mercredi 3 mai 2023

L’approche narrative et l’explicitation des processus décisionnels

 

Robert Michit

Grenoble 3 mai 2023

 

Trouvant leur fondements dans la même décennie des années soixante, elles sont les deux en quête d’une réponse aux limites des divers accompagnements qui se décalent de la démarche analytique qui ne répond pas à une grand nombre de situations.

L’approche narrative (Michael White1990) s’inspire de la puissance du groupe comme force d’identification contenue dans la narration des histoires de vie qui ont été soit plaquées sur les personnes soit que les personnes se sont construites en réponse aux projets que dictait le groupe d’apparence proche ou même sociétal.

On constate avec bonheur que la découverte et la construction ou reconstruction d’histoires décalées souvent oubliées permet de réidentifier une personne à l’aide de leurs récits réélaborés. Il en est ainsi d’une part parce que la personne se perçoit plus agile dans son histoire qu’elle en avait gardé mémoire ou parce qu’elle peut se projeter dans une autre histoire dans laquelle son problème perçu hors d’elle-même, elle peut évoluer nouvellement en s’en libérant.

La grande limite de la démarche est celle-là même qui fait faire l’expérience à une personne qui s’engage et se projette dans une nouvelle histoire plus ajustée à son désir et se besoin qu’elle reste soumis à une loi qui la contraint et la rend esclave. Cette loi est exposée en 54 de notre ère par Paul de Tarse lorsqu’il reprend dans sa lettre à ses amis de Rome la constations tragique de Médée (Euripide, -431 av JC, Ovide ) qui dit faire ce qu’elle ne veut pas agi qu’elle par une force intérieure qui la contraint.

Ainsi Paul énonçait, en substance, sa loi :

Il existe en moi une loi que je ne comprends pas je fais ce que je ne veux pas je ne fais pas ce que je ,1veux qui me libèrera de ce corps qui me voue à la mort ? Rm7,19

 

Le projet de construire une autre vie en naissant à une autre représentation de l’ancienne n’est donc pas suffisant ;

Nous avons dans nos rencontres professionnelles comme dans nos rencontres de praticien quantité de personnes qui font le constat que malgré tout leur désir de modifier leur vie même après une narration bénéfique, il surgit très souvent un «"C" qui est plus fort que "moi" ». A ce jour, ni Freud avec la psychanalyse qui ne libère pas des lapsus qui surgissent plus forts que la volonté ni les thérapies brèves, ni la thérapie narrative, ont théorisé de façon satisfaisant la puissance de ce « C » et donc ne peuvent résoudre l’oppression de cette loi.

La démarche de l’explicitation des micro processus décisionnels se penche sur ce sujet et en propose une résolution théorique et pratique puissante.

Ses fondements se trouvent dans les travaux de Jeannine Guindon (1976) dans sa thèse relatant « les étapes de la rééducation ». Son objectif était  d’élaborer un « processus » destiné à faire sortir de la récidive des jeunes adolescents et adultes se trouvant pris dans les logiques de la grande délinquance pouvant aller jusqu’au meurtre de leurs parents ;

La démarche sera développée dans la thèse de Robert Michit 1995 explicitant les micro processus décisionnels qui s’agissent tous le 1500ième de seconde  (EPD et neuroscience  Academia mars 2023).

Dans ces travaux, il est mis en exergue que l’identité d’une personne en effet se construit dans l’histoire personnelle engagée dans un courant de pensée et de représentations sociales d’un groupe d’appartenance. Mais pour la modifier significativement qu’en agissant sur le micro processus décisionnel structurel et propre à chaque personnalité.

La démarche d’explicitation comme l’approche narrative impose le temps de la narration qui se développe au-delà d’un premier récit dans la description précise des événements de vie significatifs. L’accompagnement de ce deuxième récit ne peut se réaliser qu’aidé par un accompagnant ou thérapeute qui se positionne bien évidemment en non sachant et en naïf. Il permet l’explicitation de l’histoire de vie mais aussi et surtout dans l’histoire immédiate de vie qui se déroule dans le présent et qui n’est qu’une copie de l’histoire passée.,

En réalisant, ce récit précis comme dans l’approche narrative il se produit une reconstruction de l’identité qui découvre quantité de facettes d’une histoire qui avaient été oubliées n’ayant retenu que les faits essentiels marquant, positifs comme négatifs et affligeants.

A la suite de ce récit apparait une ouverture vers ou pour une autre histoire.

Cette ouverture est dressée à l’aide du système de valeur et de l’aspiration à un mieux-être spontanément perçu par le sujet comme le disait déjà Aristote.

Cependant, cette aspiration ne peut se réaliser qu’en s’appuyant sur des compétences nouvellement acquises, or cette acquisition n’est pas l’œuvre du récit et de la narration. Cette dernière peut mettre en évidence des compétences en germe mais qui n’ont pas pu s’exprimer totalement. Il faut une autre démarche pour renforcer ces compétences ou forces psychiques ( Erik Erikson 1963)

C’est là que les deux étapes suivantes de l’entretien d’explicitation vont être destinées à cet objectif.

Tout d’abord, il s’agit de faire découvrir les actions réalisées dans une séquence d’actions. Ces actions, signifiées dans le récit par une succession de « je+ verbe d’action », vont être explorées selon deux axes.

L’axe diachronique qui permet de distinguer la chronologie logique des actions et leur conséquence en distinguant les intentions projetées et les objectifs définis avec les moyens mis en œuvre pour les atteindre.

Ce travail met en évidence généralement que les effets projetés ne sont pas ceux qui adviennent car les moyens mis en œuvre ne sont pas ajustés à leur objectif.

L’axe synchronique en faisant découvrir qu’une action réalisée implique que dans le même temps 5 autres actions au minimum sont effectives et souvent de façon implicite.

Ce travail construit l’identité d’acteur dans son histoire et renforce la fierté tout en mettant en évidence que la personne est beaucoup plus actrice qu’il lui paraissait. Un étonnement vivifiant se dévoile : «  j’ai fait tout ça ! »

Toutefois, ce travail n’est encore pas suffisant pour construire une capacité d’action ajustée dans l’immédiateté du temps. Il y faut le renforcement des micros processus décisionnels que chaque situation impose d’activer de façon spécifique.

Ces micro processus décisionnels définissant la personnalité spécifique de chaque personne possèdent une structure universelle. Ils nécessitent pour être ajustés aux multiples situations de la vie que la personne prenne en compte 4 perceptions et qu’elle met en lien à 3 importants propres à la situation et qu’elle opère une hiérarchisation adaptée afin de prendre le moyen permettant d’atteindre l’objectif priorisé.

L’explicitation des éléments pris en compte dans chaque micro décision accroit la force de ce processus ce qui est à la base du changement de personnalité et du renforcement de l’identité en action dans le quotidien.

La méthode est simple en apparence mais elle requiert de l’accompagnateur une vigilance à distinguer la différence entre les perception et les importants à prioriser il ne suffit donc pas seulement de demander quels sont les éléments pris en compte mais à faire distinguer les processus qui conduise à cette prise en compte .

 

Bibliograpphie

Erikson, (E.) (1963), Enfance et société, Neuchatel, Delachaux et Niestlé

Guindon, (J.) ( 1976), Les étapes de la rééducation, Paris, Fleurus.

Michit, R.(1995) Représentations sociales et décisions professionnelles, thèse de doctorat, Montpellier, université Paul Valéry.

Michael White et David Epston 1990, « Narratives Means to Therapeutic Ends » Noton and company new york

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