mercredi 3 mai 2023

L’approche narrative et l’explicitation des processus décisionnels

 

Robert Michit

Grenoble 3 mai 2023

 

Trouvant leur fondements dans la même décennie des années soixante, elles sont les deux en quête d’une réponse aux limites des divers accompagnements qui se décalent de la démarche analytique qui ne répond pas à une grand nombre de situations.

L’approche narrative (Michael White1990) s’inspire de la puissance du groupe comme force d’identification contenue dans la narration des histoires de vie qui ont été soit plaquées sur les personnes soit que les personnes se sont construites en réponse aux projets que dictait le groupe d’apparence proche ou même sociétal.

On constate avec bonheur que la découverte et la construction ou reconstruction d’histoires décalées souvent oubliées permet de réidentifier une personne à l’aide de leurs récits réélaborés. Il en est ainsi d’une part parce que la personne se perçoit plus agile dans son histoire qu’elle en avait gardé mémoire ou parce qu’elle peut se projeter dans une autre histoire dans laquelle son problème perçu hors d’elle-même, elle peut évoluer nouvellement en s’en libérant.

La grande limite de la démarche est celle-là même qui fait faire l’expérience à une personne qui s’engage et se projette dans une nouvelle histoire plus ajustée à son désir et se besoin qu’elle reste soumis à une loi qui la contraint et la rend esclave. Cette loi est exposée en 54 de notre ère par Paul de Tarse lorsqu’il reprend dans sa lettre à ses amis de Rome la constations tragique de Médée (Euripide, -431 av JC, Ovide ) qui dit faire ce qu’elle ne veut pas agi qu’elle par une force intérieure qui la contraint.

Ainsi Paul énonçait, en substance, sa loi :

Il existe en moi une loi que je ne comprends pas je fais ce que je ne veux pas je ne fais pas ce que je ,1veux qui me libèrera de ce corps qui me voue à la mort ? Rm7,19

 

Le projet de construire une autre vie en naissant à une autre représentation de l’ancienne n’est donc pas suffisant ;

Nous avons dans nos rencontres professionnelles comme dans nos rencontres de praticien quantité de personnes qui font le constat que malgré tout leur désir de modifier leur vie même après une narration bénéfique, il surgit très souvent un «"C" qui est plus fort que "moi" ». A ce jour, ni Freud avec la psychanalyse qui ne libère pas des lapsus qui surgissent plus forts que la volonté ni les thérapies brèves, ni la thérapie narrative, ont théorisé de façon satisfaisant la puissance de ce « C » et donc ne peuvent résoudre l’oppression de cette loi.

La démarche de l’explicitation des micro processus décisionnels se penche sur ce sujet et en propose une résolution théorique et pratique puissante.

Ses fondements se trouvent dans les travaux de Jeannine Guindon (1976) dans sa thèse relatant « les étapes de la rééducation ». Son objectif était  d’élaborer un « processus » destiné à faire sortir de la récidive des jeunes adolescents et adultes se trouvant pris dans les logiques de la grande délinquance pouvant aller jusqu’au meurtre de leurs parents ;

La démarche sera développée dans la thèse de Robert Michit 1995 explicitant les micro processus décisionnels qui s’agissent tous le 1500ième de seconde  (EPD et neuroscience  Academia mars 2023).

Dans ces travaux, il est mis en exergue que l’identité d’une personne en effet se construit dans l’histoire personnelle engagée dans un courant de pensée et de représentations sociales d’un groupe d’appartenance. Mais pour la modifier significativement qu’en agissant sur le micro processus décisionnel structurel et propre à chaque personnalité.

La démarche d’explicitation comme l’approche narrative impose le temps de la narration qui se développe au-delà d’un premier récit dans la description précise des événements de vie significatifs. L’accompagnement de ce deuxième récit ne peut se réaliser qu’aidé par un accompagnant ou thérapeute qui se positionne bien évidemment en non sachant et en naïf. Il permet l’explicitation de l’histoire de vie mais aussi et surtout dans l’histoire immédiate de vie qui se déroule dans le présent et qui n’est qu’une copie de l’histoire passée.,

En réalisant, ce récit précis comme dans l’approche narrative il se produit une reconstruction de l’identité qui découvre quantité de facettes d’une histoire qui avaient été oubliées n’ayant retenu que les faits essentiels marquant, positifs comme négatifs et affligeants.

