samedi 31 juillet 2021

Activités collectives en CHRS

 


 Activités collectives en CHRS

 

Nous savons, du point de vue génétique, que l’action précède la pensée. Nous avons vu aussi que dans la démarche éducative chez le tout petit (D. Beaudroit R. Michit 2020) comme dans les démarches de rééducation propres à l’éducation spécialisée (jeunes et adultes), l’action précède la pensée (R. Michit 2017). Aristote[1] l’avait déjà intuité, et M. Blondel (1893, 1966), J. Piaget[2] l’ont montré.

Nous pouvons, aujourd’hui, aller encore plus loin dans cette perspective, parce que nous avons démontré que l’action construit les compétences à acquérir lorsqu’elle fait l’objet d’une relecture avec pour objectif l’explicitation des micro processus décisionnels (Michit H et R 1998, et Michit R. 2020).

Dans le cadre de l’éducation en CHRS la vie quotidienne des hébergés est le lieu et le temps naturel pour travailler avec les acteur(trice)s leurs expériences de vie. Elles seront relues, dans l’après coup ; dans le but de renforcer la conscience de soi d’être acteur de sa vie et de renforcer, ainsi, les capacités à prendre les décisions plus ajustées pour adapter ses comportements à leurs conditions de la vie sociale.

Dans le but de stimuler les personnes et leur faire faire des découvertes différentes, proposer des activités collectives en petit groupe est l’occasion de combiner plusieurs aspects de l’accompagnement rééducatif.

Proposer une activité à thème (cuisine, couture, écriture, marches, visites, échanges sur des sujets importants, lectures, films etc.) donne un objectif. Ce dernier stimule la créativité ou la mise en action que l’hébergé n’aurait pas eu seul. Il est ainsi invité à entrer dans des expériences qu’il peut ne jamais avoir faites. Ces temps sont donc très puissants pour apporter des terrains expériences riches en renforcement de compétences.

Comme elles sont réalisées en présence de l’accompagnement, elle procure un autre intérêt sur le plan éducatif. En effet, dans le temps d’activité, l’accompagnant peut percevoir et observer des actions, des attitudes, des phénomènes que l’acteur ne perçoit pas tout seul. Il s’en suit comme il n’est pas en mesure de les voir en les faisant, qu’il ne peut pas les raconter dans la relecture de la séquences des actions qui serait faite après coup. En effet, il, elle, les a faites sans s’en rendre compte. De ce fait, soit l’accompagnant présent peut effectuer une relecture des actions en train de se faire par des questions interrogeant ce qui est en train de se faire. Ce faisant, il permet de faire découvrir des actions qui ne pourraient pas l’être par un entretien d’explicitation réalisé après l’action.

Cette découverte n’est pas sujette à la création d’une réponse défensive de justification (« ce n’est pas ma faute » … « c’est parce que les conditions ne sont pas bonnes » etc…) ou à de la culpabilité car la technique de relecture ne critique pas l’action. Elle demande simplement : « est-ce que vous pouvez me dire ce que vous êtes en train de faire. ? Cette question ramène le sujet dans la représentation de ce qu’il fait alors qu’il ne se voit pas en train de faire. La question l’aide à faire un arrêt sur image. Ainsi il devient possible de reprendre le geste ou l’action sur le moment non pour critiquer son auteur(trice) mais pour la faire découvrir. Ainsi, l’acteur se rend compte par lui-même de l’ajustement ou de l’écart entre l’objectif à réaliser et le moyen mis en œuvre pour l’atteindre.

Soit, il est aussi possible, dans le moment de l’action, de l’arrêter juste pour demander à la personne ce qu’elle a pris en compte pour faire un geste ou une part de l’activité. Ce travail de représentation construit la prise de conscience des éléments pris en compte qui permettent ou pas de réaliser l’action de façon ajustée.

Mais il y a un autre intérêt de la présence de l’accompagnant dans l’activité. Il concerne la relecture des événements qui serait réalisée dans l’après coup de l’activité. Comme l’activité a été faite et vécue avec l’accompagnant, ce dernier dans cette relecture d’explicitation peut revenir sur des moments de l’activité qui ont été oubliés. Il peut prêter sa parole pour rappeler le cours des événements et ainsi remettre la personne dans des moments d’actions qui l’aide à voir les phénomènes ou les événement oubliés. Passés, ils disparaissent de la mémoire. Or, très souvent les moments oubliés sont des moments où les gestes ont été appropriés. Si bien que la compétence - qui se fortifie essentiellement par la relecture des compétences acquises pour les renforcer par la représentation des éléments pris en compte pour les réussir-, ne capitalise pas sur les acquis. Ils se perdent dans la somme des événements insignifiants vécus.

Nous savons que le travail de représentation contribue à renforcer la capacité de représentation de soi. Il renforce donc la fierté et la confiance en soi.

Mais en plus, nous avons établi que l’explicitation des micro processus décisionnels est le moyen d’accroitre l’ajustement des capacités à vivre par la représentation de la prise en compte les événements qui se déroulent et des éléments qui sont perçus au moment des actions que l’activité suscite.

L’activité réalisée en groupe avec l’accompagnant présente un troisième intérêt. En effet, faire en groupe, une activité sans enjeu de concurrence entre les participants, produit une émulation par le groupe avec une possibilité d’échanger entre pairs[3]. La présence du responsable d’atelier permet de renforcer cette « pair aidance » par la relecture des événements de solidarité et par la stimulation et l’accompagnement de l’entraide, afin que celle-ci ne soit le temps où un participant déploie et se présente comme un sachant mieux que les autres en prenant une place d’expert au lieu de prendre celle d’aidant et de partage des compétences. 

 

 

Bibliographie

Blondel, (M), (1893), L'action, Paris, Presse universitaire de France.

Blondel, M. (1966 ) Itinéraire philosophique Paris , Editions Montaigne Aubier-Montaigne

Michit R. (2017) L’action précède la pensée délibértive, blog ACO www.academielabodecision.eu

Michit (2020) les puissants effets de l’explicitation blog ACO www.academielabodecision.eu



[1] Dans l’éthique à Nicomaque en particulier

[2][2][2] Texte « devenir mental et permanence normative » dans fondation J. Piaget

[3] Dossier 2021 « La pair aidance véritable levier d’autodétermination à l’heure de l’inclusion » Cahier de l’actif N° 538-539

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