cela
injuste c’est toi qui fais la faute et c’est moi que tu punis. Je t’avais
insulté c’est vrai mais toi tu t’étais foutu de notre gueule.
Ok sur ce point tu as raison.
Maintenant si on revient au début de
l’événement ( il reviens sur le
schéma de l’événement et pointe l’entrée dans la pièce ) ; et qu’on s’intéresse aux
actions que nous faisons. Quand toi tu vois qu’il n’y a pas de viennoiserie,
juste avant de vriller, tu fais quoi ?
- Je ne sais pas….
* je t’aide…. « tu vois
qu’elles ne sont pas là et donc avant de te dire ce n’est pas juste il se passe
quoi dans ta tête ?
- je ne sais pas c’est compliqué ton
truc !
* tu fais référence à l’habitude et à
ce qui devrait être là et que tu ne trouves pas.
- oui c’est ça et je me dis tu te fous
de notre gueule.
* ça c’est par rapport à toi, à la nourriture
qui n’est pas là et à tes copains…et moi là où je suis et qui je suis ?
- toi tu dois nous apporter ce qui est
prévu.
* et tu me fais quoi à moi quand tu
penses ça ?
- Je te remets à ta place, on te paie
pour nous servir.
* ok, en effet, je dois faire mon boulot
d’éduc, mais je ne suis qu’un éduc, je ne suis pas autre chose ?
- Ouais je te dois du respect
* Ça c’est comme les excuses que tu me
fais pour avoir accès aux viennoiseries, ce n’est pas sûr que ce soit vraiment
intégré…
- ouais mmmm
* Maintenant si on regarde mes actions
au moment où je te dis que tu n’auras pas de viennoiseries, si tu ne t’excuses
pas , je prends quoi en compte et je te fais quoi ?
- je ne sais pas.
Je fis comme toi, je te prends comme
un ado qui doit le respect, est ce que je te prends en compte comme plus qu’un
ado ?
Tu me fais comme je t’ai
fait ?...
Et tu penses que j’ai raison, on
n’aurait pas intérêt à faire autrement ?
Là, maintenant qu’est-ce qu’on
fait ? n’est-ce pas plus intéressant.
…ok
Deuxième exemple ,
Evitement de la contention, au moment où la
frustration liée à un ensemble de stimuli sensoriel devient si forte que la
physiologie biologie ne peux pas supporter.
Une enfant 9 ans est dans sa chambre, elle lit. Dans le salon à l’étage
inférieur le groupe des autres enfants fait la fête avec musique, champ et
cris. A un moment donné, n’en pouvant plus de tout ce bruit, l’enfant descend
dépassée par les réactions que lui procure le bruit. Elle hurle dans les
escaliers, avec une hostilité impossible à réguler par la parole. Elle prend
tous les objets qui se trouvent sur son passage les jette et les casse. Elle va
dans le placard de la vaisselle et jette toute la vaisselle à terre. Après ce
temps de décharge de la charge affective retenue pendant trop longtemps elle se
calme et s’effondre en pleurs.
La décharge finie il a été possible de la récupérer affectivement
et de la réconforter.
La contention, dans cette situation, n’était pas à faire, car elle
ne pouvait pas être approchée et que la mise en protection des autres était
suffisante pour gérer la situation.
Le travail avec la jeune a consisté, après l’avoir réconfortée, à faire
expliciter ce qui s’était passé avant d’exploser, durant le temps où elle
recevait les « agressions » des bruits qui l’ont submergé.
Il s’agissait de l’aider à intervenir plus tôt pour éviter sa mise
en danger. La sanction dans cette situation serait inutile et contreproductive.
Les rôles de l’éducation et de l’autorité de service
Si nous considérons que les rôles et missions de l’éducateur consistent
à aider l’enfant à devenir ajusté et adapté dans ses actions et réactions aux
situations de sa vie, alors l’éducateur se trouve dans une autorité de service
par rapport aux lois de l’humanité qui sont contraintes dans le quotidien tant
que les compétences de vie ne sont pas fortifiées. Ce temps d’accroissement des
compétences nécessite d’être en situation de coopération et il se joue dans le
temps réel de l’action
Si les rôles et missions des chefs de service (direction) consistent
à proposer un contrat de vie dans une institution qui le prend en charge dans
un groupe, alors l’instance de direction (le directeur ou le chef de service)
doit se positionner, dans le moment de crise, au service de l’enfant ou du
jeune en proposant le contrat comme une aide permettant de dépasser les
contraintes de sa vie. L’admission dans l’institution vient pour assister l’enfant
face aux difficultés de sa vie prises dans des nécessités de contraintes. Ce
temps du contrat se joue dans le temps différé avant la prise en charge par les
éducateurs et donc avec les actions qui vont se dérouler dans le quotidien ;
mais aussi après des actions qui auront rompu ou entamé une ou des clauses du
contrat. Le rôle alors sera celui de rappeler le contrat et son sens premier (celui
de venir en aide au quotidien), mais qui peut devenir contrainte quand les
difficultés précédant la prise en charge vont s’estomper et que le contrat
alors sera perçu comme une brimade de la liberté quotidienne.
Mais comme nous venons de le voir, le profil des jeunes en
institution (spécialisée ou pas : l’école) nécessite parfois que ces deux
rôles se jouent dans le temps réel de l’action en faisant en sorte qu’il n’y ait
pas confusion des deux rôles chez l’enfant donc que le chef de service ne fasse
pas le rôle de super éducateur.
Mais vu la violence et la non intégration de la fonction de
l’autorité de service qui est perçue comme une autorité de contrainte marque de
tous les ressentiments de l’injustice, il est nécessaire que les deux autorités
interagissent dans le temps de l’action car le jeune perd la mémoire de son
contrat du fait de sa perte de la fonction de la parole. Il n’a pas intégré
cette dimension d’humanité qu’est la parole et donc n’ayant pas d’histoire, il
faut la créer et créer la faculté de se raconter. C’est ainsi que le rôle de
service du chef de service intervient, quand l’enfant débordera l’éducateur et
ne sera plus en lien avec son humanité. Il le prendra dans un espace à l’écart
du champ de la bataille de la vie (vire sur le champ de la bataille) pour le
ramener dans l’état d’enfant plongé dans une mer de contraintes à
dominer grâce à l’action de l’éducateur qui renforcera ses forces de vie pour
que ces contraintes deviennent service pour lui .
En conclusion
Dans la situation de crise il est impératif de
faire attention à n’agir qu’en fonction de ses possibilités et en fonction
des éléments singuliers de la situation.
L’acte éducatif comme la réponse à une manifestation
de colère et de violence est à faire en fonction des compétences d’autonomie de
l’enfant ou du jeune.
Dans l’avant et l’après crise, il est donc impératif
à tout moment de renforcer les compétences de vie et ne pas seulement de
les laisser vivre ou de les constater.
[1]
M.
Blondel 1893 posera l’action comme une obligation à laquelle il est impossible
d’y déroger pour accéder à la liberté. Sa position s’oppose radicalement la
tradition de la quête du plaisir comme moteur de l’existence.
[2]
Esope
repris par Lafontaine avait déjà indiqué ces deux voies, Socrates, Aristote et
les philosophe grecs avaient proposer un chemin de sagesse par le renforcement
des « vertus » des forces à vivre « patience, tempérance, la
force et la justice ».
[3]
Les représentations sociales construisent le système de référence et la
hiérarchisation des valeurs, des importants à respecter
[4]
La pratique construit dans le quotidien les compétences et capacités d’action
permettant de prendre des décisions grâce à la puissance des forces psychiques
structures du potentiel d’action.
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