A la suite de ce récit apparait une ouverture vers ou pour une autre histoire.

Cette ouverture est dressée à l’aide du système de valeur et de l’aspiration à un mieux-être spontanément perçu par le sujet comme le disait déjà Aristote.

Cependant, cette aspiration ne peut se réaliser qu’en s’appuyant sur des compétences nouvellement acquises, or cette acquisition n’est pas l’œuvre du récit et de la narration. Cette dernière peut mettre en évidence des compétences en germe mais qui n’ont pas pu s’exprimer totalement. Il faut une autre démarche pour renforcer ces compétences ou forces psychiques ( Erik Erikson 1963)

C’est là que les deux étapes suivantes de l’entretien d’explicitation vont être destinées à cet objectif.

Tout d’abord, il s’agit de faire découvrir les actions réalisées dans une séquence d’actions. Ces actions, signifiées dans le récit par une succession de « je+ verbe d’action », vont être explorées selon deux axes.

L’axe diachronique qui permet de distinguer la chronologie logique des actions et leur conséquence en distinguant les intentions projetées et les objectifs définis avec les moyens mis en œuvre pour les atteindre.

Ce travail met en évidence généralement que les effets projetés ne sont pas ceux qui adviennent car les moyens mis en œuvre ne sont pas ajustés à leur objectif.

L’axe synchronique en faisant découvrir qu’une action réalisée implique que dans le même temps 5 autres actions au minimum sont effectives et souvent de façon implicite.

Ce travail construit l’identité d’acteur dans son histoire et renforce la fierté tout en mettant en évidence que la personne est beaucoup plus actrice qu’il lui paraissait. Un étonnement vivifiant se dévoile : «  j’ai fait tout ça ! »

Toutefois, ce travail n’est encore pas suffisant pour construire une capacité d’action ajustée dans l’immédiateté du temps. Il y faut le renforcement des micros processus décisionnels que chaque situation impose d’activer de façon spécifique.

Ces micro processus décisionnels définissant la personnalité spécifique de chaque personne possèdent une structure universelle. Ils nécessitent pour être ajustés aux multiples situations de la vie que la personne prenne en compte 4 perceptions et qu’elle met en lien à 3 importants propres à la situation et qu’elle opère une hiérarchisation adaptée afin de prendre le moyen permettant d’atteindre l’objectif priorisé.

L’explicitation des éléments pris en compte dans chaque micro décision accroit la force de ce processus ce qui est à la base du changement de personnalité et du renforcement de l’identité en action dans le quotidien.

La méthode est simple en apparence mais elle requiert de l’accompagnateur une vigilance à distinguer la différence entre les perception et les importants à prioriser il ne suffit donc pas seulement de demander quels sont les éléments pris en compte mais à faire distinguer les processus qui conduise à cette prise en compte .

 

Bibliograpphie

Erikson, (E.) (1963), Enfance et société, Neuchatel, Delachaux et Niestlé

Guindon, (J.) ( 1976), Les étapes de la rééducation, Paris, Fleurus.

Michit, R.(1995) Représentations sociales et décisions professionnelles, thèse de doctorat, Montpellier, université Paul Valéry.

Michael White et David Epston 1990, « Narratives Means to Therapeutic Ends » Noton and company new york

lundi 20 mars 2023

Analyse de pratique Et méthode de coaching la parole et les actions des acteurs sont des objets et des objets éthiques

 

 

Toute parole comme toute action sont des actes ; elles possèdent bien une dimension éthique.

On peut donc poser la question suivante

QUAND TU DIS CELA OU QUAND TU FAIS CELA TU FAIS QUOI ?

Nous avons vu que pour chaque acte il y a 6 réponse possibles au moins

 

Si nous nous mettons dans la perspective d’Austin J.L (1962),How to do Things with words, Oxford University Press, trad.( 1970), Quand dire c'est faire, Paris seuil), qui met en lumière que la parole est action, nous pouvons concevoir et  animer les groupes d’analyse de pratique et les accompagnements de coaching  comme l’analyse de la justesse des actions de parole ou des action d’intervention comme des productions de la personne.

Ces productions sont de fait des décisions-actions réalisées dans l’immédiateté de l’action en ayant pris en compte des informations que l’auteur a mises en ordre après avoir hiérarchisé leur importance en fonction d’un système de valeurs ou système d’enjeux et importants identifiés et présents dans les événements dans lesquels il intervient. Cette hiérarchisation relève donc d’un jugement appréciant les éléments de la situation après un discernement de l’ajustement de son action. Ce discernement il le fera en identifiant la loi ou structure de la situation qu’il découvre soit de façon instrumentée lui permettant d’accéder à une forme objectivée de son jugement soit à partir de ses a priori, ses opinions, ses sentiments, ses perceptions limitées qui énonce une évaluation subjectivée car elle ne prend pas en compte l’ensemble des importants de la situation.

La démarche d’analyse d’une pratique alors va s’intéresser à toutes les micro actions de l’acteur conçues comme des décisions-actions. Elle va s’y intéresser de deux façon ;  

·       d’une part avec l’objectif d’identifier les actions selon la catégorie d’action qui lui correspond:

o   chaque action relève d’une forme décisionnelle : par exemple dire à quelqu’un que son action n’est pas ajustée relève de la forme « évaluation » , dire à quelqu’un « tu dois faire telle action » relève de la catégorie de « l’ordre ». la personne qui explique ce qu’elle a fait relève de la forme « justification » ou « explication » selon l’objectif de la relation.

·       d’autre part, en s’appuyant sur la structure des micro processus décisionnels (Michit R., Comon T. quand l’art de manager devient une science 2018 MC2R Grenoble montrent qu’une décision-action pour être ajustée doit prendre en compte 4 perceptions, mises en lien à 3 importants hiérarchisés de façon à en prioriser un sur les trois),

o   il est donc possible d’analyser la pertinence d’une action au regard de l’objectivation de la situation dans laquelle elle a été posée. Le travail d’énonciation des éléments pris en compte (distingués entre perceptions et importants) permet à chaque acteur de découvrir les axes d’amélioration à mettre en œuvre pour être plus ajusté dans son action. L’analyse des enjeux et importants discernés et hiérarchisé dispose spontanément l’analyse dans le champ de l’éthique de façon toute naturelle sans avoir recours à une comité d’éthique.

Exemple d’un processus d’accompagnement

Dans le cadre d’un échange professionnel, une collègue A fait des remarques à sa collègue B au sujet d’une personne que A accompagne dans le cadre de l’insertion professionnelle et B pour l’ajustements de son quotidien aussi bien lors de ses relations peu adaptées avec les autres que lors de la manière dont elle prend soin d’elle-même.

A dit à B «elle vous manipule » , « elle dissimule et vous ne voyez rien », « vous êtes dans le monde des bisous nours »…

B reçoit les affirmations de sa collègue (qui, dans le même temps affirme « moi je m’y connais avec ces personnes , je suis experte de ces situations d’accompagnement »), comme une évaluation de sa pratique et de ses interventions mais aussi comme une évaluation de sa personne.

Lors d’un temps d’analyse des pratiques, B présente la situation dans le but de trouver une manière d’entrer en relation professionnelle avec sa collègue car elle trouve les propos déplacés et blessant lui stimulant une réaction trop affective.

L’animateur prend le récit de B qui confie son mal-être au groupe comme un "objet d’actions" à analyser dans lequel elle énonce d’une part qu’elle reçoit très mal les évaluations de sa collègue, d’autre part qu’elle se trouve démunie concernant ce qu’elle peut bien engager comme relation professionnelle avec A.

Renonçant à se lancer dans une évaluation des actions des deux professionnelles, dans le seul but d’aider B à trouver une réponse adaptée à son mal être et à sa question, il propose à B de découvrir les actions qu’elle fait quand elle témoigne de cette situation dans le groupe ; il lui pose la question suivante :

 « Vous faites quoi à A quand vous nous dites qu’elle vous met en difficulté et que vous ne savez pas comment entrer en relation avec elle. ? »

La question étonne et après un temps de réflexion B peut dire :

« j’évalue que ce qu’elle me dit n’est pas juste »

Puis il propose la question suivante pour faire identifier l’objectif de son action :

«quel est votre but quand vous nous présentez votre évaluation ? ».

« Je cherche une solution pour trouver la manière de communiquer afin de lui dire que ce qu’elle dit n’est pas juste, que son évaluation me blesse et que je la trouve injuste. »

« Donc vous faites quoi ? »

« J’évalue son action : elle n’est pas juste »

Et ?........

« J’évalue qu’elle est injuste envers moi. »

Si maintenant nous nous intéressons à A ; que fait elle ?

-          de toute évidence, elle m’évalue en disant que je me laisse manipuler

-          et ?...

-          elle évalue la personne accompagnée en tant qu’elle dissimule et me manipule.

* Quelle est la différence de nature des actions de vous et de votre collègue ?

-  Elles sont semblables puisque qu’elle m’évalue et moi je l’évalue comme faisant envers moi  une action inappropriée.

* Et donc ? ….

- Nous sommes dans le même registre d’actions.

* Comment changer de registre de communication ?... je vous aide….

…Quand elle vous évalue et que vous trouvez que cela n’est pas ajusté, vous le faites à partir de quoi ?  

-          Je perçois des choses de la relation entre moi et l’accompagnée qu’elle ne prend pas en compte

Donc elle évalue votre action avec un manque d’informations, elle est donc obligée d’interpréter ce qu’elle perçoit en fonction de son système d’appréciation.

-          Elle interprète donc mon action sans connaitre avec précision les éléments que j’ai pris en compte pour mon accompagnement….. !

* Vous quand vous évaluez que son évaluation n’est pas juste vous le faites à partir de quoi ?

- J’évalue avec les éléments que je perçois d’elle !...

* Avez-vous toutes les informations qui vous permettent de savoir ce qu’elle a traité comme informations pour vous évaluer ?

- Non je ne sais pas ce qui s’est passé dans son cerveau pour le faire et à partir de quoi elle le fait,… je suis dans la même situation…

* Pour changer de registre de communication et trouver comment faire avec elle qu’est ce qui est possible de faire ?

- Sortir d’une évaluation en carence d’informations.

* Donc

- Il faut que je lui demande « qu’est-ce qui s’est passé dans son cerveau pour énoncer son évaluation, »

* Et ensuite lui faire découvrir que dans son micro processus décisionnel, elle a peut-être oublié de s’intéresser à vous et à ce que vous mettez en œuvre dans l’accompagnement qui pourrait être différent d’elle en particulier dans le discernement de ce qui pour elle est important et ce qui pour vous est impératif .

mardi 31 janvier 2023

Abstract quand l'art de manager devient une science

 L’analyse fine des difficultés récurrentes dans le management d’équipe nous conduit à distinguer cinq sources majeures de tension négligée par la littérature. Trois questions permettent de se sortir de ces sources de tension : quelle est l’autorité qui contraint les situations ? Qui détient la place d’autorité d’exécution? Quelles autres fonctions impératives permettent une animation sereine des équipes ? Cette analyse invite le « manager » à la nécessité de renoncer au pouvoir de domination en appliquant deuxformes de communication spécifique. Nous précisons les origines des dérives classiques vers le pouvoir de contrainte. Puis nous identifions la nature des obstacles à dépasser et des compétences dès lors requises pour un management en autorité de service.

quand l'art de manager devient une science

 

Présentation de l'essai

Quand l’art de manager devient une science

Robert Michit

Thierry COMON

Les managers des entreprises comme les dirigeants des institutions d’insertion sociale (CHRS, Centre maternel, Tutelle…) et professionnelle (ESAT, EA, entreprise d’insertion…) se trouvent confrontés à des réalités humaines (psychosociales) toutes nouvelles. Un nombre important de salariés (individus ou équipes) se trouvant en difficultés professionnelles, comme la majorité des instances de protection salariales (syndicats, CE, CHSCT, inspection et médecine du travail) sont polarisées par une attribution de malveillance, sans présomption d’innocence spontanée, qu’ils assignent à la ligne managériale.

Pour la connaissance de ces problématiques nouvelles, tout comme pour leur prise en compte ainsi que leur prise en charge, les enseignements passés et contemporains qui sont prodigués dans les universités et les écoles de managements ne donnent pas de réponses satisfaisantes.

Les expériences de management partagées butent sur des comportements inexpliqués et inexplicables, elles n’apportent pas de solution satisfaisante qui dépendants trop des circonstances et des expériences personnelles ; elles ne sont pas transposables.

En ayant observé, aussi bien le développement des situations présentant les symptômes de fatigue au travail avec un nombre croissant de prises de risques psychosociaux,  que l’accroissement des difficultés de management : difficulté à mettre au travail des collaborateurs sans motivation, difficulté à construire un collectif de travail sans conflit identitaire, difficulté à recevoir les diverses plaintes de harcèlement attribuées à un management directif qui n’apporte pas de reconnaissance, parce que  dirigé par la seule rentabilité, nous en sommes arrivés à formuler les deux hypothèses de causes ; la première relève d’une causalité structurelle liée au développement psychosocial des personnes et des institution : c’est la cause identitaire ; la seconde relève de l’enseignement prodigué et du développement des compétences à conduire un groupe et des personnes : c’est la cause pratique et opérationnelle.

Afin d’éprouver ces deux hypothèses et de répondre aux questions des managers concernant l’animation d’équipe, la prise de décision collaborative, le recrutement et le développement des compétences, la gestion des tensions et des conflits,  nous avons procédé à une analyse empirique des situations managériales.

Analyse des situations managériales

Cette analyse nous a permis d’identifier le paradoxe du management participatif : animer et diriger une équipe vers une cible précise (marquée du sceau de l’objectivité) en n’ayant comme seul moyen la communication spontanée (marquée du sceau de la subjectivité des énoncés de parole).

A partir de cette découverte fondatrice de toutes les difficultés du management, il s’est agi, de chercher s’il existait des lois propres aux interactions humaines et spécifiques aux situations managériales qui donnerait sens à l’apparition de ce paradoxe et dans le même temps permettraient de sortir de ses effets dommageables à la conduite des personnes et à l’animation des groupes de travail. On peut identifier quelques effets dommageables tels que l’incompréhension dans les échanges, les erreur d’entendement qui conduisent à des écarts dans la mise en œuvre de décisions prises en commun, le surgissement du sentiment de tromperie voire de trahison, associé à une perte de confiance voire à des accusations réciproques d’incompétence ou de malveillance….

A notre grand étonnement, au regard de la représentation communément admise que les sciences humaines relèvent d’un statut de "sciences molles",  notre quête n’a pas été sans résultat.

Voir article « sciences humaines sciences exactes » Michit R et Comon T.

Nous avons découvert plusieurs lois universelles et a temporelles. Ces lois régissent les événements quotidiens de la situation managériale de la même façon que les lois des sciences de la nature physique et biologique. La première, découverte au travers de l’analyse des pratiques de la communication opérationnelle mise en œuvre dans les entreprises à haut risque, nous a conduits à identifier deux lois de communication : la communication spontanée et la communication productive. La seconde, découverte par hasard lors d’un appel téléphonique, nous a ouvert les perspectives de la loi des univers de relation : seuls quatre objectifs de relation pouvaient être convoqués lorsque des individus et des groupes décidaient de se mettre ensemble pour réaliser une activité.

L’utilisation de cette loi met en évidence le principe d’incertitude qui régit le management mais aussi plus généralement toutes les disciplines des sciences humaines. La particularité de ce principe, est étonnante, à l’instar du principe d’indétermination d’Heisenberg qui avait ouvert le champ de la physique quantique, le principe d’incertitude des objectifs de relation lève toutes les difficultés de la théorie de complexité (E. Morin 1994) comme toutes les difficultés de la théorie des décisions dans le désordre (Altert 1999) ; deux théories impossibles à appliquer dans le champ de l’entreprise sans s’engager dans des risques économiques et humains à l’échelle des unités de production comme à l’échelle de la macro économie mondiale comme nous pouvons le constater quotidiennement.

Une troisième loi, la loi des autorités permet de redéfinir le statut et la mission de service du manager. Le manager prenant son autorité comme un service se dégage des attributions de volonté de puissance ou de prise de pouvoir. Véhiculée depuis Marx sous la forme d’une recherche de domination proche de la notion d’oppression, les relations avec les hiérarchiques théorisées par Crozier (1977) et  Enriquez (1998) comme  des relations de pouvoirs retrouvent leur juste place entre l’autorité de contrainte toute contenue dans la réalité du travail et de son environnement, et l’autorité d’exécutant que détiennent les experts des activités à réaliser pour atteindre la production ciblée.

Pour approfondir Michit R et Comon T. Conditions d’humanité et d’efficacité du management cahiers actifs 2023

Enfin, la loi d’action (Blondel 1893, Mendel 1998, Berthoz 2003) , la loi de l’identité psychosociale (Michit 1998), la loi de situation  (M. Parker Follett 1927 in  Mously, 2003) et la loi du processus décisionnel, finalisent l’ensemble du corpus des lois du management. Celles-ci permettent alors de créer des méthodes de management qui respectent leurs contraintes et en utilisent leur dynamique.

La première de ces méthodes, l’explicitation des processus décisionnels consiste à objectiver les récits de séquences d’action. Elle permet de se défaire des effets indésirables de la communication spontanée notamment de l’interprétation et de l’incompréhension,  lors de la description de situations vécues.

La seconde, la schématisation en triades, consiste à objectiver les situations. Elle permet lors de la prise de décision en groupe ou lors de l’analyse d’une problématique, de décrire les éléments structurels de la situation considérée et d’en trouver « sa loi», sans que celle-ci puisse être discutée.  Cette « loi de situation » rassemble les décideurs autour de sa contrainte et met fin à toutes les confrontations d’opinion qui n’aboutissent pas, laissent frustré, et font perdre un temps précieux aux managers.

La troisième : l’interrogation de l’action consiste à objectiver les actions des acteurs. Elle permet une prise de conscience de la responsabilité dans le développement d’une séquence d’actions en dégageant des fausses culpabilités qui pervertissent la mise en œuvre de changement.

Cet ensemble de pratiques présente l’avantage important de pouvoir analyser rapidement lors d’un recrutement les compétences en acte d’un futur collaborateur en les distinguant des connaissances ainsi que de développer le potentiel d’action effectif d’un professionnel en cours d’exercice.

Cet essai a pour intention de constituer à la fois un corpus de connaissances permettant de considérer le management comme une science et un corpus de méthode proposant aux managers la possibilité d’être des praticiens qui peuvent apprendre un métier. Le management ne relève pas de l’art requérant des dispositions spécifiques ou un charisme particulier.

 

Altert N. (1999) La gestion du désordre en entreprise, Paris, L'Harmattan

Berthoz, A. (2003), La décision, Paris, Odile Jacob.

Blondel, (M), (1893), L'action, Paris, Presse universitaire de France.Gilly,(M), 1984,

Boltansky (L.), Thévenot (L.) (1991), De la justification, Mesnil-sur-l'Estrée, SNF, Gallimard.

Bourdieu P. (1987), Choses dites, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun ».

  Mously M (2003), Mary Parker Follett, Pionnière du management : Diriger au-delà du conflit, Paris, Village Mondial.

Morin E. (1994) La complexité humaine, Paris Flammarion

Enriquez E. (1998) Pouvoir et désir dans l’entreprise, Science Humaine n°10  Mars-Avril

Crozier M. et  Friedberg E. (1977) L’acteur et le système, Paris, Seuil 1977

Mendel G. (1998) L’acte est une aventure,, Paris, La découverte.

 

Commander « quand l’art de manager devient une science » Prix 25€  

Chèque Robert Michit 7 place André Malraux 38000 Grenoble France 0770922401 labo-decision@9business.fr

mercredi 4 janvier 2023

abstract neuroscience et EPD

 

Les neurosciences n’accèdent pas à la précision de l’explicitation des processus décisionnels

La comparaison des résultats obtenus par l’entretien d’explicitation des micro processus décisionnels (EPD) avec ceux annoncés par les Neurosciences utilisant l’outil IRM met en évidence une similitude concernant la vitesse de traitement des informations dans l’action : une action toutes les 300 millisecondes. Cependant, l’explicitation met en évidence deux phénomènes différents.

D’une part, chaque action est une juxtaposition d’au moins 6 actions-décisions, et qu’entre deux actions explicites l’acteur réalise 5 actions implicites dans l’intervalle des 300millisecondes. Ce résultat met en évidence que par l’EPD il est possible de nommer la forme des actions et d’apporter des informations très précieuses pour l’analyse des événements et le renforcement des prises de décisions pour les rendre ajustées

D’autre part, les actions explicites sont des prises de décision pour lesquelles, quand elles sont ajustées à une situation, leur auteur a pris en compte 4 perceptions et 3 enjeux qu’il a hiérarchisés. Ce résultat vient corroborer la découverte de l’empan cognitif : seulement 7 informations sont traitées en même temps mais cet empan ne différencie pas leur nature ce que l’EPD permet de distinguer. En effet l’EPD distingue entre les information de perceptions et l’identification des enjeux. Cette distinction est d’une importance capitale pour travailler l’ajustement des actions et l’analyse des causes de dysfonctionnent des décisions. Cet apport est nécessaire pour apporter une correction aux actions dans l’immédiateté du temps présent.